samedi 30 novembre 2013

L'inaltérable Ryan Giggs

Salut à tous,

Ryan Giggs a eu 40 ans hier. Quarante ans ! C'est pas dur, c'est un des rares footballeurs en activité plus âgés que votre serviteur, c'est dire. Revenons sur un cas atypique au plus haut niveau... et encore compétitif.

L'ailier devenu patron

Si Giggs me touche autant, c'est déjà parce qu'il a commencé à jouer un peu après que je commence à m'intéresser au football. Moi c'était à l'automne 1990, lui début 1991, à 17 ans. Et c'était à Manchester United, évidemment, son seul et unique club, pour qui il a joué la bagatelle de 953 matches, série en cours. Il a traversé les époques, connu Eric Cantona puis David Beckham et Ronaldo avant Rooney, l'arrêt Bosman et même le rachat - insupportable pour une partie des supporters historiques de United - du club par un milliardaire américain, qui n'a pourtant pas franchement changé le visage et le quotidien d'un ManU qui côtoyait déjà les sommets avant lui sans dépenser plus qu'il ne gagnait. Il a un peu reculé sur le terrain, mouvement logique pour un joueur de son âge, à l'image d'un Matthaus terminant
sa carrière au poste de libero. Lui est cependant resté au milieu, se recentrant dans l'axe. Ancien ailier virevoltant, il aurait pu terminer latéral, par exemple. Mais les duels du milieu de terrain lui auraient trop manqué, et son sens du jeu lui permet de rester compétitif à un bon niveau.

A part ses tempes et sa barbe grisonnantes, quand on le voit évoluer sur le terrain, on n'a pas vraiment le sentiment qu'il n'a débuté à United qu'un peu plus de trois ans après l'arrivée de son mentor, Alex Ferguson. Il aurait pu se lasser après les 13 championnats, les quatre Cups, les quatre League Cups ou les deux Ligues des Champions glanés, mais non, il court toujours comme un lapin. Bon, âgé le lapin, mais quand même... A chaque saison, on se dit que ce sera sûrement la dernière... mais non, il est toujours là, battant l'été dernier son vieux compère Paul Scholes, jeune retraité qui s'était arrêté une première fois en 2011 avant de vite revenir en janvier 2012, à 37 ans.

Pourtant, il n'est pas le recordman en Angleterre : depuis 1992, trois joueurs ont fait mieux que lui. Il rejoindra Teddy Sheringham dans 271 jours (la saison prochaine, quoi) et Gordon Strachan dans 81 jours. Quant à Kevin Phillips, l'attaquant de Crystal Palace... bah il joue toujours, à 40 ans et 89 jours. Ailleurs, Alessandro Del Piero joue toujours, en Australie, à 39 ans, tout comme Javier Zanetti (40 ans), à l'Inter Milan. On se souviendra également de Dino Zoff qui gagnait une Coupe du Monde à 42 ans, en 1982, et plus loin encore de Sir Stanley Matthews, qui jouait encore en première division, avec Stoke City, en 1965, à l'âge de 50 ans. Pas mal pour un ailier, huit ans après avoir arrêté sa carrière internationale...

A propos de ces joueurs attachés à leurs couleurs comme des huitres à leur bouchot qu'ils sont des exemples, que c'est incroyable de toujours rester dans le même club à l'heure des mercatos animés et des sommes folles dépensés. C'est en partie vrai, mais il ne faut pas oublier un détail : il est quand même plus "facile" de souhaiter rester jouer dans un immense club comme United pour ces deux là, le Real pour Raul ou Casillas, la Juve pour Del Piero ou Milan pour Maldini que lorsque vous avez été formé à Valenciennes ou Southampton, avec tout le respect qu'on doit à ces clubs. Rudy Mater, lui, il a du courage. Giggs, de la persévérance et un physique et un professionnalisme sans faille.

