mercredi 18 juillet 2012

Ibra, l'improbable arrivée

Bonjour à tous,

Jusque là je me retenais, de peur que sa malchance légendaire frappe une nouvelle fois le club parisien et que son transfert majeur de cet été décide finalement de ne pas signer mais non, il semblerait bien que Zlatan Ibrahimovic soit sur le point de signer un contrat de trois ans avec le PSG. Et donc avec la Ligue 1, d'une certaine manière. Un mariage aussi improbable qu'inédit, ou presque.

Une star en Ligue 1, enfin !

C'est un coup exceptionnel que le club de la capitale réalise aujourd'hui. Pour se souvenir de l'arrivée d'une telle star internationale, confirmée, ultra médiatisée et talentueuse, dans le championnat français, il faut peut-être remonter aux recrutements de Rudi Völler, par Marseille, et Jurgen Klinsmann, par Monaco, il y a presque 20 ans. La Ligue 1 a compté des stars dans ses rangs, mais elles ont soit été formées (Drogba, Papin, Benzema...) ou révélées en France (Ronaldinho, Weah, Pauleta...). Le dernier club à attirer des internationaux confirmés et reconnus à l'étranger, c'est Lyon (Wiltord, Baros...). Mais aucun d'entre eux ne possédaient le statut ou l'aura d'Ibrahimovic.

Beaucoup se plaignent déjà de ses émoluments, astronomiques et démesurés, voire honteux en temps de crise. Mais ce sont les mêmes qui, depuis des lustres, se moquent de la Ligue 1, de son faible niveau technique, de ses résultats européens de plus en plus quelconques, et de son incapacité à conserver ses stars. Mais c'est le prix à payer pour que la Ligue 1 rivalise enfin avec ses voisins. Qui osera dire qu'il n'a pas hâte de voir Ibrahimovic évoluer avec le PSG ? C'est comme si les Beatles effectuaint un concert hebdomadaire dans toutes les villes de France...

Le meilleur avant-centre du monde ?

Depuis cet été, je me pose sérieusement la question de savoir si Ibrahimovic n'est pas la meilleure pointe offensive d'Europe, voire du Monde. Drogba choisit ses matches, Falcao est encore loin de posséder le même génie malgré un sens du but ahurissant, Gomez ou Huntelaar sont des buteurs remarquables mais assez primaires, Balotelli est encore inconstant, Benzema n'a encore rien montré au niveau international, et Messi et Ronaldo ne sont pas des pointes pures. Si l'on constituait un onze mondial, qui évoluerait en pointe, aux côtés des deux Ballons d'Or en puissance ? Qui, à part Zlatan, qui a réussi son Euro au milieu d'une équipe limitée, et auteur du plus beau but de la compétition contre la France (2-0) ? Rooney, van Persie, voire Eto'o... du très gros morceau, à peu près du même niveau. Ça se joue à pas grand chose.

Ibrahimovic vient de signer sa première saison depuis dix ans sans titre de champion, mais au terme de 11 mois exceptionnels, peut-être les meilleurs de sa vie : 40 buts, 28 en 32 matches de championnat, 5 en 8 matches de C1, 2 en 4 matches de Coupe, et 5 en 11 matches avec la Suède, pour qui il en est désormais à 33 buts en 80 sélections. Il a également adressé 14 passes décisives, dont 7 en Serie A et 4 en C1... par ailleurs, ses 6 transferts, de Malmö au PSG, en passant par l'Ajax, la Juve, l'Inter, le Barça et le Milan AC, ont généré la bagatelle de plus de 145 millions d'Euros, hors primes, et les cinq derniers varient entre 20 (pour le dernier) et 45 (pour son passage en Catalogne). Preuve que malgré toutes les polémiques crées par son caractère volcanique et son égo surdimensionné, les décideurs du foot - ceux qui en ont les moyens, notamment - n'hésitent jamais pour miser sur cet attaquant puissant, complet, génial techniquement et élégant balle au pied.

Et ils ont raison. Depuis 2001 et sa dernière demi-saison à Malmö, son club formateur, il en est à 254 buts, soit plus de 22 par saison en moyenne. La dernière fois qu'il n'a pas dépassé les 20 buts sur toute une saison, c'était lors de sa première saison intériste, en 2006/2007 (15, tous en championnat). Ce n'est pas une machine à buts façon Gomez, ce n'est pas une flèche offensive comme Messi ou Ronaldo, c'est un mix des deux, hormis sur la vitesse. Mais de toutes façons, les attaquants rapides servent surtout aux équipes qui jouent en contre. Ibrahimovic est fait pour les équipes qui font le jeu, dominent, et cherchent des espaces dans les défenses regroupées. C'est d'ailleurs le cas de quasiment tous les clubs dans lesquels il a évolué. Sa taille, sa puissance, son jeu de corps et sa technique individuelle au-dessus de la moyenne en font un pivot increvable, redoutable et cauchemardesque pour n'importe quel défenseur. Ibrahimovic, c'est Hoarau ou Giroud, mais en technique, tellement plus technique.

Têtes, pied gauche, pied droit, frappes lointaines, volées et même coup-francs, il sait tout faire. Sa taille et son élégance font parfois douter de sa motivation. Et c'est vrai qu'à l'Euro, il courrait nettement moins que ses coéquipiers, ce qui ne devrait pas plaire en Ligue 1, où les marathoniens du pressing sont plus prisés que les artistes. Mais il court à bon escient, et fait rarement les mauvais choix. Quand il faut y aller, il y va. Mais quand vous faites 94 kilos, si vous courrez sans vous arrêter pendant une heure, vous ne tenez pas le choc.

Le PSG intouchable ?

Avec cette arrivée, mais aussi celles de Pastore, Lavezzi, Alex, Maxwell ou Thiago Silva, le PSG, en un an, a sauté plusieurs classes. Il est passé de candidat poussif à la quatrième place à champion obligatoire, d'ex bon club européen à favori pour les quarts de finale de la C1, minimum, et de refuge pour les bons joueurs de clubs de Ligue 1 à destination possible pour les meilleurs joueurs de la planète. Sa puissance financière sans limite parvient même à faire oublier à ces derniers qu'ils évolueront en Ligue 1, dans des stades souvent petits et parfois même insalubres, et que leurs performances sportives seront sans doute moins médiatisées que lorsqu'ils les effectuaient en Italie, en Angleterre ou en Espagne. A moins que leurs arrivées ne parviennent enfin à intéresser les médias étrangers sur la Ligue 1... En fait, signer au PSG actuellement, c'est comme signer en Chine ou dans le Golfe, mais en sauvant en partie la face sportivement, puisqu'il s'agit d'évoluer dans un des 5 ou 6 meilleurs championnats européens, et de continuer à disputer la Ligue des Champions, ce qui n'est pas le cas en Asie ou au Moyen-Orient.

