jeudi 22 mai 2014

Vingt sur vingt

Bonjour chers lecteurs !

Revenons sur cette saison de Ligue 1 qui vient de se terminer, en le faisant club par club, en descendant le classement final.

1er : Paris-SG : le désormais double champion de France a battu tous les records : plus grand nombre de points de l'Histoire, à trois ou à deux points (89 et 62), de victoires (27), plus grand pourcentage de succès depuis 1970 (71,1), meilleure attaque depuis 1971 (84), meilleur goal-average depuis 1960 (+63)... bref, une performance d'une autre époque, dans un championnat habitué à des débats plus âpres, plus serrés, y compris pour ses champions, qui s'y baladent rarement. Implacable à domicile (9 points de perdus, 51 buts pour, 7 contre), le PSG compte également dans ses rangs le premier joueur ayant signé deux fois au moins 25 buts depuis un autre Parisien, Carlos Bianchi (en 77 et 78, 37 et 37). Reste à savoir à présent si les méfaits du fair-play financier, d'une part, et de l'émergence d'un Monaco désormais européen, de l'autre, ne va pas faire vaciller son trône.

2e : Monaco : Si le PSG ne compte que neuf points d'avance sur son dauphin, c'est parce que ce dernier, promu, est le meilleur deuxième de l'Histoire. Avec son parcours et sa cadence, l'ASM aurait fait au moins aussi bien que 58 % des champions de France, et que 10 des 12 derniers ! Avec 80 points, elle fait moins que le PSG de l'an passé (83) et Montpellier en 2012 (82) mais mieux que Lille 2011 (76), Marseille 2010 (78), Lyon 2008 (78) et aussi bien que Bordeaux 2009... pas mal pour une équipe qui comptait parmi ses titulaires réguliers plusieurs joueurs qui évoluaient en Ligue 2 l'an passé (Subasic, Raggi, Kurzawa, Obbadi,
Rivière, Germain, sans parler de Ferreira Carrasco et Ocampos). Meilleure équipe du dernier quart d'heure, Monaco n'a jamais perdu après avoir ouvert le score, et peut donc être fier de son retour en Ligue 1. Dommage que Ranieri ne profite pas de cette réussite...

3e : Lille : Après les années Garcia, qui avait mis fin notamment aux années Halilhodzic et son football minimaliste mais efficace, en proposant du jeu, une attaque de qualité et un style séduisant, on a assisté, avec Girard, au retour du jeu réaliste et froid, avec toujours le même résultat en Ligue 1 : le succès. Qui attendait le LOSC cette saison, ce dernier ayant notamment perdu son meilleur joueur l'été dernier (Payet) après avoir raté l'Europe ? Et pourtant, Lille est là, qualifié pour le tour préliminaire de Ligue des Champions, et ce en signant la... 9e attaque (46 buts) et, logiquement, la 2e défense (26). S'appuyant sur une défense très performante, où Enyeama et la charnière Basa-Kjaer ont particulièrement brillé, un milieu accrocheur et une attaque où Kalou (16 buts, 5 passes) a tout fait, ou presque, et où Roux (9 buts, 5 passes) a patiné mais où Origi (5 buts) s'est révélé, Lille signe le troisième meilleure total de son histoire (71 points) et s'invite pour la 6e fois en C1 depuis 2001.

4e : Saint-Étienne : les Verts progressent d'années en années, lentement mais sûrement. 17e en 2010, 10e en 2011, 7e en 2012, 5e l'an passé... cette fois, l'exploit était tout prêt, puisqu'ils échouent à deux petits points (et une meilleure différence de buts) de Lille. Offrant souvent un spectacle de qualité, avec en défense un Bayal de retour au haut niveau et un Perrin impérial, mais aussi l'apport depuis janvier de l'excellent Trémoulinas, la saison énorme au milieu de Lemoine et la bonne saison en attaque de Erding, qui prouve à quel point il peut être un bon buteur quand il est en confiance (1 but toutes les 167 minutes, mieux que Gignac, Gomis, Aboubakar, Ben Yedder, Lacazette, Kalou...), l'ASSE signe la 3e attaque (56) et la 4e défense (34) et le 3e bilan retour (36 pts). Prochaine étape, le podium ?