Un Manchester anglophone

Lors de sa première saison à Manchester, en 1990-91, il côtoiera des joueurs littéralement d'un autre temps comme Jim Leighton, le mythique gardien de la sélection écossaise (82-98 !), le colossal Steve Bruce, qui marquera 19 buts cette saison là de son poste de stoppeur, dont 10 penalties, Viv Anderson, officiellement le premier joueur noir à jouer en sélection anglaise, de 1978 à 1988, l'immense Bryan Robson, 90 sélections de 1980 à 1991 et qui s'arrêtera à 39 ans et 355 jours, et bien sur l'ailier écossais Brian McClair ou le buteur gallois Mark Hughes, ces deux là inscrivant chacun 21 buts toutes compétitions confondues. Une véritable équipe britannique, avec un seul non anglophone dans son effectif (l'ailier droit russe Kanchelskis, 22 ans et un seul match joué cette saison là), rude au mal, agressive, avec des dents en moins et une technique assez rudimentaire, à part pour quelques uns, dont Giggs, et qui terminera cinquième du championnat derrière Arsenal, Liverpool, Crystal Palace et ... son voisin City, qui n'a donc pas toujours été ridicule vis à vis de United avant l'arrivée des Emirati.

Il débute le 2 mars 1991, entrant en jeu à la 35e minute d'un match contre Everton, à la place de Dennis Irwin. Un match perdu 0-2... on le revoit ensuite deux mois plus tard, le 4 mai, titulaire lors du derby contre City, justement, remporté (1-0) par United... sur un but de Giggs, à la 22e minute, d'une déviation au premier poteau sur un centre dévié de McClair. Y a pire pour un tel symbole du club de marquer son premier but contre le voisin honni, et lors de son deuxième match seulement... Les images font tellement vieilles qu'on a du mal à imaginer que le buteur de ce match évolue encore sous les mêmes couleurs... L'année suivante, celle qui voit l'arrivée de Peter Schmeichel en provenance de Bröndby - le fils du mythique gardien danois, Kasper, 27 ans, évolue en League One, à Leicester -, il joue 51 matches, à 18 ans, et marque 7 buts. La légende est lancée.


Il est l'aîné de cette génération de gamins lancés par Ferguson au début des années 1990 : Giggs débutait donc en 1991, Gary Neville, Nicky Butt et David Beckham en 1992, tandis que Cantona explosait en rouge, et Paul Scholes en 1994. Si Butt n'a pas confirmé son talent après avoir quitté le club en 2004, avec un passage à Newcastle avant de terminer en Chine, en 2011, Neville a lui aussi effectué toute sa carrière à MU, jusqu'en 2011, tandis que Beckham en terminait l'été dernier, sur un titre à Paris. Tous avaient entre 35 et 38 ans. L'air du nord anglais doit avoir du bon...

Bientôt 1000 matches avec ManU ?

Giggs, qui est également l'adjoint de David Moyes depuis cet été, c'est donc 1018 matches, sélection inclue, dont 953 avec Manchester, 666 en championnat, 159 en Coupe d'Europe (dont 148 en C1), 74 en Cup et 40 en League Cup, sans parler de ses... 14 Community Shields (9 succès). Il en est également à 182 buts, dont 114 en championnat, 30 au niveau européen, tous en Ligue des Champions, 12 en Cup et autant en League Cup, et 13 en 65 sélections. Dans ce domaine, il a eu des pics à 18 en 1994, ou 16 en 2003. Depuis, il n'a plus dépassé 9, mais en a quand même marqué 5 l'année passée...

Voyons un peu les duels avec les clubs français... la dernière fois, c'était en mars 2011, contre Marseille (victoire 2-1). Puis il faut remonter à un huitième de finale à Lyon, en 2008 (match nul 1-1, et qualification). La saison précédente, il y eut le fameux épisode du coup-franc qu'il marqua à Lille, en février 2007, toujours en huitièmes de finale (0-1), et que les Nordistes ne digérèrent pas vu qu'il n'avait pas attendu le coup de sifflet de l'arbitre pour frapper... en octobre 2005, un match nul (0-0), encore contre Lille, en phase de poule, à Old Trafford, puis un autre match nul, à Lyon, en septembre 2004 (2-2). Vous noterez qu'à chaque fois, Giggs ne joue qu'un des deux matches seulement... ce ne fut pas le cas contre Nantes, lors du double affrontement lors de la deuxième phase de poule 2001-02 (1-1, 5-1). Lors de la même saison, ManU avait affronté Lille au premier tour, et Giggs avait participé au match aller, victorieux (1-0) sur un but de Beckham. Il y eut aussi le double affrontement contre Bordeaux, en mars 2000, avec à la clé deux succès des Anglais (2-0, 2-1) avec un but de

Giggs à l'aller, à Old Trafford. Seule défaite de Giggs contre un club français ? A Marseille, en octobre 1999 (1-0). Bilan du Gallois contre les Français : 11 matches, 6 succès, 4 nuls, 1 défaite, et deux buts marqués.

