samedi 30 juin 2012

Blanc passe le flambeau

Salut à tous,

Huit ans après, Laurent Blanc nous fait donc une Santini. A la différence que l'ancien technicien lyonnais, lui, avait annoncé son départ avant le début de l'Euro 2004, raison qu'allaient, entre autres, invoquer les médias pour expliquer l'"échec" de l’Équipe de France au Portugal. Oui parce qu'un quart de finale européen, après un premier tour à 7 points sur 9, et même si la défaite contre la Grèce faisait tâche, ce n'était pas non plus un échec total. En tous cas, même si le doute régnait depuis plusieurs mois sur l'avenir de Blanc, le fait que la France soit aller en quarts de finale aurait du valider la poursuite de sa mission à la tête des Bleus. Et surtout, ça n'a semble-t-il pas joué sur les performances de la France en Ukraine.

Prandelli fait mieux que Blanc

Laurent Blanc n'aura pas réussi ce que Cesare Prandelli a fait avec sa jeune sélection italienne. A savoir récupérer une équipe détruite, sportivement, moralement et surtout médiatiquement, et parvenir à la fois à la rajeunir et la reconstruire, tout en la rendant compétitive. Il n'empêche, il y a trois semaines, avant le début de l'Euro et après une défaite terrible à domicile contre la Russie en amical (0-3), on ne donnait pas cher de la Squadra Azzura, chargée comme une mule par la nouvelle affaire de corruption qui frappe le football professionnel italien. En tous cas, on en donnait presque moins cher qu'à la France après le large succès de cette dernière contre le terrible voisin de la Russie, l'Estonie (4-0).

Le sélectionneur italien a bénéficié de deux avantages par rapport à son jeune collègue. D'abord une expérience d'entraîneur nettement supérieure, puisque à 54 ans il est dans le métier depuis 18 ans maintenant, contre 5 seulement pour son cadet de 8 ans. Ça paraît mineur comme raison, mais pour diriger une sélection des meilleurs joueurs d'un pays, avec des caractères aussi divers et variés qu'un tel regroupement de caractères offre forcément - Cassano ou Balotelli n'ont rien à envier en ce qui concerne l'attitude à Nasri ou Ben Arfa -, il faut pouvoir se reposer sur autre chose qu'une belle carrière de joueur, une bonne image médiatique ou un titre de champion de France. Il faut de l'expérience. Prandelli, malgré six saisons passées à la Juve, n'a jamais été une star du football, et n'a remporté qu'une Série B en tant que technicien. Mais il a dirigé 378 matches de Série A et 44 matches européens. Blanc en est à 114 matches de Ligue 1 et 26 matches européens.

Après, les deux sélectionneurs ont peu ou prou engagé les mêmes chantiers, sportifs et moraux : changer le style de leur équipe, en cherchant à lui offrir un visage plus joueur et offensif, tout en écartant quelques brebis galeuses - mais pas toutes. Mais Prandelli a pu s'appuyer sur un deuxième avantage : la connaissance supérieure du football du public italien. Sa phase de qualification a été solide, sans être flamboyante, mais tout de même meilleure que celle des Bleus (8 succès, 2 nuls, 20 buts pour, 2 contre). Mais, contrairement à Blanc, qui lui a pu travailler sur un lit de rose pendant deux ans, même pendant l'affaire des quotas dont il ressortira étrangement blanchi, si j'ose dire, grâce à la mansuétude prévisible des médias, où l'essentiel des chroniqueurs sportifs sont des amis proches du sélectionneur, Prandelli a été tenu à l’œil dans sa tâche. Et il n'a pas été épargné au moment des mauvais matches de préparation, tandis que Blanc, lui, voyait ses joueurs en prendre plein la pêche tandis qu'il passait une nouvelle fois entre les gouttes. Il a fallut qu'il nous ponde une équipe complètement biscornue contre l'Espagne pour que quelques timides voix s'élèvent à propos de ses choix, enfin qualifiés d'"étranges"... Cette bulle médiatique et protectrice ne l'a pas aidé à mon avis. Jamais il n'a semblé devoir se remettre en question, conforté qu'il était par les avis laudateurs de la presse.

Un bilan honorable

Bref, passons au bilan du sélectionneur, qui n'est évidemment pas à jeter à la poubelle juste parce qu'il s'est mal terminé. L'étonnant est que le passage de l'ancien libero des Bleus aura débuté puis fini sur deux défaites, avec entre les deux 23 matches sans échec. Avec 1,44 points par match (à la victoire à deux points, toujours), Blanc termine avec le quatrième bilan des sélectionneurs depuis qu'il y en a qu'un, à savoir 1964. Jacques Santini (1,71), Aimé Jacquet (1,58) et Roger Lemerre ont fait mieux, mais Platini (1,38), Domenech (1,34), Hidalgo (1,31), Houiller (1,25) ou Michel (1,22) ont fait moins bien. Blanc est également quatrième au pourcentage de succès (59,3 %) derrière les mêmes, mais devance quand même Lemerre au pourcentage de défaites (14,81 %, loin derrière Jacquet, 5,66, et Santini, 7,14).

En revanche, on s'est bel et bien ennuyé pendant deux ans. Au niveau offensif, il signe un 1,48 buts par match qui le place à la 10e place, toujours très loin de Santini (2,46, qui a donc un bilan très nettement supérieur à la trace que son passage a laissé), Lemerre (2), Hidalgo (1,85), Jacquet (1,75) et même Houiller (1,67). Il fait mieux que Domenech (1,35) ou le pauvre Henri Michel (1,28), mais ce n'est pas forcément un titre de gloire. On ne pourra pourtant pas dire qu'il n'a pas bénéficié de joueurs majeurs pour augmenter les stats des Bleus, en très nette baisse depuis presque 10 ans, puisqu'il a gardé sa confiance en Ribéry ou Benzema, des titulaires indiscutables et brillants dans des clubs européens majeurs, réussissant rarement à les faire briller. En revanche, et logiquement, son équipe a brillé défensivement : 0,63 buts encaissé, moins bien que Santini (0,46) ou Jacquet (0,51) et à peine mieux que Domenech (0,68). Laurent Blanc se classe donc à l'entrée du podium des meilleurs sélectionneurs français, ce qui n'est pas déshonorant, loin de là. Et effectivement, il aurait été intéressant de le voir continuer jusqu'au Brésil.

En même temps, personne n'a cherché à le virer... tout ce qu'a voulu faire Le Graet, c'est diminuer un staff ridiculeusement pléthorique (22 personnes !). Quand on a déjà des adjoints et un chef de presse, à quoi sert vraiment Marino Faccioli, l'intendant des Bleus ? Et quand on a déjà un entraîneur des gardiens, à quoi sert Fabien Barthez, dont les piges à 7000 euros n'ont pas du arranger les comptes de la FFF ? Tout le monde veut que les Bleus se sentent bien et que leur sélectionneur soit bien épaulé, mais ça frisait presque l'excès d'emplois fictifs... et, selon moi, s'il avait vraiment tenu à continuer, il aurait fait l'effort de réduire la voilure. Manifestement, son envie de partir ne venait pas seulement d'un désaccord sur ce point.

Certains de mes amis, supporters bordelais, se plaisent à me rappeler qu'il n'en est pas à son premier lâchage, et qu'ils me l'avaient bien dit. Effectivement, à 46 ans, le statut d'ancien sélectionneur va être lourd à porter, mais ça ne l'empêchera pas d'aller entraîner en Angleterre ou ailleurs. Grand bien lui fasse, mais avec Bordeaux et les Bleus, ça fait deux équipes qui n'auront pas pu mener à bien un projet qui s'annonçait prometteur, à cause des ambitions personnelles de Laurent Blanc. Espérons qu'elle n'en pâtira pas. Après tout, l'Espagne a parfaitement su gérer le passage de témoin entre Luis Aragones et Vicente Del Bosque, tout comme l'Allemagne n'a pas souffert du changement entre Klinsmann et Löw. Blanc a fait progresser l’Équipe de France, à son successeur de continuer ce travail et d'apporter sa patte. Notamment en terme de management, qui fut à mon avis le point faible de Blanc, incapable de redresser Bordeaux quand les résultats de l'équipe ont chuté. Même chose pour la France durant cet Euro.

A demain pour la préparation de la finale !

vendredi 29 juin 2012

Des demies contrastées

Salut à tous,

On a eu droit à deux demi-finales extrêmement contrastées, qui débouchera donc forcément sur une finale du même acabit, une véritable opposition de style. Moi perso j'ai vraiment hâte de voir ça !

L'ennui puis le plaisir

Les deux matches promettaient beaucoup : des Espagnols toujours intouchables techniquement et dans la maîtrise, face à des Portugais très convaincants et pouvant enfin compter sur un Ronaldo au niveau, dans un derby ibérique forcément très chaud, d'un côté ; un grand classique du football, qui a toujours réservé de grands moments, entre une Allemagne qui avait fait la meilleure impression dans ce tournoi (4 succès) et des Italiens solides et enfin joueurs, portés par leur invincibilité face aux Allemands en matches officiels. Les deux matches ont été aussi différents que possible.

Le premier promettait d'être un sommet de technique, voire un festival de buts - c'était mal connaître ces deux défenses, peut-être les meilleures du tournoi -, on a eu droit à une deuxième montagne d'ennui consécutive après Angleterre-Italie... voire une troisième avec Espagne-France. Au final et comme prévu, on a eu droit à 12 petits buts lors des six matches à élimination directe. Merci à l'Allemagne-Grèce (4-2) qui gonfle un peu les statistiques... sinon on tourne à 6 buts en 5 matches, dont 3 hier !