Alors certes, Ibrahimovic va avoir 31 ans dans 3 mois, et on peut se demander s'il sera le même dans un ou deux ans. Ce n'est pas un Drogba, qui finit tard mais qui a commencé tard : à 19 ans il était titulaire à Malmö et international, et en est à 527 matches professionnels depuis son arrivée aux Pays-Bas, en 2001, pour près de 8 millions d'Euros. Soit près de 48 matches par saison depuis onze ans. Espérons pour le PSG que son joyau tienne le coup physiquement, mais aussi que son mental ne fluctue pas. Disputer la C1, c'est sans doute ce qui le motivera probablement le plus. Mais jouer à Ajaccio, Reims ou Lorient, ce sera une autre affaire. Alors certes, l'année dernière il a marqué contre Sienne, Bologne, Lecce ou Novara. Mais ça restait la Serie A, championnat diffusé dans la plupart des pays européens. Au moins les buts. Son arrivée est surtout là pour donner plus de puissance au club parisien en attaque, sur cette saison au moins, mais surtout pour prouver aux autres grands joueurs du monde qu'ils peuvent venir à Paris, que ce n'est pas honteux.

Il faudra par ailleurs qu'Ancelotti dégage une équipe type, dont le Suédois devrait rarement sortir, tout en ménageant les égos en faisant participer tout le monde, dans une saison qui sera encore plus chargée que la précédente. Qui évoluera en attaque avec lui ? Lavezzi, qui peut jouer partout comme un Lisandro, vient d'arriver et risque fort de posséder une longueur d'avance sur Nene ou Ménez. Pastore reculant d'un cran pour apporter son sens de la passe, ces deux là risquent fort de se disputer la troisième place de titulaire, à gauche et/ou à droite. Un départ de Nene, une rumeur persistante, pourrait régler la question, mais aussi limiter, du coup, les solutions offensives du club parisiens aux seuls Luyindula, Bahebeck ou Kebano, et bien sûr Hoarau et Gameiro pour jouer en pointe. Du bon, du talentueux, mais pas la même pointure que les titulaires.

Le PSG n'est pas devenu le meilleur club du monde en faisant venir Thiago Silva, Lavezzi et Ibrahimovic, c'est sur. Il lui manque une pointure au poste de latéral droit, notamment, même si Jallet et Bisevac n'ont pas démérité. Mais il peut s'attendre à une saison compliquée : le moindre match nul, la moindre défaite, seront considérés par les médias comme des catastrophes inacceptables. Et on sait à quel point le PSG a du mal, parfois, à soutenir la pression. Il serait bon, pour une fois, qu'il l'emporte sur Lorient lors de la première journée. Du moins pour ses supporters, qui sont des monstres de patience depuis 15 ans. Enfin, pas tous...

A plus tard !

jeudi 12 juillet 2012

Après Deschamps, le néant ?

Salut à tous,

Le changement de sélectionneur des Bleus devrait engendrer moins de bouleversements que celui qui a eu lieu il y a deux mois à la tête de l'Etat. Le passage de témoin entre Laurent Blanc et Didier Deschamps, soit les deux leaders charismatiques de l’Équipe de France de 1996-2000, c'est un peu comme si Batman succédait à Spiderman : des tronches différentes, des moyens peut-être différents aussi, mais au fond ils se ressemblent pas mal. Ils ont plus de zones d'ombres que leurs statuts de super héros inaltérables semblent indiquer.

Laurent Blanc n'était pas prêt

Être sélectionneur, c'est comme être aux responsabilités d'un pays, et c'est comme passer devant un scanner : plus rien n'échappe à personne. En quelques semaines, mois ou années, et quels que soient les moyens que vous ayez employé pour vous protéger, plus rien n'échappe à l'opinion sur vous. Caractère, méthodes, choix tactiques, sens du management : à la fin d'un mandat de sélectionneur, les cases sont cochées et le bilan ratifié.

Que savait-on de Laurent blanc avant son arrivée à la tête des Bleus ? Qu'il avait été un libéro d'une classe et d'une intelligence énorme, en club comme en sélection, qu'il avait un caractère de leader, que c'était pas le genre à mettre sa cravate sur la tête pour faire rire une assemblée et qu'il avait séduit la France avec son Bordeaux champion de France 2009, un cru offensif et gouleyant. Mais aussi que son aventure en Gironde s'était très mal terminée : son groupe avait très mal vécu l'annonce de son départ début 2010, et il n'avait jamais su relever un groupe qui comptait 9 points d'avance à la trêve avant d'en compter 14 de retard sur le champion marseillais à la fin de la saison.

J'ai déjà fait le bilan sportif de Blanc avec les Bleus. Honorable, plutôt réussi même puisque la France a franchi sa poule, et qu'elle était restée invaincue pendant presque 2 ans. Mais il a mal géré la qualification de son équipe pour les quarts de l'Euro, qui a failli lui échapper. Et on l'a vu jeter à la poubelle tous les jolis préceptes qu'il nous servait à chaque conférence de presse, à propos du beau jeu et de l'importance de maîtriser le jeu, contre l'Espagne. En alignant Debuchy milieu droit et en demandant à deux joueurs seulement de défier la défense espagnole, une hérésie, il a tombé le masque. Par ailleurs en pensant que la force de l'Espagne était forcément son attaque, et pas sa force collective et défensive, il s'est trompé idéologiquement et tactiquement. Admirateur du jeu espagnol, il l'a vu trop beau, imaginant des vagues offensives perpétuelles, alors que c'est très exactement l'inverse. Il a voulu contrer une Espagne qui n'existait pas, et qui au contraire doit être bousculée, bougée, comme l'ont fait le Portugal et l'Italie.

Auparavant, il n'avait pas su mobiliser son équipe, qui se croyait déjà qualifiée avant la Suède, et qui a bien failli se faire sortir bêtement de l'Euro. Comme à Bordeaux, il a montré ses limites de meneur d'homme, là on ne s'attendait pourtant pas à la voir faillir. Après la Suède, il n'a pas réussi à relever son groupe, le confortant dans sa peur en alignant une équipe extrêmement défensive. Tout le monde imaginait que son aura de champion du Monde et d'Europe, de joueur un peu mythique, allait réussir à tenir un groupe. Ça n'a pas été le cas, du moins sur le plan sportif. Je continue de ne pas m'intéresser à l'extra sportif, qui ne concerne par définition pas le sport.