5e : Lyon : Non qualifié pour la C1 pour la 2e fois en trois saisons, l'OL, qui signe son plus petit total de points (61) depuis 2000, voit pourtant les médias considérer que sa saison est réussie. Il est vrai que Lyon a encore du vendre des joueurs importants (Bastos, Lisandro, Lovren, Réveillère...), ne recrutant finalement qu'un joueur majeur, Bédimo, deuxième passeur du championnat (9), et s'appuyant encore plus qu'à l'accoutumée sur les jeunes. Avec des réussites diverses : Ferri ou Tolisso ont plutôt brillé, mais on a moins vu Fekir ou Benzia... si Lyon a pu s'appuyer sur un duo d'attaque très performant (Lacazette 15, Gomis, 14), il n'a pu que brièvement compter sur un Gourcuff qui a pu pourtant montrer, quand il jouait, qu'il restait un joueur d'exception. Au final l'OL se garantie un été à disputer des tours préliminaires improbables en C3. Bon courage !

6e : Marseille : Premier non-européen pour un petit point, pour la première fois depuis 2007, Marseille était pourtant le seul club du haut de tableau, en dehors bien sûr du duo de tête, à s'être renforcé, notamment sur le plan offensif (Thauvin, Payet, Khalifa...). Dauphin du PSG l'an passé, il est pourtant celui termine dernier du six majeur... paradoxe de la Ligue 1, où les investissements couteux ne garantissent pas toujours le succès. Marseille, comme Paris il y a une quinzaine d'années avec la génération Luccin, Dalmat ou Anelka, a misé sur de jeunes loups talentueux mais inexpérimenté (Thauvin, Imbula, Mendy), et l'a payé très cher, à tous les niveaux. Évidemment, changer d'entraîneur n'a rien changé. Six fois défait dans un Vélodrome terriblement hostile, Marseille s'est montré plus consistant à l'extérieur (4 défaites, 6 succès), en plus de l'excellente saison de Gignac (16 buts). Comme quoi, il y avait le potentiel. L'année prochaine, sans Coupe d'Europe, peut être morose comme elle peut être celle de la renaissance.

7e : Bordeaux : Étrange saison de Bordeaux, qui a semblé accabler ses supporters par la pauvreté de son jeu mais qui n'a cessé de naviguer non loin de l'Europe. Septième, c'est d'ailleurs la place que le club girondin semble s'être octroyé, puisqu'il y a terminé l'an passé et en 2011. Pourtant, Bordeaux ne peux pas avoir honte de ses chiffres, lui qui est loin de rouler sur l'or : 6e attaque (49), il a pu compter sur un excellent Diabaté (12 buts, un toutes les 140 minutes), sur un Jussiê renaissant (9 buts !) et un Sertic influent au milieu. On est très loin du Bordeaux 2009, c'est souvent ennuyeux et très inconstant, mais avec cet effectif moyen les Girondins ne sont pas loin des places d'honneur. Une des surprises en 2015 ? Possible.

8e : Lorient : Figurant dans le haut du tableau malgré un bilan négatif (13 succès, 15 défaites), Lorient a pourtant réussi une nouvelle saison miracle, se maintenant sans aucun problème au sein d'une élite où il fait toujours figure d'anomalie financière et structurelle, même si c'est désormais un visage familier de Ligue 1 (10 saisons depuis 1998). Huitième, comme l'an passé, Lorient a encore joué son rôle de révélateur de buteur. Après avoir révélé Gameiro et réveillé Aliadière, moins présent cette saison (8 buts), Gourcuff, pour sa dernière saison, a littéralement transcendé Aboubakar (16), qui n'avait jamais dépassé les 6 buts avec Valenciennes... Notons la révélation Guerreiro, en latéral gauche offensif, le réveil de Coutadeur et la confirmation Jouffre. Espérons que le prochain entraîneur soit aussi inspiré que son illustre prédécesseur...