Un lien entre deux époques

Le drame de Giggs est celui que vécu le Finlandais Jari Litmanen ou le Libérien George Weah, par exemple : celui d'évoluer dans une sélection trop juste pour se qualifier pour une grande compétition internationale, ce qui explique, par exemple, son si petit nombre de sélections (65), diluées entre 1991 et 2007, soit quatre par an en moyenne... le Pays de Galles qui n'a participé qu'à une seule Coupe du Monde, en 1958, avec d'ailleurs un quart de finale à la clé, et aucun championnat d'Europe. En sélection, Giggs a accumulé 22 succès, 16 nuls et 27 défaites. Un bilan un peu différent que celui qui est le sien en club. Il n'a ainsi perdu que 31 fois en 148 matches de Ligue des Champions...

Ce qu'il faut comprendre avec Giggs, c'est le lien qu'il crée entre deux époques différentes, et pas seulement par rapport à l'arrêt Bosman et à l'afflux de joueurs étrangers dans les effectifs anglais. Manchester a fait parti de ces grands clubs qui se sont métamorphosés dans les années 90, notamment en profitant pleinement de cette nouvelle donne, en 1996. Lorsque Giggs a débuté, on l'a vu, Manchester n'était qu'un bon club anglais, au passé glorieux mais ancien, qui n'avait plus été champion depuis 1967, gagnait certes la Coupe des Coupes en 1991 mais n'avait gagné qu'une seule Ligue des Champions, en 1968. Dans les années 70 et 80, une demi-douzaine de clubs le dominaient sur le plan domestique, notamment Liverpool, Nottingham Forrest ou Leeds, et le club avait même fréquenté l'étage inférieur en 1974-75. Depuis que Giggs est arrivé, Manchester a plus été champion (13 fois) que non champion (10) et n'a jamais quitté le podium (6 fois 2e), hormis lors de sa première année, riche de deux matches...

Bref, longue vie à Ryan Giggs... Je vous laisse, à plus tard !

jeudi 21 novembre 2013

La défaite des experts

Salut à tous,

Alors, on l'a fait ou pas ? Elle n'est pas là la qualification ? Félicitations à tous les croquemorts de l'Equipe de France, tous les Cassandres qui s'efforcent, depuis 36 heures, de retomber sur leurs pattes, en affirmant le plus sérieusement du monde que ce qu'ils ont dit tout le WE, et depuis plus de trois ans même, à propos de ces Bleus, était vérifié, qu'ils l'assumaient, mais qu'ils étaient heureux quand même. Que cette victoire pleine de volonté et de courage leur donnait raison, que c'était dans la tête des joueurs que ça se passait. Pendant plus de trois ans, ils ont poussé le peuple à détester leur équipe nationale, et aujourd'hui ils osent se présenter en amoureux de cette dernière ? Mais ils n'ont pas le droit de l'ouvrir. Ils devraient utiliser leur droit de silence, pour se faire oublier. Mais depuis mardi soir, on n'a jamais autant vu Pascal Praud à la télé. Comme quoi, que ce que vous disiez soit exact ou non, l'important c'est de dire quelque chose et de l'assumer, n'est-ce pas ? Admettre qu'on a eu tort, c'est quasiment signer son arrêt de mort médiatique. Et Praud aime trop passer à la télé pour ça.