Deschamps a un CV, mais pas de successeurs

Qu'est-ce qui le différencie de Deschamps ? D'abord, l'expérience d'entraîneur. Ferguson avait dit que c'était encore un peu tôt pour Blanc d'être sélectionneur. Comme je l'ai dit auparavant quand je l'ai comparé à Prandelli, il était sans doute l'entraîneur avec l'expérience la moins importante, et une aura de champion ou une bonne image de suffit pas pour diriger un groupe de footballeurs extrêmement talentueux, et donc forcément caractériels. Deschamps, de son côté, vient de boucler sa 9e saison d'entraîneur, et déjà 414 matches dirigés, dont la moitié de gagnés, que ce soit avec Monaco, la Juve ou Marseille, sans parler des titres remportés (une Ligue 1, 4 Coupes de la Ligue, 2 Trophées des Champions, une Serie B et surtout une finale de C1, en 2004). Comparé aux 3 saisons de Blanc à Bordeaux (149 matches), ça fait une sacrée différence. Surtout que les clubs que le Bayonnais a dirigé sont d'un autre calibres que Bordeaux, à la fois sur le plan sportif (même si ça se discute pour Monaco, même à l'époque) que sur le plan du contexte "social". Les supporters bordelais sont aussi gentils et bien élevés que sont nerveux et versatiles ceux de la Juve et surtout ceux de Marseille. Sans parler des stars qui fréquentent ces clubs...

En revanche, Deschamps a plus de problèmes relationnels avec ses dirigeants que son ancien vice capitaine. Il a quitté Monaco et la Juve en de mauvais termes, et est parti de Marseille après avoir vécu trois saisons très pénibles à tenter de collaborer avec José Anigo, la soupape qui permet au club de faire à peu près ce qu'il veut sans que les supporters s'en mêlent. Si Anigo s'en va, c'est la révolution, Deschamps ne pouvait pas gagner. Mais il a réactualisé un palmarès marseillais qui sentait bon le début des années 90, les pin's parlant, les tamagotchis et les shorts trop grands. Bref, sa relation avec Le Graet sera à surveiller.

Pour l'instant, donc, Deschamps n'a pas vraiment connu d'échecs, hormis la dernière saison à Marseille, où il a du faire avec un contexte épouvantable et des moyens financiers proches de ceux de Dijon. Si un entraîneur de ce calibre ne réussit pas à relever un peu plus l’Équipe de France, qui le fera derrière lui ? Derrière Blanc et Deschamps, c'est le néant. Dans la génération 98, ils sont les seuls à réaliser une carrière d'entraîneur ne serait-ce que potable. Les autres sont pour la plupart devenus des chroniqueurs bavards et donneurs de leçons, gonflés de certitudes grâce à leurs carrières forcément irréprochables (pourtant, Lizarazu ou Dugarry n'ont pas toujours fait les bons choix, si on y regarde bien), particulièrement doués pour le copinage, ce qui a aidé Laurent Blanc à passer à travers les gouttes, on l'a vu. Ça n'a jamais été de sa faute, toujours des joueurs.

La génération des années 80, elle, est essorée, ou presque. Platini a été essayé, Giresse végète dans des pays de quatrième zone, Tigana s'est grillé à Bordeaux, Fernandez... est Fernandez. Alors, qui ? On a cru en Kombouaré, mais son départ en Arabie Saoudite ne l'aidera pas. Pas plus que l'expérience de Paul Le Guen à Oman. Baup a pris le relais à Marseille, Denoueix est à la retraite... Bref, qui ? Depuis le départ d'Hidalgo, en 1984, on a usé huit sélectionneurs, soit un tous les 3 ans et demi. C'est à la fois peu pour construire et beaucoup d'entraîneurs. On a essayé la filière de la DTN, elle a rendu l'âme avec Domenech. On a aussi essayé la filière des "privés" (Santini, Blanc...), sans résultats probants. Et si on arrêtait de penser que la clé venait du sélectionneur et de son pedigree, et pas de la qualité de notre formation, d'un creux générationnel que la France a accumulé entre chaque période faste ? N'est-ce pas naturel qu'il y ait des vallées entre les montagnes ? Croyait-on vraiment que les Bleus allaient toujours tout gagner tout le temps à partir de 98, que les générations allaient s'enchaîner sans que la courbe de performance ne s'en ressente ? Croyait-on vraiment qu'il serait simple de remplacer des Blancs, des Deschamps, des Zidane, dans un pays qui ne sera jamais culturellement l'Allemagne ou l'Italie, capables de sortir des joueurs d'exceptions deux fois plus souvent que nous ? On a mis 15 ans à trouver un nouveau Kopa, 10 ans pour trouver un nouveau Platini. On ne sait pas si le nouveau Zidane attends quelque part qu'on l'appelle, ou qu'on le révèle enfin. Peut-être qu'il n'arrivera jamais, et qu'on gagnera collectivement, comme l'Espagne. Ça ne fait que six ans, après tout. En attendant, et comme prévu, les Gourcuff, Ben Arfa, Nasri, Martin, voire Benzema, en bavent pour justifier une comparaison inutile et destructrice.

Pas de solution miracle

Deschamps ne pourra pas faire plus de miracles que les autres. Croyez-vous qu'Hidalgo était vraiment pour quelque chose dans l'émergence de la génération Platini ? Certes, son palmarès parle pour lui, et ses choix (notamment le carré magique) également, comme il parle pour Jacquet. Mais ce n'est pas lui qui a sélectionné Platoche en Bleu en premier, c'est Stefan Kovacs. Est-ce Hidalgo qui est allé apprendre à Platini ou Genghini à tirer des coup-francs ? Un sélectionneur choisit les meilleurs joueurs qu'il a à sa disposition. Ce n'est pas lui qui les invente, il les trouve là et en fait ce qu'il peut. Contrairement à un entraîneur de club, qui lui est en revanche soumis à des impératifs contractuels et financiers pour constituer son équipe, un sélectionneur ne peut pas acheter un Brésilien ou un Argentin pour compenser un poste faible. Il n'y a pas de bon latéral dans son pays ? Il doit faire avec. Sauf quand t'es sélectionneur dans le Golfe, bien entendu.