D'un côté, l'Espagne a conservé sa fantastique faculté à faire tourner n'importe qui en bourrique par sa possession de balle, son rythme et sa technique sans faille, même si le Portugal, par son agressivité et son pressing, a réussi à lui chiper le ballon pour une des premières fois depuis des lustres (54 % !). De l'autre, une Seleçao solide, mais qui n'a pas réussi à suffisamment perforer le mur espagnol, se créant donc un minimum d'occasions, même si elles furent plus nombreuses. Ronaldo a été tenu à la limite du légal parfois par Ramos et Arbeloa, ses partenaires au Real (ce match ressemblait à un match d'entraînement à Madrid, ils étaient trois côté portugais et quatre côté espagnol !) mais il s'est créé les deux meilleures occasions lusitaniennes. De leur côté, les tenants des titres n'en ont eu qu'une seule véritable, par Iniesta en prolongation, une occasion quasiment inratable. Après, les montants du but ont choisi l'Espagne, sans doute plus par respect de l'institution que par justice. Objectivement, les Portugais auraient un peu plus mérité de passer. Mais ce sport est trop aléatoire pour que les critères de justice et de mérite soient vraiment décisifs, surtout quand les débats sont aussi équilibrés.

Malgré tout, on a tout de même constaté - ou constaté de nouveau - que les Espagnols, dont certains dépassent les 30 printemps, ont d'abord nettement perdu en percussion devant - Villa n'est pas là, et Torres plus vraiment, qu'il joue ou pas - ce qui nuit à la fois à leur efficacité et au spectacle, qui était merveilleux en 2008 mais déjà beaucoup moins en 2010, et plus du tout en 2012 ; mais surtout que physiquement, ils étaient un peu en souffrance. Voir Xavi quitter la pelouse à la 87e minute est un évènement presque aussi important qu'aurait été une élimination de son équipe. Lui, ce marathonien aux 130 ballons touchés par matches, aux 90 % de passes réussies, qui joue tous les matches depuis 10 ans et ne sors jamais, aura manqué de souffle sur ce match où les Portugais, qui bénéficiaient certes de deux jours de repos supplémentaires, les auront presque plus fait courir que l'inverse. Au fond, le boulet n'est vraiment pas passé loin pour le tenant, qui devra retrouver un peu de souffle en finale. Pour l'instant sur cet Euro, Pirlo est infiniment plus impressionnant que son futur vis à vis catalan.

On a donc bien dormi devant ce match qu'on se faisait pourtant une joie de déguster. Quel gâchis ! Mais tout cela était prévisible. Les deux équipes se connaissent sur le bout des ongles. Je l'ai dit, 7 des 22 acteurs au coup d'envoi et à la fin du match évoluaient au Real Madrid. Les Portugais du champion d'Espagne connaissaient également parfaitement leurs adversaires, qui évoluaient tous en Liga, à l'exception de Silva (City), qui vient de rater ses deux derniers matches après un début de tournoi époustouflant, et notamment les Catalans Piqué, Xavi, Iniesta, puis Fabregas et Pedro, entrés en jeu. Bref, c'était un affrontement Karpov-Kasparov, long, tendu, fermé, extrêmement tactique, entre deux adversaires se connaissant par cœur. Comment pouvait-on les imaginer se déchirer, faire une erreur ? Ramos, ou Arbeloa, lâcher Ronaldo, qu'ils côtoient tous les jours depuis trois ans ?

Et puis il y eut également la tension entre deux voisins à l'Histoire longue comme l'Humanité. Neuf cartons jaunes, record du tournoi. Difficile de faire du jeu entre les crampons volants. Le seul Pepe, rasséréné par ce match fleurant bon le Clasico, a fait plus de fautes en un match que lors des quatre précédents !

Bref, tout l'inverse du match d'hier.

Balotelli crève l'écran... et les filets

Vingt-cinq tirs au total, dont 15 pour les Allemands, 13 cadrés (8 pour la Mannschaft). Quatorze corners à zéro pour les hommes de Löw, et 45 centres à... 4 (dont les corners). 54 % de possession germanique. Seulement 30 fautes en 90 minutes (52 en 120 pour l'autre demi-finale), dont 18 pour l'Allemagne. Bref, cette dernière a dominé, c'était attendu vu que c'est son jeu, surtout qu'elle a été menée au bout de 20 minutes, l'obligeant à accentuer sa domination pour revenir au score. Mais si l'Italie a concédé des tirs, ces derniers furent finalement rarement dangereux car souvent lointains, et elle a maîtrisé son sujet, ne se contentant pas de défendre comme à ses plus belles heures. Si son deuxième but, sublime dans sa conclusion mais résultant d'une erreur de débutant de Lahm, est le fruit d'une contre-attaque suite à un corner allemand, le premier est la conclusion d'une véritable possession italienne, face à une défense teutonne en place. Enfin, d'apparence... Cassano a ridiculisé Boateng et Hummels sur son côté gauche, et Balotelli, enfin efficace face au but, ce qui valide son jeu fait de prises de risque et de puissance, a profité du marquage façon Rami de Badstuber pour fusiller le pauvre Neuer à bout portant. En gros, les quatre défenseurs allemands, déjà à la peine face à la terrible Grèce (4-2), ont complètement failli sur ce match, et auraient pu être plus sévèrement sanctionnés sur les contres italiens en deuxième mi-temps. Tu as beau jouer très bien, si t'as défense ne fonctionne pas, tu ne peux pas gagner de tournoi, quel qu'il soit.

Ça fait quatre fois de suite que l'Allemagne, tellement séduisante dans le jeu, souvent la plus impressionnante des équipes, se retrouve piégée en demi-finales ou en finale par une équipe un peu moins flamboyante, mais un peu plus équilibrée. Bref, l'Allemagne est devenue la France d'avant les années 90, celle qui jouait le mieux mais ne gagnait rien, à cause d'une défense en gruyère. En 2014 ou en 2016, elle pourrait bien avoir des joueurs dans son effectif qui n'étaient pas nés lors de la dernière victoire allemande lors d'un grand tournoi, en 1996... ce qui n'était encore jamais arrivé dans son Histoire ! Des Espagnols qui gagnent, des Italiens offensifs, des Allemands glorieux perdants... vraiment, le foot, c'est plus ce que c'était. Par contre, le Portugal avec de bons ailiers mais sans avant-centre, ça n'a pas changé.

En tous cas, Balotelli a démontré pas mal de choses hier. Je ne sais pas ce qui s'est passé entre les quarts et la demie, mais cette fois il n'a quasiment rien raté. Si Pranbdelli le gardait, c'était surtout grâce à sa grande capacité à se créer facilement des occasions, par sa technique ou sa puissance, quitte à ce qu'il gâche un peu devant le but. Son deuxième but, dans la même position que son remplaçant Di Natale en deuxième période, où il propulse une frappe instantanée en pleine lucarne, là où en général les tentatives des attaquants sont trop croisées ou trop enlevées, est un chef-d’œuvre de maîtrise technique, digne d'un très grand buteur. Ça peut aussi s'appeler la réussite... Ronaldo s'était essayé au même geste contre l'Espagne, mais pied gauche, avec à l'arrivée quelques pigeons décimés. Un but de renard, un autre de buteur, s'il parvient à conserver ces bonnes vibrations, il peut nous sortir une très bonne saison à City l'année prochaine !

A noter que lors de la finale, il sera le seul buteur à trois buts, en position donc d'être sacré seul meilleur buteur, Gomez, Mandzukic, Ronaldo ou Dzagoev étant déjà éliminés. Donc à moins d'un doublé de Fabregas, Torres ou Xabi Alonso... ou alors on aura 5 meilleurs buteurs ou plus, une première pour un grand tournoi. Et avec un score aussi faible, on n'aura jamais vu ça depuis le passage à 16 équipes, en 1996...

Bref je reviendrais un peu plus tard pour préparer cette finale avec vous ! A plus tard !

lundi 25 juin 2012

Les meilleurs entre eux

Salut à tous,

Dans la rivière de haine médiatique et populaire qui accompagne désormais systématiquement chaque défaite des Bleus depuis 1998 - le triptyque habituel petits cons-trop payés-qu'ils dégagent tous, constructif et réfléchi, bien entendu - je vais essayer de parler de football, plutôt qu'analyser sociologiquement un truc qui reste quand même un sport, un jeu. Où la défaite, notamment contre un adversaire supérieur, reste un éventualité non seulement acceptable, honorable, mais surtout inévitable. Tout le monde perds, comme tout le monde meurt. Et peu importe la façon de le faire.

Trois matches, mais quels matches !

De football, il ne nous en reste d'ailleurs plus beaucoup à déguster, avant ce mois de juillet qui, pour la plupart des autres sports, est souvent synonyme d'activité, de grandes compétitions, de récompenses... mais qui pour nous ne signifie qu'une attente, de la prospection sur la valeur présumée des équipes suivant leur mercato, les départs, les arrivées... prédictions tellement aléatoires qu'elles seront presque toujours fausses, un ans plus tard. Mais ça occupe, pendant qu'on somnole devant une étape Limoges-Bordeaux du Tour de France ou devant une compétition de kayak aux JOs. Quand on est accro au football, on s'accroche à ce qu'on peut tandis que nos "idoles" se préparent en vue des prochaines échéances. La reprise de la Ligue 1 c'est le 10 août, déjà.

Trois matches, c'est tout ce qu'il nous reste avant la trêve, qui va nous frustrer de football pendant 5 semaines... à moins que ce soit une bouffée d'oxygène après 11 mois de football quasi ininterrompu, c'est selon la sensibilité de chacun. Trois matches, mais avec presque autant de football attendu dedans que durant trois journées de Ligue 1. Deux demi-finales et une finale d'Euros, si tout se passe bien, on va se régaler. Mais le football n'aime pas être prévisible, et marche parfois sur la tête.