Certains Français aiment leur équipe

Laissons ces tristes personnes dans leurs tours d'ivoire, voulez-vous. On a une qualification à savourer, une communion à faire fructifier. Dire que l’Équipe de France s'est réconciliée avec son public serait erroné : certes, les 80 000 spectateurs du Stade de France, dont votre serviteur, n'étaient pas là pour cracher leur haine, au contraire, ils étaient venus pour jouer
le rôle que tout spectateur de foot devrait avoir, celui de soutien, de 12e homme. Ils voulaient aller au Mondial, ils voulaient aussi montrer qu'ils ne faisaient pas partie des 80 % des gens qui souhaitaient - je dis bien souhaitaient - que la France n'aille pas au Brésil, qu'elle ne le méritait pas. Imaginez-vous un supporter de l'Angleterre souhaiter que son pays échoue ? En France, c'est possible. Non, ceux qui étaient là - et qui avaient acheté leur billet avant la match aller, il faut le reconnaître, et qui souhaitaient peut-être aussi que l'argent investi ne serve pas à rien - ont démontré qu'il restait encore des gens, en France, qui savent se comporter en supporter quand leur équipe en a besoin. C'est ça, un supporter. Ce n'est pas un consommateur, un opportuniste, qui lui tourne le dos dès que les vents deviennent contraires. Ce ne sont pas des Footix.
Ne soyons pas naïfs : à la première défaite, par exemple en mars contre les Pays-Bas, seul match amical programmé pour l'instant, les mêmes discours reviendront : la victoire contre l'Ukraine était chanceuse, cette équipe ne mérite pas d'aller au Brésil, on va être ridicule - si on tombe sur trois équipes du niveau des Pays-Bas, sûrement, mais ce ne sera pas le cas - et surtout, surtout, c'est la faute de Knysna. Dans 20 ans, on continuera de parler de Knysna sans savoir vraiment ce que ce terme étrange veut dire, mais ça fait vendre du papier, donc autant l'utiliser jusqu'à l'usure. Entretenir ce mythe, c'est garder sous le coude un argument comme quoi chaque défaite, chaque match moyen, est du à l'attitude des joueurs, leur manque d'envie, d'amour du maillot. Des arguments aux relents poujadistes et démagogiques,voire xénophobes, malgré le fait que la France ait été sauvée par des joueurs comme Sakho, Benzema, Pogba...

Sakho ce héros

Mais peu importe, au fond. Cette équipe a prouvé qu'elle avait de la qualité, même si rien n'est réglé. Une chose est sûre selon moi : il faudrait être aveugle pour penser qu'elle n'a pas trouvé une assise, un axe défensif extrêmement solide et performant, et je ne parle pas seulement de la charnière. Cette dernière est celle que j'ai trouvé la meilleure depuis très longtemps. Comment peut-on encore penser qu'un Koscielny vaut un Varane ? Ce dernier, qui n'était pas au top physiquement, a pourtant une nouvelle fois rendu une copie d'une très grande qualité, propre et sans la moindre erreur. Varane a-t-il seulement été mauvais une fois en Bleu ? Et combien de fois a-t-il été en difficulté au Real Madrid ? Avant ses blessures, il avait mis sur le banc des phénomènes comme Carvalho ou Pepe, excusez du peu. Et à gauche, comment a-t-on pu croire à la renaissance d'Abidal ? Pour qu'il y ait renaissance, il aurait fallu qu'il y ait naissance, mais le Monégasque n'a jamais été une référence au poste de défenseur central, notamment en Bleu. Alors à 34 ans, après deux ans d'absence pour maladie... ce qui rendait son retour en Bleu sympathique le dessert plus aujourd'hui qu'autre chose. Les belles histoires trouvent souvent leurs limites quand le niveau s'élève sérieusement.

A son poste, difficile de trouver mieux en France que Mamadou Sakho, je suis désolé. Et dire qu'il n'était plus apparu en Bleu depuis juin dernier, hormis sa mi-temps en octobre conte l'Australie... son statut de remplaçant au PSG - situation à la fois regrettable, au vu de son image de titi parisien formé au club, et logique, vue la concurrence - mais aussi, durant les premières semaines, à Liverpool, ont bien failli lui couter cher. Lui qui était titulaire indiscutable pour Deschamps avant cet été compliqué ne pouvait que reprendre sa place. L'avenir, c'est lui, on le savait depuis des années, durant lesquelles on avait tâtonné dans son secteur, même si Blanc avait tenté d'installer pendant deux ans la charnière Rami-Mexès. Mais quel défenseur, en France, rassemble autant de qualité de combattant, de puissance, de force ? Ce n'est pas un monstre technique, soit, même s'il ne me semble pas l'avoir vu rater une relance mardi soir, même les plus compliquées. Mais Desailly en était-il un ? Le grand Marcel aussi ne prenait pas de risque dans la relance, puisqu'il avait Blanc à ses côtés qui s'en chargeait. Mais c'était un monstre défensif qui ne laissait respirer aucun adversaire. Et Desailly s'est révélé plus tard au haut niveau que Sakho. Hormis le pied fort, ils ont beaucoup de points communs, selon moi.