Alors bien sûr, Deschamps nous a sorti la tirade de l'exemplarité. La France bien pensante n'aurait pas accepté autre chose. Il était bien obligé, face à une opinion dressée debout, révoltée par l'extrême gravité des faits, de ces gros mots innommables prononcés par ces représentants de la nation. Ridicule, une fois de plus. Il y a les mots, et il y a les actes. Cesare Prandelli, encore lui, avait aussi décidé d'un code de bonne conduite en 2010, en annonçant qu'il ne tolèrerait aucune faute. Pourtant, son attaque à l'Euro, Balotelli-Cassano, ne respire pas forcément le bon goût et la sagesse. Mais le sélectionneur italien a été plus intelligent que son opinion, ce qui nécessite toujours un grand courage, et ce qui n'est pas donné à tout le monde. Il a tenu bon, et ça a payé. Virer Balotelli ? D'accord, mais pour mettre qui ? Ça ne paie pas toujours, non, mais là oui. En entraîneur expérimenté, il sait que le talent, le génie, engendre souvent des caractères orageux, individualistes et égocentriques, comme le furent ceux de Cruyff ou Maradona. Mais le football leur appartient, il suffit de leur donner les clés. Et peu importe s'ils se coiffent comme des aisselles ou qu'ils disent des gros mots. Zidane a été expulsé 14 fois, Dugarry avait envoyé paître les journalistes et était sifflé partout en France pour son attitude désinvolte. La différence, c'est qu'ils gagnaient, voilà. On en revient toujours au jeu. C'est ce qui fait que ces débats sur la supposée exemplarité que les joueurs devraient avoir est inutile, populiste et sans intérêt. Tout dépend des résultats, c'est tout.

En attendant, il faudra qu'on m'explique comment on pourra viser le Mondial 2014 si on se prive de Ribéry, Ménez, M'Vila... parce qu'ils ont dit des gros mots, ce qui arrive partout, tout le temps, dans tous les sports. Si on veut une équipe gentille mais sans génie, qu'on le dise, on retournera directement dans la D2 européenne qu'on a quitté il y a 20 ans.

Allez, à plus tard !

mercredi 4 juillet 2012

Les tableaux de l'Euro

Salut à tous,

Petit retour sur cet Euro qui vient de se terminer. Je vais pour cela m'appuyer sur ma marotte habituelle, les stats, pour illustrer ce que fut ce tournoi qui pour moi a marqué un tournant sur le plan tactique : plus besoin d'attaquant pour gagner. Même plus besoin de la possession. L'Espagne a possédé le ballon mais moins qu'à l'accoutumée (59 %, et 46 en demi-finales contre le Portugal) et a joué la majeure partie du temps sans pointe. Ça n'engendre pas forcément moins de buts, mais ça n'en apporte pas plus - surtout, ça joue sur la qualité du spectacle. Hormis la finale, face à une Italie joueuse, les matches de l'Espagne ont un peu trop souvent ressemblé à du Handball, mais sans l'obligation de tenter une frappe au bout de 30 secondes. Une longue possession stérile, qui empêche l'adversaire d'être dangereux et le spectateur de rester éveillé.

Les numéros restent traditionnels

Au niveau des buts, on a raté à une unité près les scores des deux précédents Euros : 76 buts, contre 77 les deux fois auparavant. Soit 2,45, contre 2,48, une régularité qui fait presque peur, surtout que la moyenne des Euros depuis 1960 se situe à... 2,46. Mais il y a eu deux périodes bien distinctes dans ce tournoi : les deux premiers matches de chaque groupes, soit 16 rencontres, qui tournaient à 2,88 ; puis les troisièmes matches et les matches éliminatoires, soit 15 rencontres, où là on a tourné à pile 2 buts par match. Comme prévu, l'enjeu a tué le jeu lorsqu'il s'est élevé. Lorsque toutes les chances sont égales, on aime tenter sa chance, jouer, attaquer ; mais quand il s'agit d'assurer un point ou son but, les portes se ferment. Un grand classique. On a d'ailleurs marqué 9 de ces 30 buts lors du dernier quart d'heure, contre 7 sur les 46 buts précédents.

Un premier petit tableau, ensuite. Il s'agit du nombre de matches, de buts et de passes décisives dans le jeu par numéros. Oui oui, c'est intéressant !




On constate de suite que la tradition du numéro 9, malgré la disparition quasi annoncée des attaquants de pointe, a la vie dure : ils ont marqué 11 buts, devant les numéros 7, 11 et 14 (8 buts). Bon score également des 17 (7), qui ne signifie pas grand chose, à part que Mandzukic et Dzagoev, deux des meilleurs buteurs de l'Euro, ont le même numéro. Par match, le 10, apparu 49 fois, a longtemps mené au score mais c'est finalement le 7 qui l'a emporté sur le fil (51), devant le 10 et le 11 (49), puis le 6 (48) et enfin le 1, le 8 et le 9 (47). Bref, des numéros extrêmement traditionnels. En revanche, le 12 (13 fois) est désormais plus souvent porté par les deuxièmes gardiens que le 16 (39). Chez les passeurs, la victoire du 10 (6) devant le 7 et le 11 (5) ressemble quasiment à un poncif tellement elle est symbolique.

La Premier League plane

Autre tableau, celui des buts par clubs...



Évidemment, la toute puissante Premier League s'illustre. Et ce sans l'aide de ses internationaux anglais, qui n'ont marqué que 5 buts. Si la sélection italienne a brillé, ce n'est pas grâce à ses ressortissants : son buteur, Balotelli, évolue en... Angleterre. Même chose pour les 3 buts français, dont 2 viennent d'outre-Manche (Cabaye et Nasri), ou... l'Espagne, puisque Torres (3 buts), Silva (2) et Mata (1) jouent également en Angleterre. Heureusement que Fabregas est revenu en Espagne il y a un an... On notera également le bon score de la Bundesliga, qui a plus marqué que la Liga. Le Real l'emporte, mais d'une courte tête, grâce à Ronaldo (3) et Özil (1) mais aussi Xabi Alonso (2), Khedira et Pepe, des joueurs moins attendus... au contraire de Benzema (0). Si le Barça a été quelconque, confirmant que sans Messi, il est moins représentant offensivement, City, lui, a confirmé que son titre de champion d'Angleterre n'était pas usurpé. Mais sur les 7 buts de City, un seul vient d'un Anglais, Lescott. Enfin, la Ligue 1, comme il y a 4 ans, a été plus que quelconque : absente, ou presque.

Les passeurs à présent !



