dimanche 30 septembre 2012

Champion de France, mode d'emploi

Salut à tous !

Désolé de m'immiscer en plein milieu de cette trépidante septième journée de Ligue 1, qui s'achève ce soir avec les matches de Bordeaux, Marseille et Lyon qui devraient nous permettre d'y voir plus clair à propos du podium à une semaine du Clasico, penchons nous un peu sur ces étranges entités, rares mais qui passent très régulièrement une fois par an, les Champions de France.

Aucun Champion à plus de 10 titres

On en compte 75 pour l'instant depuis 1932 (je compte le titre retiré à Marseille en 1993 pour plus de commodités), avec l'intermède de la Guerre (1939-1945), répartis en 19 clubs, de Saint-Étienne (10) à l'Olympique Lillois, Auxerre, Roubaix-Tourcoing, Lens, le Racing, Strasbourg et le dernier en date, Montpellier (1), soit une moyenne de moins de 4 par équipe (3,94). Pour info, la moyenne en Bundesliga est de 4,08 (en seulement 39 saisons !), de 4,91 en Angleterre (23 champions différents !), de 6,75 en Italie et de... 9 en Espagne ! Il faut dire que le Real et le Barça ont remporté 53 des 81 titres espagnols, et que seulement sept autres équipes ont osé leur piquer leur jouet, la dernière fois en 2004 (Valence)... Bref, une nouvelle
preuve de la difficulté de nos grands clubs d'affirmer sur de très longues périodes leurs dominations, dans un espèce de relais permanent, qui participe au suspense mais nuit aussi à leur compétitivité en Europe.

Ce qui m'intéresse, c'est ce qui différencie un bon champion d'un champion moyen, ou d'un champion médiocre, par défaut en quelque sorte. On peut toujours gloser sur la qualité mythique du jeu nantais, de la solidité plus froide des Verts des années 70, etc... mais le moyen le plus objectif, selon moi, ce sont les chiffres.

Six victoires sur dix

Pour cela, il faut une nouvelle fois comparer les époques, qui sont très différentes, et découper tout cela en décennies. En moyenne, un champion de France remporte environ 60 % de ses matches, chiffres qui atteignait quasiment les 64 % dans les années 30, mais pas forcément parce qu'il y était marqué énormément de buts (2,5 pour les champions d'avant-guerre), puisqu'on tombait à 59,48 dans les années 50, où les champions étaient également très efficace, malgré une baisse significative (2,23). Surtout, encore aujourd'hui, ce chiffre de 60 % ne bouge pas, puisque c'est la moyenne des deux premiers champions de notre décennie actuelle, ainsi que la précédente, alors que les buts sont nettement moins nombreux, y compris pour les champions (1,74 dans les années 2000, 1,79 pour Lille et Montpellier).

La révolution, qui eut lieu dans les années 60, décennie funèbre qui vit la disparition des cinq attaquants et l'apparition du libéro et du Catenaccio, concerne les matches nuls et les défaites. De 1932 à 1957, et hormis à de rares occasions (Sochaux 1938, Marseille 1948, Bordeaux 1950, Lille 1954), le champion comptait presque toujours plus de défaites que de nuls. Ainsi, le premier d'entre eux, l'Olympique Lillois, ancêtre du LOSC avant sa fusion avec Fives, n'en avait signé aucun en 18 matches ! D'une manière générale, les champions des années 30 ne comptaient que 15,46 % de nuls contre 20,6 % de défaites. Pour ceux des 40's, les chiffres se rapprochèrent (19 contre 20,1) ainsi que dans les années 50 (19,5 contre 21), mais toujours avec un avantage pour les défaites. Un phénomène aisément explicable, dont j'ai, je crois, déjà parlé ici : plus y a de buts, et moins y a de matches nuls, forcément, même si la victoire à trois points n'a absolument rien changé à long terme dans ce domaine.

Il faut attendre les années 60, et ses premières véritables mesures tactiques en faveur d'un football moins romantique, plus fermé, pour voir, comme par hasard, le rapport s'inverser. Même si la chute des buts pour le champion est relative (de 2,23 à 2,13), elle l'est nettement pour le reste du championnat, qui passe de 3.3 buts par matches dans les années 50 à 2,96
lors de la décennie suivante. Ça parait peu comme ça, mais c'est quand même la première décennie ou l'on passe sous la barre des trois buts par match, et ce lors de 4 saisons... Bref, dans le même temps, le rapport s'inverse : dans les années 60, les nuls concerneront 20,3 %, contre 18,13 pour les défaites. Et cet écart deviendra un gouffre dans les années 70 (23,7 contre 16), les années 80 (26,84 % contre 14,2), et ainsi de suite (24,73/15,7 dans les années 90, 22,6 contre 16,7 dans les années 2000, 26,3 contre 13,16 dans les années 2010).