Comment expliquer qu'il y ait eu deux buts lors des 90 minutes d'Espagne-France (13 tirs au total, dont 6 cadrés, 70 attaques) et aucun lors des 120 d'Italie-Angleterre (44 tirs dont 35 pour nos voisins du sud, 24 cadrés dont 20 pour l'Italie, et 90 attaques) ? Comme certains avaient envie, même après la bataille, de continuer à enfoncer les Bleus, ils ont fait la comparaison, mais on ne peut pas comparer deux matches : chaque équipe a son style, l'adversaire est différent et les scenarii, aussi. Si Johnson avait marqué d'entrée contre Buffon, comme l'Espagne a marqué sur sa première occasion, le match aurait pu être complètement différent. Le match d'hier fut plaisant, mais il fut loin d'atteindre le niveau d'un Angleterre-Suède, d'un Portugal-Pays-Bas ou même d'Allemagne-Grèce, plaisant mais déséquilibré. A partir de l'heure de jeu l'ennui s'installa, et on ne peut quand même considérer un 0-0 se terminant aux tirs aux buts comme un bon match. Le but d'un match de football est de fournir un vainqueur, certes, mais surtout des buts, c'est ça la finalité de ce sport. L'objectif était donc raté, hier.

Il n'empêche, Mario Balotelli, si critiqué pour son attitude mais aussi ses ratés, a quand même pris ses responsabilités et inscrit son penalty, face à son coéquipier de club, Joe Hart, le premier de la série en plus. Bad boy ou pas, sur ce plan là il a fait aussi bien que Henry et Trezeguet contre ces mêmes Italiens, en 1998. Ils avaient 20 ans et n'avaient pas tremblé, eux non plus.

Au passage, les prolongations, et même les tirs aux buts, durant les grands tournois, ce n'est plus une exception, c'est carrément devenu une règle : depuis 1980, plus de 35 % des matches à élimination directe dans les grands tournois ont eu droit à une prolongation, et 22 % à une séance de tirs aux buts. Il y a eu une pointe à 71,4 % lors de l'Euro 96 (5 prolongations en 7 matches, et 4 séances de tirs aux buts). En 2008 et en 2004 on était à près de 43 % de prolongations (3 à chaque fois, plus deux séances de tirs aux buts). D'ailleurs, on a beaucoup plus de prolongations en championnat d'Europe (44,2 %, 30,2 % de tab) qu'en Coupes du Monde (31,9 %, 19 % de tab). A noter que dans plus de 62 % des cas, les prolongations se terminent par des tirs aux buts. Pour l'instant les années 2010 sont relativement épargnées (25 %, 15 % de tirs aux buts), par rapport aux deux décennies précédentes (près de 38 % à chaque fois). Pourvu que ça dure ! Toutes les prolongations ne sont pas des France-Allemagne à Séville, en général on s'ennuie ferme.

Bref, avant ces trois derniers matches particulièrement indécis - le Portugal semble plus percutant offensivement que l'Espagne, puisqu'il a un buteur, lui, et a surtout deux jours de plus de récupération face à une Roja vieillissante, tandis que l'Allemagne, favori logique contre l'Italie, n'a jamais battu cette dernière dans une grande compétition... et les Italiens ne sont jamais aussi forts que lorsqu'on ne les attends pas - faisons un point statistique sur ce tournoi, qui est d'ors et déjà une réussite sur le plan du jeu, malgré quelques inévitables purges.

Le Real prends le pouvoir

Grâce au 0-0 d'hier, le premier du tournoi, on est retombé à 2,46 buts par match, soit un poil moins que lors des deux derniers Euros (2,48) et que la moyenne générale depuis 1960 (2,47). Comme prévu, et hormis l'Allemagne-Grèce (4-2), qui joue le rôle de l'arbre cachant la forêt, ces matches à élimination directe se révèlent très chiches en buts. Neuf buts en 4 matches, dont 6 lors du match précédent évoqué... ça n'annonce rien de bon pour les demi-finales. On pourrait être optimiste pour l'alléchant Espagne-Portugal mais l'Espagne nous a montré lors de cet Euro et la Coupe du Monde 2010 que gagner un match par le plus petit des écarts lui suffisait largement, et qu'elle avait bien compris que l'essentiel était d'assurer la victoire et de durer, donc de ne pas dépenser toutes ses forces en attaquant immodérément. Pas sûr donc que ce derby ibérique se révèle une avalanche de buts.

Chez les buteurs, on en est désormais à quatre en tête, avec le troisième but de Ronaldo. Ce dernière fait figure de favori pour le titre de meilleur buteur, même si Gomez, le seul des trois autres à encore être qualifié, peut lui voler la vedette. L'histoire nous montre que ce sont souvent des seconds couteaux, ou des représentants des seconds couteaux, qui sont sacrés meilleurs buteurs (Baros en 2004, Milosevic en 2000 avec Kluivert...). Gomez est une star, mais ce n'est pas Ronaldo. Surtout, hormis Villa en 2008, Larsen en 1992, Van Basten en 1988, Platini en 1984 et Allofs en 1980, sur les Euros à 8 équipes ou plus, ce n'est pas toujours le buteur du vainqueur qui est sacré. En tous cas pas sur les derniers Euros, à part le dernier.

Comme prévu, le niveau s'est élevé et les gros clubs se sont réveillés chez les buteurs. Un, surtout : le Real, grâce aux buts de Ronaldo, Khedira et Xabi Alonso (2), mais pas à ceux de Benzema ou Özil, a plus que doublé son total lors de ces quarts de finale (7), et dépassé Wolfsburg, qui ne compte plus de représentants en demi-finale (5). Contrairement au Bayern et à Manchester City, qui sont juste derrière (4). Le Milan (3) mais surtout Arsenal et Barcelone (2), eux, déçoivent, tout comme Chelsea ou Manchester United (2), le FC Porto, la Juve, Liverpool ou le PSG (1), unique représentant d'une Ligue 1 décimée, et qui aura été écartée des débats dans cet Euro, comme le précédent d'ailleurs (1 seul but, celui du Suédois de Rennes, Hansson, contre la Grèce...). Il ne reste plus que les deux Italiens du club parisien, Sirigu et Motta, pour faire briller le championnat de France... le premier aura du mal, mais le second aussi. C'est l'Angleterre qui domine toujours (18 buts) devant l'Allemagne (14) mais l'Espagne se rapproche (11), contrairement à l'Italie (6). La Grèce, elle (4), fait mieux que l’Écosse, la France ou le Portugal (1 chacun). Ça, ça fait mal aussi.

Chez les meilleurs passeurs, que des stars, voire des spécialistes du genre : Schweinsteiger, Özil, Gerrard, Silva, Benzema et Nani, tous à deux. Iniesta et Pirlo sont à une passe, et peuvent encore rejoindre ou dépasser les leaders...

A noter également que Ronaldo, avec 6 buts en trois Euros, peut sérieusement espérer rejoindre le deuxième meilleur buteur de l'histoire de la compétition, Shearer (7 en deux fois), voire même le meilleur, Platini (9 en une fois !). Lors de cet Euro... ou durant le prochain, en France, ce qui serait un joli symbole. Après tout il n'aura que 31 ans, et marquer lors de quatre Euros différents n'a encore jamais été réalisé. Pourquoi pas ?

Allez, à plus tard !

dimanche 24 juin 2012

Il n'y a pas eu de match

Bonjour à tous,

Les lendemains de défaites, et plus fortement encore d'éliminations, ne sont jamais des puits de plaisirs quand vous êtes un tant soit peu impliqué émotionnellement envers l'équipe vaincue. Ce matin, pour moi en tous cas, il y a deux sentiments qui prédominent : le premier, c'est que cette jeune équipe a de l'avenir, qu'elle a remplit son objectif en se qualifiant pour les quarts, mais qu'elle n'a pas encore la maturité pour s'approcher des meilleurs du continent. De l'autre, qu'avec un peu d'ambition dans le jeu et la combativité, de la part des joueurs ET du sélectionneur, il y avait la place pour faire mieux, et peut-être aller un peu plus loin.

Manque logique de leader

Le premier point, d'abord. D'après les réactions vues ici ou là, dans les médias et surtout chez les supporters, il faut qu'ils "dégagent tous", faut faire le "grand ménage", etc. Cette équipe est en reconstruction depuis 2006. Domenech s'y est attelé, mais il a été démonté médiatiquement avant d'y parvenir. Blanc s'y est consacré, le niveau a un peu augmenté (qualification pour les quarts, quand même) mais il reste du boulot. Emmanuel Petit, hier, fustigeait une fois de plus l'absence de leaders indiscutables dans cette équipe. Parce que ce genre de joueurs se trouvent dans les cuisines de Clairefontaine ? Ça a l'air simple, comme ça, de construire une grande équipe, suffit de convoquer des grands joueurs et des leaders ! Mais pourquoi on y a pas pensé avant ! On en a tellement des leaders naturels, pourquoi on ne les appelle jamais ?

Deschamps ou Blanc, qui étaient les leaders de l’équipe de France entre 1996 et 2000, ne l'ont pas été de suite. Ils ont été des débutants, eux aussi, et n'ont pas immédiatement parlé comme des patrons dans le vestiaire. D'ailleurs, ils n'ont pas non plus connu des succès au début de leurs carrières internationales. Les deux joueurs ont débuté en Bleu la même année, en 1989, c'est-à-dire pile dans le creux générationnel entre la génération Platini et celle de Zidane. Ils ont donc connu l'élimination du Mondiale 1990, l'Euro 92 et son élimination au premier tour, ainsi que le France-Bulgarie de 1993, qui nous privait de la suivante. A l'époque aussi les commentateurs fustigeaient l'absence de leaders, de patron sur le terrain et en dehors, de fond de jeu aussi. Et tout le monde réclamaient le grand ménage, qu'ils dégagent tous. Pourtant Deschamps et Blanc étaient là tous les deux, ainsi que les futurs champions du monde et d'Europe Lama, Desailly et... Petit, et des clients comme Cantona, Sauzée et Papin. Un leader, un grand joueur, ça ne se décrète pas, ça ne s'invente pas, ça se construit, ça débute avant de se révéler puis confirmer. Il ne suffit pas d'en réclamer de nouveaux pour en trouver et résoudre tous les problèmes.