Une affaire de spécialistes, on dirait. Il ne manque personne, que des stars de la passe décisive, que des milieux offensifs aussi, hormis Benzema... quoique. Certains buts sont regardés en boucle sur internet, mais je pense que certaines passes décisives pourraient l'être aussi, notamment celle de Plasil contre la Russie (1-2) ou celles de Schweinsteiger contre les Pays-Bas (2-1), sans parler de celles de Xavi en finale. En fait si, il en manque un, des meilleurs passeurs d'Europe : Ronaldo...

Passons maintenant aux statistiques sur les tirs qui sont très parlantes je trouve.



Vous ne rêvez pas : la France est particulièrement bien classée, hormis sur l'efficacité, ce qui est problématique. Mais contrairement à ce que tous les commentaires catastrophés des commentateurs et des médias pourraient nous faire croire, les Bleus ont eu le ballon, puisque seules l'Allemagne et l'Espagne les devancent dans ce domaine, excusez du peu, et ils en ont profité pour beaucoup frapper, beaucoup cadrer, et même s'ils ont peut-être abusé de frappes lointaines, au vu de ces chiffres ont peut leur reprocher une chose : de n'avoir pas réussi à convertir toutes ces frappes. Parce que lorsqu'il leur fallait 63 tirs dont 37 cadrés pour marquer 3 petits buts, il en a fallu 28 et 14 à la Grèce pour en inscrire 5 ! Des chiffres sidérants. Le Danemark s'est également signalé par la précision mais aussi l'efficacité de ses tirs, dommage qu'il n'ait pas frappé plus ! L'Italie, elle, comme je l'avais dit, a beaucoup frappé, pour un résultat finalement très moyen (5,56 % de réussite contre 9,25 au total). Elle l'a payé en finale, avant que les circonstances de jeu ne fausse la fin du match. Mais jusqu'à l'heure de jeu, elle rivalisait avec l'Espagne au nombre de tirs et sur la possession. Mais pas au score...

Dominer n'est pas gagner... sauf pour l'Espagne

Enfin, derniers tableaux, qui confirment ce que je viens de dire...



Évidemment, l'Espagne a survolé les débats au nombre de passes, réussies surtout. Tenter beaucoup de passes, c'est bien, mais en réussir 4 sur 5, c'est gigantesque. Il faut dire qu'elle ne tente que des passes ayant beaucoup de chance de passer, et pas des centres, par exemple, puisqu'elle est dernière aux nombres de centres. Pourquoi aurait-elle centré d'ailleurs, puisqu'elle n'avait pas d'avant-centre ? L'Allemagne, en revanche, savait qu'elle en avait un, et a beaucoup tenté de le trouver dans les airs, avec un certain succès d'ailleurs. La France, elle, confirme qu'elle ne ratait pas toutes ses passes, contrairement à ce que les hurlements de Larqué contre la Suède laissaient supposer : devancer dans ce domaine presque tout le monde, et notamment les Pays-Bas, l'Allemagne, la Russie ou l'Italie, sans parler du score étonnamment mauvais du Portugal, c'est la meilleure des réponses. On dira que c'étaient beaucoup de passes latérales, certes... un peu comme l'Espagne, quoi.

A noter que les hors-jeu montrent que l'Espagne, qui en a signé le plus, a beaucoup plus joué en contre que d'habitude. Elle se situe devant - ou derrière - des équipes qui ont souvent subi, comme l'Irlande, la Grèce ou le Danemark. A noter que 5 des 6 équipes les plus sanctionnées en hors-jeu n'ont pas franchi le premier tour, et le premier demi-finaliste, le Portugal, est 8e. Il ne valait vraiment pas trop dominer dans cet Euro, décidément. Mieux vaut laisser venir...

Voilà sur ce je vous laisse, à plus tard !

lundi 2 juillet 2012

Une finale tronquée

Salut à tous,

La gueule de bois doit être partagée ce matin, de chaque côté du Golfe du Lion. En Espagne, la fête a du être terrible, et le réveil, difficile : mettre 4 buts d'écart à un adversaire en finale, ça n'avait jamais été fait ; et rentrer dans l'Histoire pour longtemps, ça n'arrive pas souvent. En Italie en revanche, c'est surtout l'ampleur très exagéré de la défaite qui a du faire le plus mal. Avec le fait de n'avoir pas pu défendre ses chances jusqu'au bout, à cause d'une règle qui, comme d'autres, à l'image de ce qu'il se fait dans le rugby, mériterait d'être quelque peu dépoussiérée.

L'Espagne définitivement mythique

Le bonheur espagnol est parfaitement légitime. Remporter trois tournois consécutifs, conserver son Euro, ne prendre aucun but en 990 minutes durant les matches éliminatoires, c'est carrément dément. Surtout lorsque l'on sait à quel point cette Roja a parfois ennuyé durant cet Euro, et même été bousculée, par l'Italie et la Croatie, en phase de poule, puis par le Portugal en demi-finales. Jusque là, seules l'Irlande et la France avaient laissé le futur double tenant développer tranquillement son jeu, sans qu'elle ne déploie jamais le jeu flamboyant qu'elle a montré hier soir... du moins pendant une heure.

L'Espagne fait mieux que les deux équipes qui avaient réussi un doublé en deux ans, la RFA entre 72 et 76, qui avait échoué cette année là en finale de l'Euro, et la France entre 98 et 2000, qui s'était complètement ramassée en 2002. Trois grands tournois, avec dans ses rangs la bagatelle de 9 joueurs (Casillas, Ramos, Arbeloa, Iniesta, Xabi Alonso, Xavi, Fabregas, Silva et Torres) qui ont participé à ces trois conquêtes. Et Puyol et Villa étaient blessés... de quoi faire une équipe entière ! Ça signifie une génération exceptionnelle, ça veut aussi dire que la relève ne sera pas jugée comme toutes les relèves. Le remplacement, dans les prochaines années, des trentenaires tels que Casillas, Xavi ou Xabi Alonso, ne sera pas aisé. On le sait bien, en France, comme ailleurs : les mythes ne se succèdent pas entre eux.