9e : Toulouse : Éternel résident du ventre mou (8e en 2011 et 2012, 10e l'an passé), malgré un potentiel qu'on devine intéressant, le TFC, seule équipe avec Ajaccio a évoluer à trois derrière - voire à cinq - a tenté de jouer plus que d'habitude, sans que ça change quoique ce soit, si ce n'est qu'il a encaissé plus de buts que d'habitude (14e défense avec 53 buts) et s'est montré médiocre à domicile (17e bilan avec 24 points). C'est d'ailleurs la seule équipe à avoir pris plus de points à l'extérieur (25). Pourtant, Ben Yedder a encore amélioré son score de buts (16), bien aidé par Braithwaite, parfait adjoint en attaque (7 buts, 7 passes), et Aurier a confirmé qu'il était probablement déjà un des meilleurs latéraux d'Europe, et pas seulement grâce à ses stats offensives (6 buts, 6 passes). Mais si, niveau recrues, Spajic a convaincu en défense, c'est moins le cas de Trejo, voire d'Aguilar et Chantôme. Il va falloir encore attendre avant de voir le TFC s'incruster en Europe.

10e : Bastia : c'est peut-être l'équipe dont on a le moins entendu parler cette saison. Pourtant il y a figurait trois internationaux français (Landreau, Squillaci, Cissé) et d'autres joueurs de qualité (Romaric, Krasic...). Le premier s'est imposé, notamment en défense, le second s'est vite éteint après de bons débuts. Le Sporting a été fidèle à lui-même : 5e à domicile et 17e à l'extérieur, avec une attaque finalement moyenne (42) et une défense gruyère (58). Mais Bastia n'a jamais été en danger, et a pu compter sur les buts de Bruno (8) et Raspentino (5), plutôt que sur ceux de Cissé (3) ou les passes d'un Boudebouz moyen. Le successeur de Hantz trouvera un club bien ancré en Ligue 1.

11e : Reims : Longtemps aux portes de l'Europe, le Stade a plongé en 2014. 8e à deux points du 4e à la trêve, l'ex promu termine 11e à 21 points de l'ASSE... en raison d'une phase retour désastreuse (17e bilan avec 19 points, 5 succès pour 10 défaites). Meilleur buteur du club l'an passé (9), Courtet n'a pas marqué une fois. Dommage, parce que cette saison rémoise s'annonçait séduisante, avec un Krychowiak encore convainquant et un Oniangue qui a parfaitement dépassé sa fonction de milieu défensif (10 buts). La perte d'Hubert Fournier, en partance pour son club formateur, Lyon, sera difficile à encaisser. Il faudra que Reims se montre plus régulier à l'avenir.

12e : Rennes : Paradoxale saison pour les Bretons, qui font aussi bien que l'an passé (46 points), qui ont atteint la finale de la Coupe de France, un an après celle de la Coupe de la Ligue, et qui signent le 8e parcours des matches retours grâce à un mercato hivernal réussi (Toivonen, Ntep) mais qui ont semblé nager toute la saison dans la crise. Il faut dire que le maintien n'a été assuré que quelques journées avant la fin, qu'on attendait plus sur le plan du jeu de la part du meilleur entraîneur de la Liga 2012-13, Philippe Montanier, et que la nouvelle défaite contre Guingamp au Stade de France a fait très mal. Pourtant l'effectif rennais est séduisant, et si Montanier parvient à appliquer ses idées, et si Ntep confirme son talent, Rennes peut signer une grande saison l'an prochain.

13e : Nantes : Comme Reims, le FCN semblait parti pour naviguer dans les eaux du haut du tableau avant de fléchir sérieusement après la trêve (15e). Un parcours typique pour un promu, mais qui a quand même permit aux Canaris, dotés pourtant d'un effectif peu renforcé l'été dernier, et qui ne le sera pas cet été à cause des sanctions suite à l'affaire Bangoura, de se maintenir sans trembler. Seul Vizcarrondo s'est ajouté, avec bonheur, en défense centrale, bien aidé par un excellent Djilobodji. En attaque, Gakpe a signé une grosse fin de saison et termine deuxième buteur du club (8 buts) derrière un Djordjevic qu'on n'a pas vu après la trêve (10 buts, 2 en 2014) et qui quitte le club fâché. Entre l'affaire du match contre Bastia perdu sur tapis vert et l'interdiction de recrutement, Nantes n'a pas vécu un retour apaisé. Mais réussi quand même.