Il y a des anciens dans ce groupe, comme Malouda ou Diarra, voire Ribéry, qui ont essayé de tenir ce vestiaire, de le secouer. Mais hormis ce dernier, qui est plus un leader technique qu'un cadre de vestiaire, les deux autres sont trop en difficultés sportivement - et notamment dans leurs clubs - pour avoir une véritable influence auprès de ces jeunes qui évoluent dans des clubs huppés et qui, eux, y sont indiscutables. Si Diarra, auteur d'une saison cataclysmique à Marseille, veut dire un truc à Nasri, Benzema ou Rami, il est aussi crédible que si j'allais expliquer comment écrire à Michel Houellebecq. Non, pas Welbeck les gars, Houellebecq.

Les futurs leaders de cette équipe, si elle doit devenir grande un jour, ce seront Lloris, Debuchy, Cabaye, M'Vila, Koscielny, Clichy, Ribéry et normalement Benzema. Je ne reviendrais pas en profondeur sur le cas de ce dernier, mais que l'avant-centre du Real Madrid ne parvienne non seulement pas à marquer un but dans cet Euro où ses partenaires de club, et notamment Xabi Alonso hier, ont déjà marqué 7 fois, ce qui exclut l'excuse de la fatigue de fin de saison, mais surtout à ne pas se créer UNE SEULE véritable occasion en quatre matches, c'est complètement irrationnel. Aucune équipe au monde ne peut gagner un grand tournoi sans un attaquant dangereux, avant même d'être efficace, même un peu. Benzema a atomisé les pigeons d'Ukraine par ses frappes lointaines et stériles, c'est tout. Il est à l'heure actuelle LA grosse déception de cet Euro. On verra comment il s'en remet lorsque débutera sa quatrième saison à Madrid, alors que le Real cherche, comme d'habitude, un très grand avant-centre pour l'année prochaine. Je serais Benzema, j'aurais peur.

Il y a aussi d'autres joueurs sur qui compter pour l'avenir : les Parisiens Matuidi et Ménez, qui a donné satisfaction deux fois sur trois ; Martin, Valbuena, Giroud... sans parler des éventuelles futures révélations, qui sont inévitables. Yanga Mbiwa devrait vite avoir sa chance, tout comme la génération championne d'Europe des moins de 19 ans (contre l'Espagne, rappelons le !) en 2010, et demi-finaliste mondiale des moins de 20 ans en 2011. Martial, Fofana, Grenier, Griezmann, Kakuta, Lacazette... ils évoluent aujourd'hui en Espoirs, et ont gagné pour l'instant tous leurs matches de qualification pour l'Euro 2013 de la catégorie. Ça fait 10 ans qu'on n'a pas de résultats en Espoirs, ceci explique peut-être aussi cela, même si la fameuse génération 1987 a été championne d'Europe des moins de 17 en 2004. Mais ils sont un peu seuls, et ont encore du mal à prendre le pouvoir.

Il y a eu 10 ans entre le succès des espoirs en 1988 et la victoire en Coupe du Monde en 1998. Combien de futurs champions du monde dans cette jeune équipe, menée par Silvestre, Casoni, Roche, Angloma, Sauzée, Guérin, Cantona ou Paille ? Un seul : Laurent Blanc.

Blanc s'est déchiré

Le deuxième point, maintenant. Oui, il y avait moyen de faire mieux. Tout d'abord en amont de ce match contre l'Espagne, qui ressemblait un peu à un Everest pour ces Bleus dont c'était pour beaucoup la première grande compétition. On aurait pu éviter ce scenario si on avait concrétisé notre domination sur l'Angleterre, et surtout si on avait battu la Suède (0-2). Le fait de lâcher mentalement ce match, inconsciemment, a écorné l'image des Bleus auprès de leur public, déjà un peu trop sensible sur le sujet, mais a surtout très sérieusement compromis leurs chances d'aller plus loin en se réservant un quart contre l'Espagne plutôt que contre l'Italie. Aujourd'hui, ceux qui pensaient que c'était presque plus un avantage d'affronter des Espagnols joueurs que des Italiens hermétiques ont dû changer d'avis. Surtout que, hormis contre l'Espagne (1-1), l'Italie a plus attaqué que bétonné dans ce tournoi.

Maintenant, même dans ce match il y avait moyen de faire mieux. D'abord dans la tactique employée par un Blanc qui a piétiné, en une compo, tout ce qu'il avait annoncé depuis deux ans, comme quoi, c'était un entraîneur offensif, admirateur de la Roja et du Barça, qui ne renierait jamais ses principes romantiques. En alignant Debuchy au poste de milieu droit, à la place des quatre (!) joueurs qu'il avait emmené pour occuper cette position (Nasri, Ménez, Ben Arfa, Valbuena), et en faisant jouer son équipe tellement bas qu'il en a pourri le match, il a définitivement tombé le masque. Laurent Blanc, le Président, la sauveur de la nation, le candidat des médias, a eu peur. Mourinho et Di Matteo avaient demandé à des attaquants (Eto'o, Drogba...) de défendre, lui a demandé à un défenseur de... défendre, et éventuellement attaquer, s'il le pouvait. Mais Debuchy n'a plus évolué à ce poste depuis ses débuts en professionnel, et certainement pas à ce niveau. Il a été cataclysmique, mais comment aurait-il pu faire mieux ?

Le plus cruel, mais le plus logiquement du monde aussi, Blanc a été sanctionné de cette frilosité qui en dit long. Non seulement son bloc, trop bas, a laissé trop seuls devant les deux seuls joueurs offensifs qu'il avait aligné, Ribéry et Benzema, mais en plus les deux buts espagnols viennent précisément du côté que Blanc avait cherché à renforcer. Debuchy est débordé par Jordi Alba, passeur pour Xabi Alonso. Réveillère, lui, fait la faute sur Pedro pour le penalty du 2-0. Comment pouvait-on imaginer bousculer une telle équipe avec une compo pareille ?

En la voyant avant le match, j'ai eu l'impression que Blanc - et tous ceux qui, dans les médias, affirmaient que c'était une bonne idée - n'avait jamais vu évoluer l'Espagne avant ce match. La Roja qui ne construit JAMAIS ses succès dans les couloirs, tout comme le Barça d'ailleurs, malgré l'apport de Jordi Alba, une révélation au poste de latéral. L'autre latéral, Arbeloa, est un central contrarié, et ne centre que très peu, se contentant d'apporter un soutien numérique. Et les trois joueurs offensifs de l'Espagne, Iniesta, Silva et Fabregas, sont des centraux. Je pense que Blanc a voulu autant bloquer Iniesta que Jordi Alba. Mais en jouant bas à gauche, il a surtout permis au rapide latéral valencian de jouer plus haut, et donc de faire plus mal dans ce couloir. Avec un véritable joueur offensif, Alba aurait eu du travail et donc moins l'opportunité de monter. D'ailleurs, à partir de l'entrée de Ménez, on l'a moins vu offensivement, et la France a pu jouer un peu plus haut. Bref, une erreur tactique majeure pour un entraîneur de ce calibre. Calibre présumé, d'ailleurs.

Mais les joueurs aussi n'ont pas réussi à se transcender. Durant ce match que l'Espagne a mené au petit trot, sans forcer, se contentant de gérer sans puiser dans ses réserves, un peu comme l'Allemagne vendredi, les Bleus avaient les moyens d'embêter ce bloc, même dans ce système tactique boiteux. Il suffisait de presser plus, d'être plus agressifs, de les bousculer, comme l'ont fait les Italiens et les Croates. Facile à dire ? C'était notre seule chance, et on ne l'a pas utilisée. Il fallait jouer sur les côtés - Ribéry est quand même souvent passé à gauche - , contourner ce bloc, presser Xabi Alonso dans l'axe comme on l'a fait sur Xavi, etc. Il aurait aussi fallu un peu plus soutenir les deux de devant, par exemple avec des initiatives de Cabaye ou Malouda, qu'on attend toujours. Il aurait fallu un peu de réussite aussi, parce jusqu'au but espagnol, la France bousculait cette équipe. Ce but l'a assommée.

La tactique était mauvaise, mais les joueurs français ont trop respecté leurs homologues espagnols. Il faut dire que durant 3 jours, leur entraîneur avait bien répété à tout le monde à quelle point cette équipe était imbattable, parfaite, exceptionnelle... il y a mieux pour mobiliser une équipe. Blanc a eu peur à tous les niveaux, dans la tactique et dans le management.

Nasri, l'adieu aux Bleus ?

Enfin, il y a le cas Nasri. Comme je l'ai dit hier, les attitudes médiatiques des joueurs ne m'intéressent pas, ça n'a rien à voir avec le terrain. Mais il serait quand même étonnant de revoir le Citizen sous le maillot de l’Équipe de France avant un moment, après sa sortie d'hier. Si encore il s'était rendu indispensable sur le terrain, on lui pardonnerait... mais il est inutile, perdu, sans idée, lui qui est pourtant si créatif en temps normal. Là, il fut surtout imaginatif dans les insultes, et à mon avis il a signé la mort de sa carrière internationale. A 25 ans et avec ce talent, c'est ballot. C'est surtout dommage pour la France, qui n'avait pas besoin de perdre un des rares joueurs techniques de son équipe.

Ce sera au nouveau sélectionneur de décider. Parce qu'à mon avis, Blanc va partir. On prends les paris ?

En attendant, les demi-finales s'annoncent somptueuses. Un duel ibérique entre l'Espagne et le Portugal, certes faussé par les deux jours de repos supplémentaires en faveur des Lusitaniens... et un choc entre l'Allemagne et le vainqueur de ce soir entre l'Angleterre et l'Italie, soit d'ors et déjà un classique du football... On a hâte d'y être, vraiment. Quand on y pense, on se demande ce que cette France là, en reconstruction et donc pas finie, serait bien venue faire parmi ces monstres actuels du football. Mais elle est toujours présente dans les tournois depuis 1996, et ça c'est quand même pas mal comme crise. Moi perso, je prends. En espérant que les quelques progrès entrevus depuis 10 ans se confirmeront jusqu'en 2014.