Un trident redoutable

Il est également facile de bien défendre quand vous avez devant vous trois joueurs complémentaires, qui allient puissance défensive, pour deux d'entre eux, et potentiel offensif redoutable, pour les trois. L'abattage hallucinant de Matuidi, la puissance et la vista de Pogba, la technique et la science tactique de Cabaye forment presque le joueur parfait à eux trois. Comment a-t-on pu passer à côté de ce triumvirat ? Les autres joueurs de ce secteur reverront-ils un jour le ciel se découvrir pour eux, si ce n'est sur blessure ou suspension ?
Rappelons que ces trois là étaient suspendus pour le match en Géorgie... étrangement, Sissoko et Guilavogui n'avaient pas apporté la même stabilité, le même sens de la perforation. Ils y seraient peut-être parvenus s'ils avaient évolué avec un troisième joueur dans leur secteur, ce qui leur aurait permit de jouer plus haut et d'apporter des solutions offensives. Le 4-3-3 avait rarement marché avant mardi soir, mais désormais il apparaît comme le système idéal. Tout dépend aussi des joueurs qui l'animent...

C'est drôle parce que vendredi, avant le match, tous les "experts" étaient satisfaits de l'équipe alignée par Deschamps, avec Nasri devant Pogba et Matuidi, c'était pour eux un bon choix, puisque Valbuena était hors de forme, et surtout ça démontrait que Deschamps voulait attaquer, ne pas se contenter de défendre. Par la suite, la défaite venue, on a entendu les mêmes experts affirmer que Deschamps s'était planté dans les grandes largeurs, que cette défaite était la sienne... le jour où on verra un journaliste se dédire, là on pourra parler de véritable démocratie médiatique. La Presse n'a pas de contre-pouvoir pour la forcer à savoir se remettre en question quand elle s'est plantée, comme elle l'exige à propos des gens qu'elle ne cesse de juger, c'est le problème.

Benzema est enfin Benzema

Pour moi, le problème du milieu droit reste posé. J'ai vu toutes les notes positives que Valbuena a reçu, et elles ne sont pas imméritées. Mais elles auront quand même étonné beaucoup de spectateurs présents au stade, et qui ont râlé quand ils ont vu Valbuena continuellement se recentrer, dézonner, et ainsi ne pas offrir de solution à Debuchy, sur le plan offensif mais aussi défensif, puisque ce dernier a souvent du gérer Konoplyanka tout seul, ce qui lui a valu un carton et une sortie prématurée, pour éviter son expulsion. Sur ce match là, ça a marché, mais pas sûr que ça marchera à chaque fois, permettez moi d'en douter. Valbuena n'a pas réglé le problème du milieu droit parce qu'il n'a pas joué milieu droit. En revanche, quel excellent tireur de coups de pied arrêtés ! Il faut toujours un bon tireur dans une équipe, et avec lui et Ribéry, on est pas mal. Manque juste un gaucher... comme d'habitude.

Devant, Benzema a prouvé qu'il avait retrouvé la confiance qui le rend, selon moi, supérieur à un Olivier Giroud qui semble limité techniquement pour le haut niveau, selon moi, mais qui demeure une bonne solution de rechange en cours de match. Tant que Benzema, qui a des automatismes avec Ribéry, marque et se montre décisif, on ne peut pas le mettre sur le banc, même si ça ne fera pas plaisir aux amateurs de joueurs qui font joli - et Français de souche. De toutes façons, l’Équipe de France a besoin d'avoir des cadres qui assurent le job. Ribéry, qui est moins passé dans son couloir que d'habitude mais qui a fait expulser deux Ukrainiens, et a provoqué deux buts mardi soir, le fait régulièrement depuis deux ans. Si Benzema le fait aussi, on peut voir venir.