14e : Evian-T-G : Le succès final à Sochaux (0-3) a non seulement sauvé le club savoyard de la relégation, il lui a aussi permit de signer in extremis son meilleur classement depuis début novembre... 17e sans interruption entre mi janvier et fin mars et jusqu'à l'avant-dernière journée, l'ETG, 16e l'an passé, a encore une fois énormément souffert pour garantir son maintien, avec succès. Il est pourtant le seul club à avoir battu le PSG (2-0) et Monaco (1-0) au Parc des Sports d'Annecy... ce qui l'a sans doute sauvé. La grande saison
de Wass (9 buts) et de Bérigaud (10) y a également contribué, ces deux joueurs étant partant cet été... A noter que Evian, lui aussi, a réussi sa phase retour (10e, mieux que Bordeaux...), pas seulement Sochaux...

15e : Montpellier : Le titre de 2012 semble si loin. Il reste pourtant quelques champions dans l'effectif héraultais (Jourdren, Hilton, Stambouli, Cabella, Camara, Montano...) mais ça s'est rarement vu cette saison. Seul Cabella s'est montré plus fort que jamais (14 buts), s'approchant ainsi sérieusement des Bleus. Mais les 18 nuls signés sont rédhibitoires dans un championnat à la victoire à trois points. Quand Jean Fernandez a été viré, le club était 17e. Courbis, son successeur, a certes sauvé le club mais n'a pas vraiment transcendé cette équipe parfois sans réaction et inquiétante défensivement (53 buts), même si elle termine 9e des matches retours. Les départs de Cabella et Stambouli ne seront également pas simples à combler.

16e : Guingamp : Le vainqueur de la Coupe de France est également le troisième promu à se maintenir, une rareté. Cinquième en novembre, le club breton a lui aussi plongé après la trêve, et termine même relégable sur les matches retours (18e). 19e attaque (34) mais 6e défense (42), l'En Avant n'a pas forcément fait le spectacle cette saison, mais en avait-il les moyens ? Surtout sur une pelouse indigne du monde professionnel. Sa défense, notamment sa charnière Kerbrat-Sorbon, a fait le boulot, tout comme Sankharé et Mathis au milieu. En attaque, Yatabaré, après une première expérience médiocre à Boulogne, s'est enfin imposé en Ligue 1 (11 buts), bien aidé par un Beauvue aérien (5 buts dont 4 de la tête). Comme pour tout promu, la deuxième saison s'annonce difficile, surtout si Gourvennec s'en va...

17e : Nice : C'est peu dire qu'on n'attendait pas les Aiglons aussi bas, après leur 4e place de l'an passé et la livraison de leur nouveau stade. Sauvés de deux petits points, Nice, pire attaque de Ligue 1 (30, 7 de moins qu'Ajaccio !) a vu la baudruche Cvitanich se dégonfler complètement (8 buts, 1 en 2014) et les jeunes Bosetti (5) et Maupay (2) ont eu du mal à le suppléer. Malgré les bonnes saisons en défense d'Ospina, Bodmer et Kolodziejczak, l'animation offensive a été désastreuse, elle qui avait tant séduit la saison dernière. Mais Eysseric, Bauthéac et consort ont vraiment déçu. Puel, qui a fait jouer ses deux fils cette saison (Grégoire et Paulin) a vraiment du travail.