Des débats équilibrés

Pourtant, même si dans le jeu elle semblait supérieure, la Roja n'a pas dominé du tout la première heure de la finale, contrairement à ce que le tableau d'affichage annonçait alors. Elle avait deux buts d'avance mais n'avait ni la possession (52 % pour l'Italie) ni le nombre de tirs (12 à 11) en sa faveur. La Squadra avait même raté quelques grosses occasions très nettes, notamment le pauvre Di Natale, rentré à la pause à la place de Cassano, et qui se créait deux opportunités énormes, une tête juste au-dessus sur un coup-franc puis un duel avec Casillas, dans lequel il envoyait directement le ballon sur le portier espagnol, qui n'en demandait pas tant. Ce dernier a par ailleurs sorti un très grand match, ce qui montre, contrairement à ce que certaines blagues circulant sur le net tendraient à faire croire, que la Roja, après avoir gagné l'Euro sans attaquant, pourra gagner le prochain sans gardien. Elle a souffert sur les attaques placées italiennes, et surtout sur les coups de pied arrêté. Et malgré les critiques répétées et consternantes des commentateurs de TF1, Mario Balotelli a fait ce qu'il a pu, il a pesé, mais n'était pas toujours été bien soutenu.

Mais, malgré le côté équilibré des débats, l'Espagne menait déjà largement à la pause, grâce à deux buts sublimes, enfin. Deux buts qui nous ont rappelé que, quand cette équipe essayait de faire autre chose que faire tourner le ballon et attendre que l'adversaire se fatigue, elle pouvait sortir des actions collectives magiques, qu'elle seule est capable de fournir au niveau international. Le but de Silva, sur un centre de près de Fabregas, et celui de Jordi Alba, parfaitement lancé par un Xavi retrouvé, ont illuminé une première mi-temps équilibrée, on l'a dit, mais aussi plaisante à regarder et très rythmée. La suite...

La finale volée

Après un quart d'heure où Di Natale aura définitivement mangé la feuille, il y eut la blessure du Parisien Thiago Motta, entré 5 minutes plutôt, et qui allait laisser ses coéquipiers à 10 pendant une demi heure, une première dans l'histoire des grandes finales. A 10 contre 11 Espagnols en pleine confiance, pendant un tiers de match, que pouvaient espérer les Italiens, aussi courageux soient-ils ? Ils ont retardé l'échéance pendant 20 minutes, avant de logiquement craquer durant les 10 dernières. On est content pour Torres, qui termine co meilleur buteur en n'ayant joué que durant l'équivalent de deux matches (189 minutes), et Mata, qui a profité de ses seules (!) 5 minutes de jeu durant cet Euro pour marquer, mais pas sûr qu'ils auraient si aisément trompé Buffon en fin de match si les deux équipes avaient terminé à 11. Que ce serait-il passé si l'Italie avait eu l'autorisation d'effectuer un autre changement ? Pas sûr qu'elle eut pu inverser la tendance, même si elle en avait les moyens, puisqu'elle continuait de se créer des occasions avant cela. Mais on aurait eu droit à une dernière demi-heure beaucoup plus rythmée et équilibrée, sans nul doute. Bref, si le vainqueur n'a sans doute pas changé à cause de cette circonstance, les spectateurs que nous sommes, qui nous régalions de voir les deux meilleures équipes européennes, les derniers champions du monde, s'affronter, peuvent se sentir spoliés. Cette finale a été faussée, et son résultat avantageusement grossi, sans doute. Il n'y avait pas 4 buts entre les deux équipes, hier soir.

En rugby, ce sport traditionnel, enraciné dans les cultures des terroirs britanniques, du sud de la France ou de l'hémisphère sud, si ancré dans les villages, les régions, qui ne succombe que partiellement au business que le professionnalisme colporte partout où il va, on peut consulter la vidéo lorsqu'une décision arbitrale pose problème. On peut aussi remplacer un joueur quand il est blessé, même quand les remplacements ont tous été effectués. Bref, le rugby nous donne encore une fois une leçon de modernisme. De cette manière, les matches ne sont jamais faussés par des coups du sort. Cesare Prandelli a du changer son latéral gauche après 20 minutes, déjà sur blessure. Il a donné du peps à son attaque à la pause, en faisant rentrer Di Natale, deuxième changement. Peut-être celui de Montolivo par Motta, avant l'heure de jeu, était prématuré, après coup. Comment le savoir ? Si on se dit qu'on prends un risque en changeant trop vite ses joueurs, on fait comme Laurent Blanc, on fait des changements à la 85e minute, quand c'est trop tard. Prandelli, lui, est un tacticien hors pair, et ses changements, notamment celui de Di Natale, ont bien failli porter ses fruits. Et la blessure de Motta n'est pas une erreur de sa part, juste un coup du sort. Il a essayé d'équilibrer son milieu pour avoir une meilleure maîtrise et en contrant mieux l'Espagne. Mais il n'y a plus eu de match, ensuite.

Cruel pour l'Italie

Rendant hommage à ces joueurs espagnols, dont plus de la moitié des titulaires ont remporté trois tournois majeurs, ce que personne en Europe n'avait jamais fait. Nous serons tous très vieux, voire morts, le jour où tous ces records seront battus. Une équipe qui gagne quatre trophées d'affilée ? Difficile à imaginer. Et ils nous ont régalé hier. Mais je ne peux m'empêcher d'être triste pour ces Italiens qui, après des décennies à encaisser des critiques sur le jeu et leur calcul, ont essayé - et réussi - de jouer, on fourni du jeu, et se sont rendus sympathiques aux yeux du monde entier, et même des Français, mais qui ont payé trop cher cette révolution stylistique et tactique. Beaucoup, dans la botte, feront remarquer que, peut-être, s'ils avaient plus calculé, moins laissé d'espace en attaquant, ils auraient plus gêné cette Roja qui, comme toutes les équipes qui aiment avoir le ballon, n'attendent qu'une chose, que leur adversaire prenne des risques. Mais les Italiens ne doivent pas abandonner cette idée. Ils ont et ont toujours eu les joueurs pour mieux jouer qu'ils ne le faisaient avant, et voir enfin cette équipe se libérer et offrir autre chose que de la sueur et du bloc équipe, c'est vraiment réjouissant. Et en plus ça marche, souvent. On ne rencontre pas tous les jours l'Espagne, et on ne finit pas toujours à 10 contre elle.

Allez, on se revoit plus tard pour un bilan détaillé de cet Euro !

dimanche 1 juillet 2012

Un duel de Champions

Salut à tous,

Nous y voilà... 30 matches, 72 buts, deux prolongations et autant de tirs aux buts, peu de surprises, hormis les trois défaites des Pays-Bas et la place de l'Italie en finale... et nous voilà au matin de la finale de l'Euro, la 14e du genre. Avec, au programme, un choc 100 % latin, le troisième en quatre Euros (après France-Italie en 2000 et Portugal-Grèce en 2004). C'est aussi un affrontement entre les deux derniers champions du monde, excusez du peu ! Le tenant espagnol est évidemment le grand favori de ce match, mais certains aspects pourraient bien arrondir les angles de cette certitude. Passons en revue les armes, les forces et les faiblesses de chaque équipe.