A plus tard !

mardi 19 novembre 2013

Battre l'Ukraine, mode d'emploi

Salut à tous,

Après ce match aller qui a mal tourné pour des Bleus pourtant plus présents dans le combat et l'envie que les médias veulent bien nous faire croire, mais qui ont craqué sur deux erreurs de défense et quelques détails, quelles sont leurs chances aujourd'hui, à quelques heures d'un match retour qui décidera de beaucoup de choses, que ce soit sportivement ou médiatiquement ? Si l'on s'en tient aux statistiques, aucunes : jamais une équipe menée de deux buts dans un barrage européen n'a réussi à remonter cet écart. Ça tombe bien, avant le traquenard de Kiev, jamais l'Ukraine n'avait battu la France... comme quoi, les trucs arrivent, parfois.

Des défenseurs qui doivent défendre

Quelles sont les solutions qui se présentent à elles, qui ne possède toujours pas de certitudes à une demi douzaine de postes ni sur le plan tactique ? La clé de tout, ce ne sera pas l'envie - qui était déjà là vendredi, et qui sera là ce soir, sinon on ne comprends plus rien - mais l'efficacité, et pas seulement dans les deux surfaces de réparation, même si c'est là que la France a failli vendredi, notamment dans la sienne. On savait que la charnière Koscielny-Abidal ne présentait pas toutes les garanties, on en a eu confirmation : le Gunner, qui n'est pas un défenseur né, a toujours du mal dès que le haut niveau se présente, et n'en est pas à son premier penalty provoqué, tandis qu'Abidal n'était déjà pas ce qui se faisait de mieux dans l'axe avant ses deux ans d'absence pour maladie, alors maintenant... sans parler de son âge. Même chose pour Debuchy, qui présente les lacunes classiques de l'ancien milieu
reconverti latéral, même si ça date maintenant : formidable centreur, il peine dans les duels, comme Evra. C'est le syndrome Van der Wiel, qui brille plus depuis que Paris a le ballon et qu'il peut quasiment évoluer ailier, tandis que Motta et les défenseurs font le boulot dans son dos. Debuchy et Evra n'ont pas cette chance, ils ont beaucoup plus de boulot défensif, surtout à l'extérieur, et ça se voit.

Si Sakho remplace Abidal et Varane, Koscielny, on peut penser que la France y gagnera dans le combat, au moins, même si on peut avoir des doutes sur le physique du Madrilène. On ne pourra pas suspecter Sakho de rechigner à la tâche défensive, il est en pleine forme avec Liverpool, et ça pourrait permettre à Evra de monter plus sereinement, et ainsi offrir plus de soutien à Ribéry, qui en a manqué à Kiev, puisque Evra devait s'occuper de Yarmolenko. Une chose est sûre, Deschamps va devoir se faire violence et prendre des risques, mais pas trop, sachant que les Ukrainiens n'attendront qu'une seule chose, comme à l'aller après l'ouverture du score : des espaces en contre, et on a vu qu'ils savaient y faire. Pas besoin de marquer très vite, du moment qu'on marque : si on en mets deux dans le premier quart d'heure, les Ukrainiens auront tout le temps pour mettre le but qui nous obligera à en mettre deux de plus... ce qu'il faut, c'est ne pas confondre audace avec témérité. Ne pas se jeter comme des dingues, à la fois tactiquement - ce qui offrirait des contres, donc - mais aussi dans l'engagement : il ne faudrait pas qu'on se retrouve prématurément à dix parce qu'un de nos joueurs aurait confondu le ballon avec la cheville d'un adversaire. Ne pas écouter la démagogie de Dugarry, qui souhaite voir des Bleus se jeter à la gorge des Ukrainiens : c'est une pratique interdite dans à peu près tous les sports, même de combat.