Des Champions moins offensifs, mais moins solides aussi

Au niveau des buts, un champion marque en moyenne 2 buts par match, et en encaisse un. Des chiffres quasi ronds qui sont cependant variables suivant les époques, là encore. On l'a vu, les champions des années 30 et 40 carburaient au super (2,52 puis 2,42), ainsi que ceux des années 50 (2,23) et même 60 (2,13). Même si on reste au-dessus de la barre des 2 buts, la chute de la moyenne est cependant régulière et nette. La bascule se situe dans les années 1970 (1,98) et surtout les années 80 (1,75), que l'on peut véritablement considérer comme la décennie dans laquelle se révèle vraiment le football moderne. Ainsi, on peut considérer que les tactiques employées aujourd'hui n'ont que très peu évolué depuis 30 ans, alors que beaucoup d'équipes évoluaient encore à 4 attaquants dans les années 70, une aberration aujourd'hui.

Les années 90 verront la chute se briser, mais très légèrement (1,78) avant une nouvelle rechute dans les années 2000 (1,75). Depuis deux saisons dans la présente décennie, on assiste à une légère amélioration (1,79), mais rien de révolutionnaire... Sauf si le futur champion marque deux buts par matches, ce qui n'est plus arrivé depuis Monaco en 2000, et avant cela depuis Nantes en 1983 (!), on passera cette saison sous la barre des deux buts par match pour les champions depuis 1932. Triste, mais inévitable !

Au niveau des buts encaissés, la chute est forcément réelle, là aussi. La moyenne historique est de 1,006 (!) mais elle était de 1,32 dans les années 30 (2 par match pour Sète en 1934, une moyenne de relégable aujourd'hui !), de 1,31 dans les années 40, 1,18 dans les années 50 et de 1,093 dans les années 60. Sochaux 1938 est le premier champion à prendre moins d'un but par match (0,87), puis vint Lille 1954 (0,65, personne n'a fait mieux jusqu'au PSG 1994, 0,58 !) avant les cinq derniers champions des années 60. Dans les années 70, on tourne à 0,99 buts encaissés, puis 0,79 dans les années 80, 0,83 dans les années 90, 0,86 dans les années 2000 et 0,92 pour Lille et Montpellier. Une légère remontée appréciable... il n'empêche que le dernier champion à compter plus d'un but encaissé par match date de
2003 (Lyon) et avant lui Nantes (2001). Ça fera donc bientôt dix ans que ce n'est plus arrivé, mais on avait fait mieux entre Strasbourg 1979 et Bordeaux 1999 (21 saisons d'affilée !).

Saint-Étienne, le plus fort

Bref, revenons à notre question initiale, qui a initié ce post : qu'est-ce qu'un bon champion ? Sur une saison à 20 clubs et donc 38 matches, ça donne une moyenne générale de 23 victoires, 8 nuls et 7 nuls environ, 76 buts pour et 38 contre. Les plus proches de ce rapport (60/23/17) ces dernières années ont été Marseille 2010 (60,5/23,7/15,8) et... Bordeaux 84 (60,5/21/18,4). Le principe d'une moyenne est d'être une synthèse, pas une généralité, ni une majorité.

Pour les records, le champion ayant le plus gagné de matches est le premier d'entre eux, Lille (77,8 %). On n'est d'ailleurs passé au-dessus des 70 % que quatre fois, avec donc Lille 1933, Sochaux 1935 (73,3) et les Verts 35 ans plus tard (70,6 en 1969, 73,53 en 1970). Depuis, les plus gros chiffres atteints sont pour Nantes 1980 (68,4) et, récemment, de 64,7 % pour Bordeaux 1999 et 65,8 pour Lyon 2006 et Montpellier, l'année dernière. A l'inverse, les pires chiffres sont à chercher dans notre époque moderne, puisque, même si le plus bas chiffre date de 1976 (Saint-Étienne, 47,4 !), on est passé sous les 60 % à 14 reprises depuis 1986, soit plus d'une fois sur deux. Ainsi, le LOSC 2011 plafonne à 55,3 %, le Lyon 2003 à 50, Nantes 1995 à 55,3, et Monaco 1988 et Marseille 1989 à 52,6.