18e : Sochaux : Premier relégué, et peut-être le plus cruel. Le FCSM, 66 saisons de Ligue 1 au compteur, ne comptait que 11 points à la trêve. Il en compte 40 cinq mois plus tard, mais cette phase retour phénoménale (7e, 8 succès, 6 défaites) n'a pas suffit. Les recrues hivernales, Sunzu, Marange ou Ayew, ont apporté mais la montagne était vraiment trop haute. Pourtant, Sochaux avait les moyens de le faire face à Evian, après avoir tenu en échec le PSG (1-1) et s'être imposé à Reims (0-1) et Rennes (1-2) pour s'offrir cette finale inespérée. Mais les Savoyards ont été plus forts mentalement. Tant d'efforts vains... difficile à encaisser. On espère maintenant voir Sochaux remonter très vite.

19e : Valenciennes : Le club nordiste a également cru que l'expérience d'Ariel Jacobs, arrivé cet hiver, et les buts de Waris (9) allaient lui permettre de créer l'exploit et de se maintenir. Mais les sept défaites consécutives qui ont conclu cette saison ont scellé le sort du VAFC, de retour en Ligue 2 après huit saisons consécutives dans l'élite... un match a fait très mal, face à Ajaccio (2-3), alors que les Nordistes menaient 2-1 à quelques minutes de la fin et qu'ils s'apprêtaient à sortir de la zone rouge. Ils ne s'en sont jamais remis. 18e attaque (37), mais surtout 19e défense (65), VA a montré trop de faiblesses cette saison, entre inexpérience et insuffisances techniques. Hormis Waris, seuls le milieu Doumbia et le défenseur Masuaku ont montré quelques qualités. Espérons que Valenciennes se remette vite de cette saison ratée.

20e : AC Ajaccio : Il fallait bien que ça arrive. Maintenu sur le fil tous les ans, le club corse a cette fois bel et bien plongé. Pire dernier de la décennie à la trêve (9 points), l'ACA, débarrassé cet hiver de son entraîneur, Ravanelli, et de quelques poids morts peu concernés, notamment Mutu, a fait un peu mieux en 2014 (14), mais pas beaucoup mieux. Malgré les 8 buts du jeune Junior Tallo, prêté par Rome, l'ACA signe la pire défense du championnat (72 !), malgré ses cinq défenseurs régulièrement alignés. Qui se souvient encore du match nul obtenu au Parc des Princes (1-1) lors de la deuxième journée, grâce à un but stratosphérique de Pedretti ? Christian Bracconi a fait ce qu'il a pu mais Ajaccio prépare déjà la saison prochaine depuis six mois. En Ligue 2.

Je vous laisse, à plus tard !

vendredi 16 mai 2014

Une liste sans relief

Salut à tous,

Si vous le voulez bien, analysons un peu cette 19e liste éditée par un sélectionneur (ou un comité de sélection, avant les années 70), depuis 1954. Vingt-trois noms, 22 jusqu'à l'Euro 2000, 20 pour l'Euro à cette époque... je crois que le chiffre 23 restera, il est parfait, chaque poste est doublé, et celui des gardiens, triplé. On ne sait jamais.

Une liste gentillette

Justement, commençons par les gardiens, et sur ce point là, espérons qu'Hugo Lloris ne connaisse aucun pépin d'ici le mois de juillet. Parce que si la France doit s'appuyer sur un Mandanda cataclysmique cette saison, et qui aurait du depuis un moment être devancé par le Stéphanois Ruffier, incroyablement relégué en "réserve", voire un Landreau qui est plus là en tant que médiateur de vestiaire que comme véritable alternative à ce poste pourtant capital de gardien, on peut déjà faire une croix sur une performance des Bleus durant ce Mondial.

C'est le reproche que je ferais à cette liste un peu trop consensuelle à mon goût : on a le sentiment que le critère sportif est plus considéré comme un arbitre de dernier recours, une variable d'ajustement, que comme une véritable condition pour y figurer. Je m'explique : préférer prendre Landreau parce qu'il est un parfait relais de Deschamps dans le vestiaire, presque son double, plutôt qu'un Ruffier qui rassurerait pourtant beaucoup de monde, y compris sa défense, de part le fait qu'il est extrêmement fiable, contrairement aux deux remplaçants de Lloris, qui sont connus pour leurs boulettes quasi mensuelles. Le Stéphanois est un monstre de compétition, et ne fait jamais d'erreur, tout simplement. Même Lloris, qui reste un phénomène, ne peut se targuer de ne jamais craquer à l'occasion. Mais Ruffier n'a pas la carte. Il jouerait à Marseille, la cause serait entendue. L'effet de loupe accompagnant perpétuellement le club phocéen a encore frappé.