Un milieu qui se projette

Au milieu, la France n'a pas failli à Kiev, même si elle a semblé bousculée par l'engagement parfois excessif des hommes de Fomenko. On a compris pourquoi ces derniers prenaient tant de cartons... en cela, on nous a changé l'Ukraine romantique de Blokhine ou Shevchenko... Peut-être faudrait-il aligner trois milieux axiaux, comme le PSG, sans véritable meneur, avec Cabaye à la place de Nasri devant Pogba et Matuidi, de façon à ce que ces trois là puissent se projeter un peu plus, comme ils le font en club. A seulement deux défensifs, Pogba et Matuidi ne peuvent se permettre de prendre trop de risques sans que l'autre ne se retrouve isolé. Avec un joueur supplémentaire, Pogba et Matuidi, qui jouent relayeurs en club, ainsi que Cabaye, pourraient porter le surnombre dans la surface, ou au moins à ses abords, par la qualité de leurs frappes de balle. Après tout, c'est ce que font tous les milieux modernes : ils défendent, ils relancent, et ils marquent aussi, ils se projettent dans la surface. Comment voulez vous qu'un avant-centre, aussi doué soit-il, puisse s'en sortir seul dans une surface si personne vient le soutenir en phase offensive ?

Enfin, l'attaque. Ribéry a été parfaitement pris par deux, voire trois joueurs, vendredi. Il doit faire mieux, par exemple en se recentrant ou en permutant avec son partenaire évoluant à droite, mais il doit aussi avoir plus de soutien, de la part d'Evra, de Matuidi, de l'éventuel meneur, que sais-je. Le mouvement offensif ne doit pas être brouillon, mais il ne doit pas non plus être figé. A Paris, Cavani est ailier droit pour la forme, il ne cesse de revenir dans l'axe, tandis que Zlatan recule pour distribuer. A Barcelone, Messi joue-t-il vraiment
attaquant de pointe ? Bien sûr que non, il doit faire face au jeu pour briller, donc il part de loin, tandis que ses deux ailiers, Pedro, Sanchez ou Neymar, offrent des solutions dans l'axe ou étirent la défense en restant sur le côté. Ce qu'il faut, c'est semer la panique dans la lourde défense ukrainienne. Centrer ? Inutile, ils sont immenses et de toutes façons on ne sait pas centrer, malgré Debuchy. Il faut jouer au sol, redoubler de passes, écarter cette défense pour ensuite repasser par l'axe. Et être efficace devant le but.

Rater un Mondial, ça arrive

Ce qui pose problème, sur le plan mental, c'est que les Ukrainiens sont invaincus depuis 12 matches, et prennent très peu de buts. Hormis leurs deux ailiers ils manquent de génie, mais Zozulia, devant, a démontré qu'il ne fallait pas dénigrer sa vivacité. Et Edmar n'est pas un Brésilien de naissance par hasard. Bref, qualifier, comme l'Equipe ce matin, d'"humiliation" cette défaite de l'aller est définitivement la preuve que peu de gens s'y connaissent vraiment en football dans ce pays, y compris dans les rangs de ceux qui pensent tout savoir, à savoir les journalistes. Perdre contre la Chine, comme en 2010 avant le Mondial (0-1), oui c'est une humiliation, en Ukraine sur un coup de dé, non. Il s'agit des barrages, épreuve où normalement toutes les équipes se tiennent et ont brillé dans leurs qualifications, sinon elles ne seraient pas là. L'Ukraine qui a fourni à peu près tous ses grands joueurs à l'URSS, et qui possède des clubs qui, eux, gagnent des Coupes d'Europe. Croire que la France est suffisamment un pays de football pour regarder tous les autres de haut, hormis les très grands, c'est oublier les longues périodes de disette qui ont fait le lien entre les générations Kopa, Platini et Zidane.

Il faudra avoir la chance qu'on n'a pas eu vendredi, mais ça implique qu'on en ait pas et qu'on se fasse sortir. Rater une Coupe du Monde, c'est terrible, certains joueurs de l’Équipe de France n'ont même jamais vécu ça. Mais ça fait partie du jeu, de l'Histoire des Bleus, ça arrive. Et, même si je sais que je parle dans le vide, ça ne servira à rien de dresser un procès à ces joueurs qui n'auront eu qu'un tort : d'être tombé dans le groupe de l'Espagne, et de ne pas être une génération immense. Rien à voir avec les casques sur les oreilles, le manque de sourire, les coupes de cheveux moches ou leurs origines ethniques ou sociales. Ils ne sont pas mieux payés, plus méchants ou pédants ou détestables que ceux de 98, simplement ils gagnaient, eux. C'est le seul critère sur lequel ils doivent être jugés, tout en se disant que la défaite fait partie du jeu.