Chez les matches nuls, si récemment Lille 2011, Lyon 2005 et Bordeaux 1987 ont fait fort (34,2 %), , ils ne font pas mieux que Saint-Étienne 1976 (39,5) et surtout Nantes 1995 (42,1), qui, il faut le dire, n'avait perdu qu'une seule fois, autre record. En revanche, et hormis le LOSC en 1954 (38,24), de 1932 à 1964 (32,35, Nantes 1965), personne ne dépassera les 27 %, le record le plus bas, on l'a vu, étant pour l'Olympique Lillois lors de la première saison de l'Histoire (0 %). Suivent quatre équipes à 11,7 % (Reims 1949, 1953 et 1958, Nice 1952), puis Roubaix-Tourcoing 1947, Monaco 1961 et Nantes 1980 (13,16) et quatre équipes à 13,33, toutes avant guerre (Sochaux 1935, le Racing 1936, Marseille 1937 et Sète 1939). Ces dernières années, les chiffres les plus faibles sont pour Montpellier, l'année dernière, et Lyon 2004 et 2008 (18,4), devancés par Lyon 2002 et Bordeaux 1999 (17,65). A la jointure des années 1990 et 2000, Auxerre 1996 (15,79), Lens 1998 (14,71) et Monaco 2000 et Nantes 2001 (14,71) firent également très fort.

Chez les défaites, seulement trois équipes ont atteint les dix : Nice 1951 et Reims 1962 (11),
et Auxerre 1996 (10). Le Gym qui faisait encore plus fort que Reims, sacré en 38 journée (28,95 %), puisqu'il totalisait 32,35 % de défaites en 34 journées. Pour Auxerre, ça signifiait également 26,32 de défaites, un rapport énorme de plus d'une défaite toutes les quatre journées, contre une sur six en moyenne... L'AJA qui postule donc pour le titre de plus mauvais champion de l'Histoire. Pour trancher cette question, le mieux c'est quand même la moyenne de points non ? Promis après j'arrête...

Avec la victoire à deux points, la moyenne moyenne d'un champion de France est de 1,43 points par matches. Et ce, avec une pointe haute à 1,45 dans les années 1980 (1,44 dans les années 2000, 1,47 dans les années 2010), et une basse à 1,38 dans les années 50, décennie où le pourcentage de victoires passe sous les 60 % pour la première fois (ce sera également le cas dans les années 80 et 90) et le taux de défaites à 21, un record. Ces dernières années, Montpellier, Lyon 2007 et 2005 (1,5), Lyon 2006 (1,55) ont atteint ou dépassé les 1,5, et ce pour la première fois depuis Nantes 1995 (1,53) et le PSG 1994 (1,55). Mais le record absolu se nomme Saint-Étienne, version 1970 (1,64), juste après une autre année exceptionnelle des Verts (1,56). Durant deux saisons, l'ASSE ne perd que 8 matches, en gagne 49 (sur 68 !), inscrit 158 buts (2,32) et n'en encaisse que 56 (0,82). Durant la saison 1969-70, les Verts gagnent 25 matches sur 34, n'en perdent que 3, inscrivent 88 buts (2,59) et en encaisse 30. Allez, on le tient notre meilleur champion, même si les résultats des clubs français en Coupe d'Europe étaient des plus médiocres... si l'on compare avec une période où les clubs français brillaient, alors Nantes et le PSG, au milieu des années 90, remportent la mise, sachant que Marseille, durant sa grande période européenne, de 1989 à 1993, n'a jamais dépassé les 1,45 points par matches...

Le plus mauvais ? Il y a des cas, c'est sûr... le pire chiffre est pour Nice en 1951 (1,21), avec ses 18 succès en 34 matches, ses 5 nuls et ses 11 défaites ! Ajoutez-y ses 73 buts pour et surtout ses 46 buts encaissés... seulement huit équipes ont signé moins de 1,3 points par matches, dont sept sur huit avant 1966, une avant la guerre (Marseille 1937), trois dans les années 50 (Nice 1951 et 1956, Reims 1955), trois dans les années 60 (Reims 1962, Saint-Étienne 1964 et Nantes 1965) et enfin... Lyon, en 2003 (1,29) !

Bon j'ai dis que je m'arrêtais mais... allez, encore une stat intéressante, le classement par équipes ! Si on regarde les clubs qui ont gagné au moins deux titres, celle qui recueille la meilleure moyenne de points est Sochaux, lors de ses deux titres d'avant-guerre (1,53), devant le PSG, deux titres également, mais nettement plus récents (1,51). Suivent Nantes (8 titres, 1,473), Bordeaux (6 titres, 1,468), Saint-Étienne (10 titres, 1,45), Lyon (7 titres, 1,44), Marseille (10 titres, 1,42), Monaco (7 titres, 1,405), Reims (6 titres, 1,396), le LOSC (3 titres, 1,39), Sète (2 titres, 1,36) et enfin Nice (2 titres, 1,33). Les "anciens" champions, hormis Sochaux, sont donc à la peine à la moyenne de points, à une époque où les joueurs restaient souvent toute leur carrière dans leur club, où les transferts étaient donc rares et donc, les effectifs plus équilibrés, les meilleurs joueurs n'allant pas systématiquement dans les meilleurs clubs, comme aujourd'hui.

Voilà, merci de m'avoir lu jusqu'au bout ! A plus tard !

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