Et pas que pour Mandanda, pour Valbuena aussi. En temps normal, dans une liste normale, que ferait un milieu offensif auteur de 3 buts et 6 passes décisives en championnat, dont quatre dans le jeu, dans la liste d'un grand pays de football ? C'est le problème : on n'est pas un grand pays de football. Un bon pays de football, oui, mais pas un grand, sinon Valbuena ne serait même pas dans la liste des réservistes. Certes, le contenu de ses matches en sélection a été bon récemment, sans être extraordinaire (cinq buts en quatre ans, dont trois depuis un an et demi, cinq passes décisives cette saison). Mais en Ligue des Champions, il n'a pas existé, ni dans ses stats (0 action décisive) ni dans le contenu. Et le fait qu'aucun bon club européen ne se soit jamais intéressé à son profil, même depuis qu'il est international, depuis 2010, est forcément parlant. Si la France est championne du monde, ou même demi-finaliste, avec un meneur de jeu aussi peu côté et aussi terne, ce sera forcément parce que les grandes nations auront déçu. Sinon, ce serait une anomalie.

L'anomalie Nasri

Pourtant, on a des solutions. Pas autant que l'Allemagne ou l'Argentine, mais offensivement on a des joueurs. Sans même parler de Cabella, pourtant extrêmement performant (14 buts, 5 passes avec Montpellier) mais dont l'inexpérience internationale est rédhibitoire à ce niveau, ce qui est d'ailleurs le cas de Griezmann, qui lui est sélectionné, on avait Nasri, vous le voyiez arriver. Nasri dont on pourrait dire qu'il est l'exact opposé de Valbuena, dans le sens où il est performant en club (7 buts, 8 passes), mais qu'il est indigent en sélection. C'est vrai, il l'a souvent été, un peu trop pour un joueur de ce niveau. Mais lui est consistant en Ligue des Champions (1 but, 4 passes) et surtout, dire qu'il n'a jamais été intéressant en Bleu est faux. Rappelons que c'est lui qui qualifie les Bleus pour l'Euro 2012 en inscrivant un penalty capital contre la Bosnie, puis qui égalise contre l'Angleterre durant l'Euro, d'une belle frappe de 20 mètres (1-1). C'est également lui qui donne l'avantage à la France en Biélorussie, lors d'un match capital encore une fois pour les Bleus pour la qualif du présent Mondial (2-4). Alors oui, il s'est planté en Ukraine, mais était-il le seul ?

Apparemment son comportement n'est pas bon. C'est drôle parce qu'à son époque marseillaise, les médias le présentaient comme le gendre idéal, l'exemple parfait du gamin issu de l'immigration et des quartiers difficiles mais qui a la tête sur les épaules et un mental impeccable. Suffit qu'il ait pris la place d'Henry dans le bus et hop, une réputation foutue en l'air. Étrangement, il semble payer Knysna, alors qu'il n'était pas présent en Afrique du Sud. Mais dans l'imaginaire des gens, Knysna est le symbole du problème de l'intégration dans ce pays, alors que justement les leaders de la révolte sud-africaine, hormis Evra, n'ont pas d'origines étrangères : Ribéry, Toulalan, Abidal, sans parler d'Anelka, qui était déjà parti... mais forcément Nasri devait en être, c'est un gars des cités et cette rébellion était un truc de racailles, alors allez hop, mélangeons tout... à noter que Benzema non plus n'était pas à Knysna. D'ailleurs il n'y avait aucun Maghrebin... sacré Raymond.