A plus tard !

samedi 23 juin 2012

Estoquer le Toque

Bonjour à tous,

Vous la ressentez, cette tension ? Cette attente, cette excitation, cette impression d'avoir hâte d'y être, que tout soit terminé pour enfin savoir, quitte presque à zapper le match lui-même pour simplement connaître le résultat, parce que c'est trop dur d'attendre. C'est trop cruel. Et en même temps, cette appréhension : affronter la meilleure équipe du monde, ça peut souvent très mal se passer. Si cette dernière est à son top, si elle retrouve la réussite qui lui échappe un peu dans cet Euro, ça pourrait faire très mal.

Ça va, ça vient

Il n'y a que le sport, et en particulier les sports collectifs, et notamment le foot, et surtout ces grands tournois internationaux, qui peuvent nous faire ressentir ça. Cette tension continuelle, palpable, cet enchaînement de sentiments divers et variés qui nous font prendre le Grand Huit des émotions et des impressions. Mexès avait été très satisfaisant contre l'Angleterre et l'Ukraine ? Impression disparue en un seul match, durant lequel il fut nettement moins protégé par son milieu. Nasri enfin décisif et utile collectivement ? Fini, terminé. Ben Arfa, possible hit de l'été, après des années passées à apprendre à jouer simple au lieu de tricoter inutilement ? A la poubelle. La France, possible vainqueur de l'Euro ? Soyons sérieux... Tout ça, en un seul match. Même chose lors des matches de préparation : plus bas que terre après la bouillie pourtant victorieuse et marquée d'un bon état d'esprit contre l'Islande (3-2), elle est devenue après les deux autres matches une machine de jeu emballante et qui allait enfin réconcilier cette équipe avec son public. Comme si un public devait normalement avoir besoin de se réconcilier avec son équipe nationale... cas unique dans le monde... sauf en Espagne, peut-être.

C'est la dure loi de l'analyse sportive. Aucune analyse sur le long terme, seule la dernière impression compte, elle masque tout ce qui a eu lieu avant. En particulier pour Mexès, encensé à chaque bon match en Bleu, mais ces derniers semblent disparaître à chaque fois qu'il est un peu moins bien. Dur métier.

Un seul joueur, ressuscité après le premier match contre l'Islande et son but sorti du banc, a traversé sans changer de statut ces six matches, c'est Ribéry, avec Cabaye. Lui, le changement a eu lieu au début, mais depuis il aligne les performances de haut niveau, même contre la Suède, ce qui embête prodigieusement ses nombreux détracteurs, dont l'opinion sur l'ailier du Bayern repose en grande partie sur des thèmes qui n'ont pas grand rapport avec le sport - il va aux putes, il parle très mal français, c'est une racaille, il s'est converti à l'Islam. Mais ne vous inquiétez pas, s'il se rate sur un match, ce sera pareil que pour Mexès : tout sera instantanément oublié.

Petit aparté : je me fiche complètement des problèmes extra sportifs des joueurs. Et pas seulement parce que ce blog n'est consacré qu'au foot, rien qu'au foot. Tout comme les analyses des journalistes "généralistes" sur le sport sont souvent d'une platitude et d'un niveau extrêmement faible, celles des journalistes sportifs - qui se démarquent souvent à peine de leurs collègues sur leurs analyses sportives, d'ailleurs... - sur des sujets généralistes, sur le mental des joueurs, leurs attitudes, leur argent, leurs habitudes sexuelles ou familiales, leur langage, voire leur religion, est toujours d'un niveau pathétique. Je me fiche royalement de savoir si Nasri est un petit con ou un puits d'intelligence. Cruyff, Maradona, Schuster ou Ibrahimovic et Ronaldo aujourd'hui sont ou ont manifestement été - mais pour cela il faudrait faire complètement confiance à la presse sportive de toutes sortes et toutes origines, ce qui n'est pas mon cas - des têtes de con de première, des indécrottables individualistes doublés de personnages aux relations parfois très douteuses. Mais c'étaient et ce sont des footballeurs exceptionnels, et c'est là que je m'y intéresse. Si Nasri est bon, il peut rester, s'il est nul, moins. La haine intégrale exprimée - je veut dire vomie - par Larqué contre la Suède envers le joueur de City était symbolique. Il n'a pas été plus nul que les autres, simplement il paie son image extra-sportive : il pique le siège des anciens dans le bus, il est égocentrique... la belle affaire ! Même chose pour ces histoires d'"insultes" dans les vestiaires. Y a-t-il réellement un intérêt à suivre ces âneries ? A part pour renouveler son record d'audience d'il y a deux ans, il n'y avait aucune raison pour que l’Équipe face un dossier spécial sur le sujet... le langage fleuri dans les vestiaires, c'est aussi vieux que les engueulades dans les rédactions de tous les pays. Dans ces dernières, les journalistes se démontent plus dans le dos qu'en face, c'est tout.

Répéter 1986, 2006

Revenons au football. Quelles sont nos chances ? Historiquement, la France n'est jamais aussi forte que lorsqu'elle n'a aucune chance. Ce fut le cas avant 58 - les Bleus ne gagnaient plus depuis quelques semaines, et certains se demandaient s'il ne fallait pas déclarer forfait... - avant 82 - lire l'Equipe Mag de la semaine dernière, et sa rétrospective 30 ans plus tôt - avant 98 - là, vous deviez être nés - et avant 2006. Nous n'étions pas forcément favoris avant de battre l'Italie championne du monde et le Brésil, meilleure équipe du monde à l'époque, en 1986. Nous ne l'étions pas non plus avant le finale de 1998, toujours contre le Brésil. Et nous ne l'étions pas en 2006, avant d'affronter les mêmes Brésiliens, battus à la régulière (1-0) après avoir affronté et donc éliminé l'Espagne (3-1), qui n'avait pas encore son statut d'aujourd'hui mais qui s'apprêtait à l'avoir, et qui avait gagné ses trois matches de poule en marquant 8 buts, dont 4 contre l'Ukraine, future quart de finaliste. A chaque fois que nous avions dû escalader ces montagnes, le paysage avait été somptueux au sommet.

Bien sûr, à d'autres époques moins glorieuses, la France avait chuté dans l'ascension. En 78, l'Italie et l'Argentine nous avait dominé dans notre poule. Même chose pour l'Angleterre et l'Uruguay, en 1966, ou l'Autriche, à l'époque surnommée la Wunderteam, en 1938 (1-3). On ne peut pas faire de miracles à chaque fois, c'est même le principe d'un miracle, sinon ça n'en serait plus un.

On ne peut pas savoir ce que cette équipe a vraiment dans le ventre avant qu'elle ait du jouer ces matches. La France de 1982 était devenue légendaire après avoir résisté, voire mangé les Allemands en demi-finales de 1982. Pas avant, parce que son parcours jusque là - fessée par l'Angleterre (3-1), elle avait ensuite battu le Koweit (4-1) avant de tenir en échec la Tchécoslovaquie (1-1), avant de dominer en deuxième phase de poule les "terrifiantes" équipes d'Autriche (1-0) et d'Irlande du Nord (4-1)... - n'a rien d'exceptionnel. Elle avait confirmé son statut de grand en éliminant le Brésil en 1986, au terme d'un des plus beaux matches de l'Histoire. Elle avait atteint le nirvana des équipes mythique en humiliant le Brésil, encore, en final du Mondial 1998 (3-0). Elle était redevenue une grande équipe en 2006, en éliminant l'Espagne et le Brésil au terme de matches de très haut niveau. Avant cela, elle n'était pas grand chose en général. Ribéry, Platini, Zidane ou d'autres étaient sortis métamorphosés de ces matches couperets contre des équipes qui ne s'attendaient pas à perdre, en général.

Contrer l'Espagne par le jeu, est-ce possible ?

Comment jouer contre des équipes comme celles-ci, supérieures techniquement, collectivement, et au top moralement, après six années de succès quasi consécutifs ? C'était comme affronter la France il y a 10 ans, il valait mieux numéroter tes abatis avant. Quelques soient les hommes alignés, il faudra une parfaite cohésion entre eux, et je ne parle pas seulement humainement, tactiquement aussi. Il faudra qu'ils jouent chacun l'un pour l'autre. Le meilleur exemple c'est 2006 : la France, vieillissante et sortie très difficilement de son groupe (nuls contre la Corée et la Suisse, succès contre le Togo...), affrontait une équipe espagnole parfaitement huilée et déjà présentée comme un ogre. Mais les Bleus avaient sorti un match défensif et collectif parfait, et placé deux contres assassins et victorieux. Mais l'Histoire, si elle se répète souvent, ne le fait jamais quand on s'y attends, c'est tout son charme. Ce match sera différent, forcément.

Il faudra défendre comme des chiens, mais pas forcément en défense, au milieu surtout, là où tout se fait côté espagnol. Les empêcher de jouer, mais pas seulement. Il faudra jouer aussi, parce que le football ce n'est pas Chelsea ni la Grèce. Il faudra défendre haut, bloquer les passes de Xabi Alonso et Xavi, et surtout priver Iniesta et Silva de ballons. Ces deux là, s'ils sont servis, vous êtes morts, ce n'est pas dur. Ça ressemble au supplice se Sisyphe, sauf que là ça s'arrêtera normalement après 90 minutes, voire 120.

Le grand débat actuel se situe sur la composition du milieu français, la défense et l'attaque, malgré la demande déraisonnée des gens pour Giroud - on a personne à la place de Benzema et Giroud, on fait rentrer qui si l'un des deux est fatigué ou blessé ? Et qui au plus haut niveau joue avec deux pointes, franchement ? - étant déjà connus. En défense, Koscielny est face au grand défi de sa jeune carrière. Il a le potentiel, manque l'expérience. Mais il peu s'en sortir si le milieu fait son job. En attaque, Ménez, le seul attaquant avec Ribéry à avoir donné satisfaction, devrait épauler Benzema et le Bavarois. A moins que le côté un peu perso du Parisien ne convienne pas à Blanc... mais la France aura surtout des occasions en contre, et Ménez doit pouvoir les mener.