Une Roja solide, mais peu percutante

Honneur au tenant. Sa force, c'est d'abord son expérience. Personne ne peut se prévaloir d'un tel palmarès. Iker Casillas est le gardien qui a disputé le plus de matches en tournoi (28). A lui seul, Xavi rend jaloux tout le reste du plateau européen, avec ses 6 championnats, ses 3 Ligues de Champions, ses deux Coupes du Monde des Clubs, et bien sûr son Euro et son Mondial... La Roja qui n'a pas pris de but en match éliminatoire d'un grand tournoi depuis la Coupe du Monde... 2006, et le huitième de finale perdu contre la France (1-3). Depuis le but de Zidane dans les arrêts de jeu à Hanovre, l'Espagne vient de signer 900 minutes sans prendre de but. Dans le même temps, elle en a marqué 10, soit exactement un toutes les 90 minutes... le minimum du minimum syndical.

Et puis bien sûr, elle a son jeu, implacable. Elle n'a plus perdu la possession du ballon depuis la finale de l'Euro 2008, contre l'Allemagne (1-0). Andrea Pirlo, un des maîtres de la passe, serait sixième au nombre de passes s'il était Espagnol durant cet Euro, derrière notamment Busquets ou Ramos ! La Roja fait tourner le ballon, fait courir son adversaire pendant des palanquées de minutes, quitte à ennuyer même ses propres supporters, et aucune équipe passée à cette moulinette ne peut tenir très longtemps. Le Portugal y est parvenu mais a failli craquer en prolongation. Une défense solide, un milieu infernal... reste l'attaque.

C'est une des failles majeures de l'Espagne. Durant les tournois précédents, elle pouvait compter sur David Villa, voire Fernando Torres, pour rendre concret au tableau d'affichage l'énorme domination ibérique. Avec la blessure de l'ancien valencian, meilleur buteur des deux derniers grands tournois avec 4 puis 5 buts, et la méforme de Torres, malgré de gros progrès dernièrement, l'Espagne est comme une œuvre inachevée. Torres a signé un doublé, mais c'était "que" contre l'Irlande, contre qui la Roja a inscrit la moitié de ses buts dans ce tournoi (4 sur 8). Fabregas a marqué deux fois, lui aussi contre l'Irlande mais aussi, avant cela, contre l'Italie, un but égalisateur qui s'est avéré essentiel dans la qualification. Iniesta manquant de réussite (11 tirs cadrés, 0 but, record historique du tournoi) et Silva se contentant des passes décisives, l'Espagne a du se reposer sur un doublé improbable de Xabi Alonso contre les Bleus (2-0) et sur les tirs aux buts contre le Portugal. le dernier attaquant espagnol à avoir marqué lors d'un match éliminatoire se nomme Villa, en quart de finale du dernier Mondial, contre le Paraguay (1-0). Depuis, Puyol, Iniesta et Xabi Alonso (2) lui ont succédé, en 4 matches.

Et puis, y a cette fatigue, cette lassitude, presque. Contre la France, qui n'a malheureusement jamais cherché à la bousculer, contrairement au Portugal, elle a semblé absente, comme peu concernée. Elle a géré les timides petites flèches tricolores, et s'en est sortie au métier contre des Portugais beaucoup plus incisifs. La sortie de Xavi à la 87e minute, alors que tout restait à faire, a interloqué. Il faut dire que ce soir, le milieu de 32 ans disputera son 65e match de la saison, soit son exacte moyenne depuis six ans. Son compère Busquets, lui, le devancera de deux unités. Les Madrilènes Casillas (69), Sergio Ramos (67) et Xabi Alonso (68) font autant, voire pire. Les autres se situent entre 50 et 60 matches chacun, ce qui fait, pour tous, plus d'un match par semaine en moyenne. Normal pour des internationaux, titulaires dans des clubs qui auront brillé dans toutes les compétitions. Mais il est logique que, pour certains trentenaires n'ayant jamais pu ou voulu souffler ces dernières années, la route commence à sembler longue.

Et enfin y a l'Histoire, implacable. Se qualifier pour trois finales consécutives de grande compétition, en en gagnant 2, a déjà été fait une fois, par la RFA entre 1972 et 1976. Conserver son titre européen et gagner trois tournois consécutivement, en revanche, ça n'a jamais été fait. L’Espagne est favorite, mais la RFA aussi l'était avant d'être piégée aux tirs aux buts par la Tchécoslovaquie de Panenka, il y a 36 ans. Toutes les séries ont une fin, et les records sont faits pour être battus. Mais quand même, quel exploit ce serait !

Mais l'Italie semble avoir les clés pour contrer cette machine de guerre implacable.

La Squadra l'a déjà fait

D'abord, c'est la seule à avoir marqué un but à cette Roja, lors du premier match (1-1). Un contre assassin façon italienne, conclu par Di Natale, qui ne reflèta pas vraiment le style de cette Squadra qui n'avait pas fait que défendre contre le tenant des titres. Elle l'avait bousculé, et lui avait infligé autant de tirs cadrés en un match (6) que les trois autres adversaires des Espagnols par la suite. Défensivement, elle n'avait cédé que sur un éclair de génie de Silva, trouvant d'une passe laser un mini espace dans le mur italien pour trouver un Fabregas terriblement habile (1-1).

Avant d'analyser son jeu, disons également que l'Italie, certes éliminée aux tirs aux buts par la Roja à l'Euro 2008, n'a jamais perdu contre cette dernière en tournoi majeur, en 7 confrontations (3 succès, 4 nuls). Sous la magistrature Prandelli, elle reste également sur deux matches sans défaites (1 succès en amical, 2-1, et le nul lors du groupe C). Elle est également la seule équipe à n'avoir jamais été menée durant la compétition.