D'après les détracteurs de Nasri, qui sont majoritaires à la rédaction de l'Equipe, ce qui explique à quel point son éviction n'a soulevé que peu de commentaires dans leur torchon, le problème se serait plutôt déroulé à l'Euro 2012. Ce qui n'a pas empêché Deschamps de le prendre ensuite, on l'a vu, et parfois même avec bonheur. Le problème, au fond, c'est qu'il a sale caractère. Un peu comme tous les grands joueurs en fait. Ribéry aussi a un sale caractère, Platini en avait un, Cruyff était une teigne, Beckenbauer était un con... c'est souvent ça les grands joueurs, ils ont forcément un égo surdimensionné, c'est logique. Je ne dirais pas que Nasri vaut tous ces joueurs... s'il avait été plus performant en Bleu, je pense que ses problèmes de comportement (terme à la mode dès qu'il s'agit de parler de foot et que je déteste, comme si seuls, parmi les gens aisés, les footeux devaient être irréprochables sur le comportement, et pas les acteurs, les chanteurs... ) passeraient au second plan.Il n'a surtout jamais fait de cadeaux aux journalistes, et ça ces derniers n'hésitent jamais à le faire payer.

Qui à sa place ?

Mais je crois que cet argument passerait si on avait des solutions de rechange. Que va-t-on présenter au Mondial comme alternative à Nasri ? Valbuena ? Griezmann ? Rémy ? Soyons sérieux. On n'a aucun joueur de ce calibre en magasin. Si on était l'Argentine, et qu'on avait le choix entre Higuain et Tévez, l'exclusion d'un de ces deux joueurs s'expliquerait. Mais là, on n'a pas vraiment le choix. Enfin, normalement. Du coup, Deschamps choisit de se priver d'un joueur majeur de l'un des deux meilleurs championnats du monde uniquement pour faire plaisir aux donneurs de leçons morales qui sont tellement légions en France aujourd'hui. C'est plus une liste des 23, c'est une convocation aux Petits Chanteurs à la Croix de Bois. Dehors les caractères forts, bienvenus les moutons qui sauront sans problème se satisfaire d'une place de remplaçant. A noter que Prandelli, le sélectionneur italien qui a lui aussi mis les questions comportementales au-dessus de tout, prend quand même Balotelli, qui traîne pourtant une liste de conneries longue comme le bras, et qui a un état d'esprit déplorable. Mais Balotelli est un grand joueur, et Prandelli a su le gérer. Peut-être que Deschamps devrait essayer de gérer les joueurs au sale caractère, au lieu de les expurger de ses listes, au risque de faire de son équipe un groupe vraiment moyen. Et en se débarrassant ainsi opportunément de futurs problèmes relationnels, qui sont pourtant fréquents dans n'importe quel groupe de sportifs de haut-niveau.

On a une équipe type correcte, encore que je l'imagine mal mettre à mal de grandes sélections comme l'Espagne ou l'Allemagne, sans parler du Brésil. Mais le banc des remplaçants fait vraiment peur à voir. Evra est inquiétant ? Son remplaçant, Digne, l'est également au PSG. Varane et Sakho sont jeunes ? Koscielny a concédé un nombre incalculable de penalties cette saison, et Mangala a fini troisième du championnat du Portugal. Le point fort des Bleus est au milieu, avec Pogba, Matuidi et Cabaye. Qui peut-on aligner en cas de coup dur ? Mavuba, Grenier, Sissoko... sans commentaire. Enfin, on a vu qu'en attaque les solutions font peur à voir, y compris Giroud pour Benzema. Malgré de bons résultats récents, on n'a pas un réservoir de grands joueurs énorme, loin de là, surtout quand on en vire certains parce qu'ils sont pas gentils. Au final, on a une liste très moyenne, avec des joueurs sélectionnés quasiment par défaut. Grenier ? Il n'a pas mis un pied devant l'autre depuis la trêve. Sissoko est une escroquerie, surtout quand Deschamps l'aligne sur le côté... non vraiment, il faut espérer que les blessures ne s'accumuleront pas. Et qu'elles frapperont plutôt nos adversaires...

A plus tard !