Au milieu, Diarra a fourni un gros premier tour, mais a semblé fatigué contre la Suède. On le sait, il n'a pas le physique pour jouer aussi souvent, et un Diarra inutile est un poids mort. Surtout que son jeu de tête, face à la Roja, ne sera pas forcément très utile, vu que le ballon ne quittera pas le sol. Je suggère donc de faire plutôt jouer M'Vila. De toutes façons, pour contrer les Espagnols, il ne faut pas de grands costauds facilement contournables par la vitesse des joueurs ou du ballon, il faut des joueurs mobiles, rapides et bons relanceurs. M'Vila est de ceux là. Cabaye, lui, fera son retour et au vu de son niveau affiché en Bleu cette année, il n'est pas discutable. Quid du troisième ?

Plus personne ne veut de Nasri, et en premier lieu Laurent Blanc, ça se sent dans ses déclarations. Reste un choix cornélien : soit essayer de jouer le jeu en alignant Valbuena ou Martin, les plus espagnols des joueurs français, mais on s'expose alors à laisser plus d'espace, moins d'impact au milieu ; soit on aligne un défensif du genre Matuidi, qui manque de compétition mais qui est frais, qui est une teigne, qui ne lâche rien, qui récupère des ballons impossibles et qui, en plus, possède une relance très propre. Mais là, on perd quand même un peu en technicité et en vitesse. Mais est-ce là-dessus qu'on peut rêver faire jeu égal avec l'Espagne ?

Il ne faut pas blinder, parce que, on l'a vu hier entre l'Allemagne et la Grèce, ne faire que défendre contre de telles équipes, à partir d'un certain niveau, et malgré le contre exemple miraculeux de Chelsea, ça peut surtout se payer très cher. Bafouer le jeu, le nier, n'est pas une solution, et on le paie toujours. Le FC Barcelone a des moments sans, mais depuis 20 ans et sur la durée, il n'a pas à se plaindre de son choix de jeu, qui lui a offert les plus grands trophées. Mais aussi et surtout le cœur des amoureux du football, qui n'est pas facile à conquérir.

C'est à Blanc de décider, ça ne sert à rien de réclamer ou de râler lorsqu'on découvrira son équipe. C'est le résultat qui décidera a posteriori. Et si ça se passe mal, là les Yodas de l'analyse footballistique pourront dire "raison j'avais, il fallait faire jouer tartempion". La critique est facile, l'art est difficile... je le disais pour Domenech, je le dis pour Blanc, même s'il est infiniment plus protégé que son prédécesseur. Ça aide d'avoir tous ses amis aux postes de chroniqueurs (Dugarry, Lizarazu, Ménes...). A Knysna, la grève, c'était la faute de Domenech, certains croyant même encore aujourd'hui qu'il en faisait parti. A Kirsha, c'est que la faute des joueurs. Limpide !

Allez, je vous laisse, on reparle de tout ça demain. Quand on saura, enfin !

jeudi 21 juin 2012

Place aux quarts !

Bonjour,

Retour donc sur ce premier tour plein de suspense, et assez contrasté. Pour une fois, malgré les deux succès inauguraux de l'Allemagne, aucune équipe n'étaient qualifiée avant le troisième match, ce qui nous a réservé des dernières rencontres à suspense.

Les buts en berne

C'est peut-être pour ça que, l'enjeu grandissant et les tactiques soudainement se crispant, la moyenne de buts a pris un sacré coup dans la tronche : après les 26 buts des deuxièmes matches (3,25), on a eu droit à quatre 1-0 et deux 2-0, et au total 14 misérables buts, soit 1,75 par match ! Ah ça, quand les sélectionneurs débarquent à l'Euro, ils sont remplis de bons sentiments offensifs. Mais dès que la guillotine se rapproche de trop près... on ferme, terminé ! Du coup, en 8 matches, on a perdu l'avance que les 8 premiers jours de compétitions avaient permis d'accumuler, et après être passé de 2,5 à 2,88 lors des deuxièmes matches, nous voici de retour à 2,5. J'avais dit que pour avoir une différence de buts comparable à celles des deux derniers Euros (2,48 à chaque fois), il fallait que la moyenne n'excède plus les 2 par matches jusqu'au terme du tournoi. A ce rythme, on risque fort de faire moins bien, surtout avec le début des matches à élimination directe, en général plus avares en buts... Il nous faut 17 buts lors des 7 derniers matches (2,43) pour ne pas faire moins bien, ça parait compliqué au vu des derniers matches, mais qui sait...

Il n'empêche que pour l'instant, on évite les 0-0, mais en une session de matches, le 1-0, qui n'avait été signé que 2 fois jusque là, est passé à 6 unités et a donc pris la tête des scores, ce qui est assez symbolique, devant les 1-1 et les 2-1. Un peu comme en Ligue 1, en somme.

Si les matches sont devenus plus ennuyeux, les quelques buts qui ont échappé au béton sont toujours de bonne qualité : 61,67 % d'entre eux ont eu lieu sur passe décisive dans le jeu (51 % en Ligue 1). L’Allemagne (5/5), la République Tchèque (4/4), la France (3/3) et la Pologne (2/2) ont fait le plein dans ce domaine, juste devant le Portugal (5/4), et la Croatie et le Danemark (4/3). En revanche, l'Italie (4/1) et bien sûr la Grèce, qui semble ne savoir que marquer sur des ballons relâchés par des gardiens ou des défenseurs (3/0), parmi les équipes qualifiées, font moins dans le collectif, même si le but de Balotelli, sur corner, est magnifique.

Les gauchers sont contrariés

Chez les joueurs, on compte les mêmes meilleurs buteurs qu'avant les troisièmes matches (Gomez, Mandzukic, Dzagoev). On notera quand même les deuxièmes buts de l'étonnant Krohn-Dehli (29 ans, Brondby après un début de carrière raté à l'Ajax), Jiracek et bien sûr Ibrahimovic, qu'on regrettera dans cet Euro, et le doublé de Ronaldo, qui laisse son coéquipier Benzema dans le rôle du dernier attaquant star de cet Euro à ne pas avoir marqué. Il n'a fallu qu'un match à Rooney pour se mettre dans le bain dans ce domaine... et son but opportuniste montre à quel point un avant-centre bien placé dans la surface, qui sent bien les coups, peut être utile au haut niveau.

A noter que sur les 60 buts (moins 1 csc), moins de 10 ont été marqué du gauche (17 %) contre 17 de la tête (29 %), des chiffres qui, d'ordinaire, sont inversés. Les gauchers, si habiles d'habitudes, semblent éteints dans cet Euro. Deux seulement d'entre eux figurent dans les joueurs ayant marqué au moins deux buts, les Tchèques Pilar et Jiracek. Mais ils ont marqué chacun un but du droit sur leurs deux buts... Il faut dire que les "pattes inversées", cette mode qui consiste à mettre des ailiers gauchers à droite, et inversement, n'arrangent pas les tirs croisés, surtout qu'ils sont en général assez exclusivement gauchers, plus que les droitiers. Ils peuvent repiquer dans l'axe, certes mais ça nous offre un festival de frappes lointaines peu efficaces, comme celles de Ben Arfa contre la Suède...

Chez les clubs, l'étonnant Wolfsburg de Mandzukic et Jiracek reste en tête avec 5 buts, mais les gros sont en embuscade derrière : Manchester City (4), le Bayern, Milan et le Real (3), Arsenal, Barcelone, Dortmund, Chelsea ou Manchester United (2), n'attendent peut-être qu'une chose pour prendre le pouvoir, que le niveau s'élève. Mais il faudra marquer des buts pour ça, les gars... En attendant, la Premier League n'a pas attendu pour prendre le large dans ce domaine (18 buts), déjà loin devant la Bundesliga (12), et très loin devant la Liga (7) et la Serie A et le championnat russe (5). La France et le Portugal, eux, restent bloqués à un but, les Pays-Bas à zéro.

Chez les passeurs, ils sont déjà cinq à postuler pour le titre : Schweinsteiger, Gerrard, Silva, Benzema et Nani ont déjà offert deux buts à leurs coéquipiers. Quatre milieux et un attaquant, je vous laisse deviner celui qui s'est trompé de rôle... s'il avait marqué à côté, ce serait super, mais on attends toujours. A noter la passe décisive de Gomez pour son compère Podolski contre le Danemark, qui lui offre la première place des joueurs décisifs, avec ses 3 buts. Voilà un attaquant moderne, buteur et pivot, qui ne peut faire que du bien à une équipe...

Enfin, sur les quarts d'heure, avec la hausse des enjeux, le dernier d'entre eux a repris du poil de la bête : sur les 14 buts inscrits lors des 8 derniers matches, 4 d'entre eux l'ont été en fin de match, contre 6 lors des 16 précédents, sur 46 buts. Mais le champion des quarts d'heure reste le quatrième, celui après la mi-temps, avec 15 buts, dont encore deux sur les derniers matches, ceux de Rooney et Ibrahimovic. Des buts qui font assez mal, on l'a vu, puisqu'ils se sont avérés décisifs.

L’Allemagne invaincue contre la Grèce

Voici maintenant les quarts de finale qui se profilent, avec Portugal-République Tchèque dès ce soir. Un duel qui semble déséquilibré, mais les deux équipes ne se sont affrontées que deux fois dans leur histoire, à chaque fois durant un Euro, et les deux équipes l'ont emporté une fois chacune. En 2008 c'était le Portugal qui l'emportait lors du groupe A (3-1) avec notamment un but de Ronaldo à la clé, mais en 1996 c'étaient les Tchèques qui remportaient leur quart de finale, disputé à Birmingham (1-0), sur un exploit personnel de Poborsky. Attention donc au bloc tchèque, qui risque de plus donner mal au crâne aux Portugais que celui, plus poreux, des Pays-Bas... n'excluons surtout pas la victoire finale d'une équipe défensive et bien regroupée, ça semble être la mode cette année...