Dans le jeu, certains disent qu'elle est la preuve qu'on peut gagner avec deux pointes, sous-entendant par là que la France aurait pu le faire en faisant jouer Giroud, la grande marotte française de ce mois de juin. Regardez les matches italiens, et revenez m'affirmer que Cassano joue en pointe. La plupart du temps il joue en soutien de Balotelli, et le plus souvent sur le côté gauche, ou De Rossi, le milieu gauche du trident du milieu italien, qui peut dépanner en défense centrale, aura toutes les peines du monde à se muer en ailier gauche. C'est de cette aile, notamment, que l'attaquant du Milan aura servi celui de City contre l'Allemagne (2-1), ne marquant qu'un seul but, sur corner contre l'Irlande (2-0). En 5 matches, il n'a frappé que 13 fois au but, cadrant 7 fois. Balotelli en est à 24, pour 14 cadrés ! Ce dernier est LA pointe de l'Italie, qu'il n'est d'ailleurs pas toujours à City. Cassano, lui, n'en a jamais été une. Il n'a marqué que 13 buts en 18 mois, en 54 matches. De bonnes stats, mais pas les stats d'un buteur.

Ce duo offensif est extrêmement intéressant, car très complémentaire. Il associe deux joueurs très techniques, un qui balaie tout le flan offensif, on l'a vu, et l'autre très puissant, rapide, qui ne doute de rien, et qui pèse terriblement sur les défenses centrales. Balotelli a passé son Euro à gâcher des occasions (seul Ronaldo et le Russe Kerzhakov ont plus frappé à côté que lui), sauf contre l'Allemagne, où il a moins frappé mais beaucoup mieux. L'attaquant formé à l'Inter est le premier italien a marquer plus de deux buts lors d'un Euro. Guère embêtée par Benzema ou Hugo Almeida, à peine plus par Ronaldo, la défense espagnole devra gérer ce phénomène, qui est capable de flamber comme personne ou complètement disparaître, c'est selon. En tous cas il avait particulièrement raté son premier match contre l'Espagne, pas dans le jeu, où il avait toujours été dangereux, ce qui lui garantie, à mon avis, sa place de titulaire, mais dans l'efficacité.

Évidemment, il y a Pirlo, sans qui la Squadra ne serait pas là, tout simplement. Un des seuls champions du monde 2006 présent (avec Buffon, Barzagli, Chiellini et De Rossi) a porté cette équipe comme peu de joueurs l'ont fait. A 33 ans, il a été impeccable défensivement, et génial dans le jeu. Il fait toujours le bon choix, ajuste parfaitement ses passes, dirige le jeu comme personne. Il a d'ors et déjà assuré sa place dans le onze type du tournoi, et sans doute dans les 5 premiers du prochain Ballon d'Or. Surtout en cas de victoire... La défense, elle, a concédé trois buts, notamment contre la Croatie, mais aussi contre l'Espagne et l'Allemagne, sur penalty, excusez du peu. D'une manière générale, Barzagli a prouvé qu'il était un des tous meilleurs défenseurs du monde, tout comme le méconnu Bonucci. Et que dire de Buffon... au-delà du grand gardien qu'il est depuis plus d'une décennie, il est peut-être le meilleur capitaine du tournoi, un meneur d'homme exceptionnel. Un de ceux qui ont manqué, par exemple, aux Pays-Bas, à l'Allemagne, et bien sûr à la France, on ne peut plus logiquement.

Une tactique incertaine, un banc peu fourni

Les défauts maintenant. Dans tous ses matches, l'Italie a gâché, et s'est compliqué la vie. Même face aux meilleurs, l'Espagne et l'Allemagne, elle a raté des occasions qui auraient pu lui assurer des succès plus larges, ou des succès tout court. Son match contre la Croatie en est l'exemple parfait (1-1). Après deux matches de poule et avec 2 points, elle était à deux doigts d'être éliminée à cause de ce manque d'efficacité. Preuve, s'il en est, qu'elle n'a plus rien à voir avec l'image d'Epinal qui la poursuivra encore longtemps, celle d'une équipe froide, calculatrice, et qui n'a pas besoin de beaucoup d'occasions pour s'imposer. C'est tout l'inverse, même, et face à des Espagnols qui concèdent vraiment très peu de tirs en temps normal, il faudra être efficace, enfin. Balotelli est l'inverse absolu de Rossi ou Inzaghi. Très présent, mais pas forcément efficace.

Lors de son match contre l'Espagne, elle avait aussi gêné le tenant grâce à une défense à 5, qui avait noyé le jeu de la Roja, tout en lui permettant d'être performante offensivement grâce à un milieu fourni et des couloirs bien animés. Mais depuis le match contre la Croatie, Prandelli a abandonné cette tactique destinée surtout à rassurer une équipe fragilisée par les affaires de corruption et des matches amicaux catastrophiques, De Rossi est revenu au milieu, ce qui lui a offert un visage encore plus séduisant. Alors, que va décider l'ancien coach de la Fiorentina ? Va-t-il utiliser le système qui avait mis en échec l'Espagne ? Ou continuer de s'appuyer sur celui qui lui a réussi depuis, quitte à moins gêner la Roja ? Pas facile, le job de sélectionneur...

En tous cas ce match sera très différent du premier. Pourtant, dans les 3 autres cas où deux équipes se retrouvent en finale après s'être affronté durant le premier tour, seul le double affrontement entre les Pays-Bas et l'URSS, en 1988, différa selon que les deux équipes s'affrontaient en phase de poule (1-0 pour les Soviétiques) ou en finale (2-0 pour les Oranges). En revanche, entre Allemands et Tchèques, en 1996, il y eut le même résultat (2-0 puis 2-1 a.p.), mais pas vraiment selon le même scenario, puisque l'Allemagne fut menée jusqu'au dernier quart d'heure... En revanche ce fut quasiment identique entre Grecs et Portugais, en 2004 (2-1 puis 1-0). La série va-t-elle se poursuivre ? A noter que dans ces cas là, il n'y eut pas de nul... jusqu'à cette année. Aucune des deux équipes n'a donc pris l'ascendant !

Dernier point faible italien, son banc. Derrière le 11 qui s'est dessiné dernièrement, seul Diamanti, habituel remplaçant, a à peu près donné satisfaction. Le Parisien Motta a perdu sa place de titulaire, tout comme le latéral droit napolitain Maggio, au profit même d'un gaucher (Balzaretti) ! Di Natale a bien remplacé Balotelli lors du premier match, avec un but à la clé, mais n'a plus brillé depuis, gâchant même une grosse occasion contre l'Allemagne. Bref, pas sûr que si l'Italie était menée pour la première fois du tournoi, elle ait les moyens de retourner la tendance, vu qu'on ne l'a pas encore vue dans cette situation.

Voilà, j'espère vous avoir donné un maximum de clés ! Bon match, on en reparlera cette semaine !