On aura droit aussi à un étonnant - et savoureux, sur le plan politique - Allemagne-Grèce. En 8 rencontres, jamais la Grèce n'a encore battue l'Allemagne, ce qui est rare à ce niveau de la compétition. Mais en 2004, la Grèce était également vierge de toute victoire contre la France, qu'elle avait pourtant "dominée" (1-0). Attention donc à la surprise désagréable... du moins pour les amoureux du football, dont je fais partie. Qui ne rêve pas d'une demi-finale Espagne-Allemagne, franchement ? Bon on aimerait bien la France, aussi...

Les deux autres quarts sont nettement plus classiques, avec un France-Espagne qui s'est déjà produit trois fois en grande compétition, avec 2 succès et un nul en faveur des Bleus ! Espérons que cette série ne s'arrêtera pas, comme celle que nous avions depuis 43 ans envers les Suédois... l'Espagne, qu'on retrouvera dans notre groupe qualificatif pour le Mondial brésilien, reste tout de même sur deux succès en amical contre la France. Enfin, Angleterre-Italie est un classique, mais les équipes ne se sont affrontées que deux fois lors d'un grand tournoi, lors du premier tour de l'Euro 1980 (1-0 pour l'Italie) et lors de la petite finale mondiale de 1990 (2-1 pour l'Italie, encore). Les Anglais vont-ils enfin prendre le dessus ? Malgré un premier tour contrasté, je les en crois capables.

Allez, à plus tard, et bons matches !

mercredi 20 juin 2012

Bleus, Suède, dans les choux

Salut à tous,

Fin du premier tour, on a un jour de battement, de quoi parler de l’Équipe de France aujourd'hui, avant de faire un bilan de ce premier tour finalement assez contrasté, on le verra. On jettera aussi un coup d’œil sur les quarts de finale, qui réserve quelques affiches étonnantes, et d'autres plus classiques.

Sérieux coup d'arrêt

Les Bleus se sont vautrés hier, du moins sur le plan du score. L'objectif était d'assurer le nul, voire une défaite par un seul but d'écart, pour être sûr de se qualifier. Avec cette défaite 2-0, il aurait suffit que l'Ukraine inverse la tendance contre l'Angleterre pour éliminer les Bleus. Cette éventualité parait peu probable, mais les Ukrainiens ont également pas mal bousculé les Anglais, qui s'en sont bien tirés hier. En fait, ils ont juste été réalistes, contrairement aux Bleus.

Si on se fiait, hier, aux commentaires apocalyptiques du duo Balbir-Larqué, notamment de ce dernier, le premier se contentant de suivre comme il l'a toujours fait, la France a été baladée, dominée dans tous les domaines, et n'a jamais été dangereuse puisqu'elle n'a pas réussi la moindre passe. Ça, c'était la vision obligatoire de ce match, si on n'aime pas regarder les matches sans commentaires. Moi ça m'embête de me priver de l'ambiance... mais si j'avais pu (boulot oblige), j'aurais bien coupé quand même. Ces commentaires affligeants étaient tout simplement insupportables.

Oui la France a raté son match, le score est implacable. Elle n'y a pas mis l'engagement indispensable pour ce genre de rencontres, face à des Suédois qui avaient l'avantage - indéniable - de n'avoir plus rien à perdre, puisqu'ils étaient éliminés. En France, on comprends aisément qu'une équipe lâche un match quand elle est déjà éliminée, vu que c'est systématiquement le scenario qui est reconnu le plus plausible dans ces cas là. Perso, je n'y croyais pas une seconde. La mentalité Anglo Saxonne ou Scandinave est tout autre : la Suède devait sauver l'honneur, et elle a tout fait pour. Elle a réussi.

La Suède, pas qu'un pays de biscottes

Avant de détailler ce match, et mettre en pièce l'argumentaire catastrophiste qui va dominer les analyses de ce match et les prédictions à propos du prochain dans les médias durant les prochains jours, rappelons une chose : la Suède, ce n'est pas l'Estonie. Si on n'avait pas perdu contre elle depuis presque 43 ans, on ne les avait pas affronté non plus depuis 4 ans, et une victoire chez elle (2-3) sur des buts de Benzema et un doublé de Govou... Entre temps, les éliminatoires pour cet Euro étaient passés par là. Et tandis que la France remportait certes son groupe avec 6 succès, 3 nuls, 1 défaite et 15 petits buts marqués - seule la Grèce a fait pire offensivement (14) -, la Suède, elle, évita les barrages en temps que meilleure deuxième, après avoir terminé derrière les Pays-Bas, qu'elle avait d'ailleurs battu en octobre (3-2). Et avec quel bilan ? Huit succès, deux défaites - dont une aux Pays-Bas (4-1) - et... 31 buts inscrits, la troisième meilleure attaque des éliminatoires ! Bref ils ont un meilleur bilan que nous, notamment offensif, et dans une poule plus difficile (Pays-Bas, Hongrie, Finlande...). Du coup, les pronostics laudateurs à propos d'une victoire facile contre une équipe démobilisée montraient surtout une méconnaissance totale du football de la part de nos médias sportifs... mais ce n'est pas un scoop.

Ce qui est embêtant, c'est de terminer deuxième, devoir affronter l'Espagne, et surtout voire notre invincibilité s'arrêter aussi nette, aussi brutalement, en plein milieu d'un grand tournoi. On perd un jour de repos, mais on en gagne un en vue d'une éventuelle demi-finale... La confiance des Bleus, patiemment acquise durant presque deux ans, va-t-elle complètement disparaître ? Samedi, on saura.

Ce match, à présent. Oui on a été bougé dans les duels, mais les Suédois, conscients de leur infériorité technique - hormis Zlatan, S.Larsson et Kallström - nous ont laissé le ballon pour mieux nous contrer, et profiter des espaces fournis par notre défense, notamment Rami, décidément peu à l'aise dans cet Euro. Et nous nous sommes retrouvés dans la configuration que l'on déteste : devoir faire le jeu, trouver des espaces dans une défense regroupée. Chose qu'on a jamais réussi à faire depuis deux ans, malgré les efforts louables de Blanc pour y parvenir. On n'a pas les joueurs pour, c'est tout. Dans cette configuration, la vitesse de Ribéry, qui a quand même encore réussi de beaux mouvements hier, ne sert à rien, puisqu'il n'y a pas d'espaces. Celle de Benzema non plus, d'ailleurs, mais lui est hors sujet depuis deux semaines, j'y reviendrais. Les meilleurs résultats des Bleus depuis 2 ans - Angleterre, Allemagne, Brésil, Bosnie... - l'ont été quand l'adversaire avait le ballon, et nous l'opportunité de faire parler notre milieu et la vitesse de nos attaquants. Le symbole, c'est la Bosnie : on l'a battue chez elle (0-2) mais on a galéré à domicile, quand ce fut notre tour de faire le jeu (1-1).

La France a dominé

Restent les chiffres, encensés quand ça nous arrange, critiqués, relativisés quand ça nous arrange moins. Livrons les alors de façon brut de décoffrage : 57 % de domination pour la France - normal, puisque la Suède jouait en contre - 24 tirs à 12, 10 cadrés à 7. Pas mal pour une équipe qui, d'après ce qu'on entendait hier, était "baladée", "transparente", catastrophique quoi... du coup, quel exploit d'avoir réussi à tirer 24 fois, cadrer 10 fois et posséder le ballon durant 57 % du temps tout en ratant apparemment toutes nos passes... non, faut le faire, il faut le reconnaître.

Mais la Suède sans Ibrahimovic, ce n'est pas vraiment la même équipe. Hier, j'essayais de passer en revue les grands avant-centres du monde, en en cherchant un meilleur que lui, en vain. Quel dommage de le voir éliminé... Si on enlève Messi et Ronaldo, qui ne sont pas des pointes, je n'en trouvais pas, tout simplement. Il y a bien Falcao, mais on attends encore sa réussite dans un très grand club. Drogba ? 34 ans, 5 buts en Premier League cette saison... Huntelaar, Gomez ? De formidables buteurs, mais tellement moins complets que Zlatan... Benzema ? Ah, Benzema...

Benzema, échec en vue ?

Cette semaine, la France sera la seule équipe qualifiée pour les quarts avec la République Tchèque dont aucun attaquant de pointe n'aura marqué de buts. Cabaye, Ménez et Nasri sont pour l'instant nos buteurs. Mais la République Tchèque ne possède a priori pas dans ses rangs l'avant-centre titulaire du Real Madrid, plutôt celui de Galatasaray, Milan Baros (8 buts cette saison). Karim Benzema est évidemment notre meilleur attaquant, mais pour sa deuxième grande compétition après l'Euro 2008, et à 25 ans, il n'a toujours pas marqué dans un grand tournoi. En Bleu, ses statistiques (15 buts en 48 matches) sont comparables à celles de Rocheteau (1 match de plus), qui ne fut pas à proprement parler un des grands buteurs historiques des Bleus. A la moyenne, Revelli, Cantona, Trezeguet, Henry, Kopa, Djorkaeff ou Lacombe, entre autres, font mieux, voire nettement mieux, que le Madrilène. Derrière lui, Stopyra, Zidane, Wiltord, Loko, Marlet, Six, Cissé, Govou... Mais surtout, vous vous souvenez, vous, d'un but important de Benzema en Bleu ? Je veux dire, un but décisif pour une qualification, ou dans un match à enjeu ? Moi pas.

Contre l'Espagne, samedi, on ne s'en sortira pas sans un grand Benzema. Surtout, sans un Benzema qui joue en pointe, en attaque, là où on l'attends quand la France attaque, déborde, centre, cherche un appui devant. Je ne suis pas un pro Giroud, loin de là, mais j'en vient parfois à penser qu'il serait plus utile que l'attaquant du Real. Moins fort techniquement, moins expérimenté, il aurait l'avantage de rester en pointe, de nettement moins décrocher. Hier, dès son entrée en jeu, il s'est créé une occasion sur corner, qu'il a d'ailleurs raté... sa présence devant le but serait peut-être plus utile que les décrochages incessants de Benzema, qui a encore fait gonfler ses stats hier en frappant de loin. Il a signé à lui tout seul le tiers des tirs des Bleus (8), cadrant 4 fois, preuve qu'il peut être dangereux, on le sait déjà. Mais il le serait plus devant le but qu'à 30 mètres, surtout avec des passeurs de la qualité de Ribéry, Ménez ou Nasri, le grand ami de Larqué.

Le défi espagnol

Contre l'Espagne, j'ai bien peur que la seule chance des Bleus passe par une tactique à la Chelsea, qui aura réussi l'exploit en quelques matches de C1 d'adosser son nom à un style de jeu qu'elle n'a pourtant pas inventé, et qui date de 50 ans, à l'époque de l'invention du Catenaccio par Helenio Herrera, le cynique et mythique entraîneur de l'Inter. Il faudra bien défendre - sans Mexès, suspendu, avec Koscielny, on pourrait avoir peur mais certains diront que c'est un mal pour un bien, je n'en suis pas certain - notamment au milieu, où tout le jeu espagnol se fait. Il faudra contrer Xavi, Iniesta et les relances de Xabi Alonso. M'Vila a été insuffisant hier, pas assez fort à l'impact, pourquoi ne pas essayer Matuidi ? C'est un défensif pur, une teigne, qui ne lâche aucun ballon, et qui est frais, en plus. Convaincre Carlo Ancelotti de le garder titulaire à Paris n'était pas le plus mince des exploits... Avec Diarra et Cabaye, il pourrait former un duo plutôt complémentaire et efficace contre le jeu espagnol.

Et devant, il faudra être rapide, précis et efficace. Ménez fera, je l'espère, son retour, Ribéry est redevenu intouchable et Benzema a beaucoup plus un profil de contreur que Giroud. Mais s'il se plante encore, et que la France s'arrête là, son Euro aura été un échec total, et son statut de grande star internationale écornée. Si le Real recrute encore du beau monde en attaque, il pourra se faire du soucis.

A demain, pour le bilan du premier tour !

dimanche 17 juin 2012

On ne fera pas le voyage ensemble, Mr Roland

Bonjour à tous,

D'ordinaire, ce blog n'est pas spécialement dédié à la rubrique nécrologique, sauf si, un jour, il s'agira de rendre hommage un grand joueur qui nous aura quitté. Et puis les grandes déclarations d'amours post-mortem me mettent toujours un peu mal à l'aise, parce que ça semble un peu systématique : quelqu'un qui nous quitte, c'est forcément quelqu'un de formidable. Et c'est vrai que ça peut paraître cruel de ne faire que relever les défauts de quelqu'un qui vient de mourir, quelqu'il soit. Mais est-ce cruel d'essayer d'être juste ?


Plus de 50 années au sommet

Thierry Roland faisait partie de ces gens qui étaient là, médiatiquement au moins, avant même la naissance de ma génération, celle qui va bientôt franchir la quarantaine. Il y a Jacques Chirac, il y a Pierre Bellemare... ils ne sont quand même pas nombreux, de moins en moins en tous cas, à compter plus de quarante années d'activité consécutives. Thierry Roland était de ceux là.

Imagine-t-on aujourd'hui un journaliste qui débuterait dans la profession à 17 ans, qui couvrirait 13 Coupes du Monde et 9 Euros, et qui incarnerait à ce point le commentaire sportif ? Nous, plus que trentenaires, avons mal connu le mythique Roger Couderc, qui était un de ses maîtres, dont l'accent rugueux nous est rarement parvenu aux oreilles, même par les différentes émissions d'archives. Pour nous, qui naissions au sport dans les années 80, le commentaire sportif, nasillard, pas toujours très fin, c'était Thierry Roland.

Depuis trente ans, rares sont ceux qui ont réussi à le concurrencer sur le plan de la popularité. Thierry Gilardi avait créé un ton, mais il est parti encore plus prématurément, malheureusement. Sa mort, à l'âge si jeune de 49 ans, avait véritablement choqué tous ceux qui s'intéressaient à ce sport, parce que personne ne pouvait le prévoir.

L'incarnation du supporter de base

Thierry Roland avait à ce point incarné le commentaire sportif, du moins dans le foot, puisque Pierre Salviac était un peu son pendant dans le rugby, avant que son boulard légendaire lui fasse perdre sa place sur France Télé, qu'il a même fini d'en incarner toutes les tares. En France, où le sport reste une discipline pénible à laquelle la plupart des enfants se plient à reculons au collège, et où le glorieux perdant est plus populaire que le vainqueur, le supporter de foot inspire, au mieux, un intérêt poli mais mesuré, voire une attitude narquoise, quand ce n'est pas une franche hostilité, à ses congénères moins concernés. Pourquoi ? Il n'y a pas que l'argent excessif ou le mode de vie dépravé. Si c'était le cas, pourquoi tout le monde aimait les footballeurs en 98 ? Ces derniers étaient tout aussi riches et sans cervelle, mais eux gagnaient les matches...

C'est aussi parce que le football, c'est beauf, c'est vilain, c'est crétin. Le supporter de foot aime la bière, il est un peu raciste, un peu misogyne et son niveau culturel n'excède pas celui d'un poulpe qui prédirait l'avenir. Du moins, en apparence. Et qui incarnait le mieux cet être attendrissant mais que les gens bien sur eux n'aimeraient pas forcément côtoyer au long court, parce qu'il est sale, bruyant et qu'il accapare la télé avec son foot alors qu'il y a des émissions tellement plus intelligentes à regarder sur M6 ou la TNT ? Thierry Roland. Il était apparemment beaucoup plus fin et cultivé que ça, mais il le montrait rarement.

Quand quelqu'un imite un commentateur de foot, il ne le sait pas mais il imite Thierry Roland. Suffit de parler fort, un peu du nez, avec un ton répétitif, confondre les Coréens entre eux, insulter les arbitres, surtout quand il est Tunisien, et donc pas capable de diriger un match important, ou de considérer que pour jouer au foot, il vaut mieux avoir du poil au pattes, et vous voilà consacré le nouveau Canteloup. Aimer l’Équipe de France aussi, bien sûr. Thierry Roland était populaire, mais d'après ceux qui ont témoigné en sa faveur durant toute la journée d'hier, c'était parce qu'il parlait vrai, avec un bon sens populaire bien de chez nous. C'était parce qu'il parlait comme tout le monde. C'était bien ça le problème, finalement : on a le sentiment que n'importe quel supporter aurait pu faire la même chose, du moment qu'il était passionné de foot et qu'il aimait les chambres d'hôtels bulgares.

Sa gouaille et son enthousiasme nous faisaient vivre les matches comme personne, même l'ultra enthousiaste Christian Jeanpierre ou le hurlant Denis Balbir, mais avez vous déjà entendu une seule analyse tactique sensée provenant de sa bouche ? Il était ce supporter péremptoire qu'on pouvait croiser dans un bar, ou même sur le même canapé que vous à une soirée foot. Rempli de certitudes en titane récupérées dans les pages de l’Équipe ou le dimanche matin dans Téléfoot, du genre Giroud il est génial, Ménez il sourit pas, Ribéry il est con, Drogba quel génie, etc. Par contre, pour décrire une défense en zone ou expliquer la différence entre un 4-3-3 ou un 4-2-3-1...

Un puit de science

Il était éminemment sympathique, il était drôle aussi, et c'était un puit de science en ce qui concernait le foot, mais aussi d'autres sports comme la boxe, le cyclisme ou le basket, sans parler des anecdotes croustillantes, comme quand il fit passer Jacques Vendroux pour Harald Schumacher au mariage de Patrick Battiston, ou quand il fit remarquer au Club France, une heure avant le match contre la Hongrie lors du Mundial 1978, qu'ils avaient les mêmes maillots que les Hongrois et qu'ils allaient devoir en trouver d'autres... Une autre époque, où les grands évènements sportifs n'étaient pas encore ces machines réglées au millimètre où il est interdit de prendre des photos, en raison des droits...

Mais il y avait un sujet sur lequel il ne concordait pas avec le supporter français moyen, c'était la haine des Anglais : il était fou d'Angleterre, ce dont il ne se vantait pas forcément, tellement ça ne collait finalement pas à son image de Français moyen, qui aurait pâti d'une telle aberration. Il insultait les Coréens, les Africains, les Bulgares... mais pas les Anglais. Juste un Écossais, le fameux arbitre Mr Foote, qu'il avait traité de salaud pour un penalty sifflé contre la France en 1976. Sans même regarder le moindre ralenti, et pour cause : ils n'existaient que sur un plan très sommaire. Aujourd'hui, à l'aune des ultra ralentis, sur la même action, Mr Foote aurait été véritablement un salaud, ou bien un pauvre type insulté à tort... on ne le saura jamais. Mais il a aussi participé à la chasse aux arbitres généralisée qui sévit aujourd'hui, d'une certaine manière. Il l'a même... popularisée. "On peut insulter les arbitres, vu que Thierry Roland le faisait en 76, je l'ai vu aux Enfants de la télé, c'était trop marrant !"

Notre génération s'est éveillée sportivement au son de sa voix, mais depuis elle a eu quand même d'autres occasions de trouver des commentaires différents. Plus fins tactiquement, peut-être trop, sur Canal, par exemple. Mais il faudra attendre encore quelques décennies pour savoir si ce genre de commentateurs plus pointus mais aussi plus sages, plus aseptisés, sans aspérités, se sera généralisé, et surtout seront devenus aussi populaires que Thierry Roland. Peu de chances, a priori.

A plus tard !