Allez je vous laisse, et allez les Bleus !

jeudi 14 novembre 2013

Des éliminations utiles

Salut à tous,

Dans quelques jours, à égale distance entre les deux matches de barrage entre l'Ukraine et la France, qualificatifs pour la prochaine Coupe du Monde brésilienne, on "fêtera" les 20 ans de France-Bulgarie. J'imagine déjà les petits fours, l'ovation faite au Stade de France à un Emil Kostadinov devenu chauve, une séance d'applaudissements à la 93e minute en hommage à son but... je ne plaisante qu'à moitié.

Kostadinov... pas si grave

Que ce serait-il passé si le tir fatidique du plus célèbre bulgare avec Stoïchkov et Sylvie Vartan avait ne serait-ce que percuté la barre - ce qu'il a fait d'ailleurs, avant de rentrer quand même, avec des poteaux carrés il ne serait pas rentré... on est vraiment maudit - ou raté le cadre ? Ou bien, en remontant le temps, si quelqu'un avait su l'intercepter avant, ou Penev, ou encore si Ginola avait su garder le ballon ? Et si Laurent Blanc n'avait pas été battu de la tête par Kostadinov sur l'égalisation sur corner ? Ou si Reynald Pédros, présent sur la ligne mais trop court sur ce ballon, avait fait 5 centimètres de plus ? Ou porté une crête façon Hamsik ? Ou si, simplement, on avait continué d'attaquer après la - belle - ouverture du score de Cantona, au lieu de vouloir gérer ce petit but face à une de nos bêtes noires historiques ? On n'a qu'à choisir...



On parle souvent d'un chambardement après ce qu'il faut bien appeler un naufrage, un changement total de joueurs, après celui de sélectionneur, Gérard Houiller, qui se rattrapera bien de ce ratage intégral à Liverpool et Lyon, et qui laissait sa place à son adjoint, Aimé Jacquet, qui n'était pas non plus un choix par défaut puisqu'il s'agissait quand même de l'entraîneur du grand Bordeaux des années 80. Forcément, la presse, connue pour son tempérament modéré et ses analyses pondérées, avait réclamé que tout le monde parte, etc. Faire table rase. Pourtant, ce n'était pas comme si on n'était pas habitué à ne pas disputer une Coupe du Monde... depuis la guerre, on en avait raté 6 sur 12, donc une sur deux... avec les qualifs pour l'Euro, systématiquement ratées entre 1960 et 1992 (!), le rapport est même négatif... la déception était intensifiée par la surprise de voir l'élimination d'une équipe qui maîtrisait son destin avant de recevoir deux fois, Israël puis la Bulgarie, avec pour objectif de prendre un petit point sur ces deux matches. Franchement, comment pouvait-elle se rater ? Et pourtant elle l'a fait, s'inclinant à chaque fois dans les arrêts de jeu (2-3 et 1-2), scenarii encore plus cruels. Un autre scenario, plus calme, plus clément, mais avec quand même l'élimination à la fin, n'aurait pas autant remué le monde du football : on aurait enregistré une nouvelle élimination, c'est tout. Pour la France, c'était une habitude. Depuis, on n'a plus raté un grand tournoi. Était-ce un mal pour un bien ?

Les mêmes en 98

Je le disais, on a parlé d'un chambardement mais sept joueurs présents sur la feuille de match ce 17 novembre 2013 allaient être champions du Monde quatre ans et demi plus tard, et d'Europe deux ans après (Petit, Deschamps, Desailly, Blanc, Lizarazu, Djorkaeff et Lama). Pourtant, après la Bulgarie, on ne voulait plus les voir, juré craché. Blanc était coupable sur le premier but
et sur le second en se faisant déborder par Kostadinov, sur lequel Petit était absent, Deschamps était insipide et Lama avait pris deux buts, imparables certes, mais quand même, virons le aussi. Les trois autres étaient de jeunes internationaux, laissons leur leur chance.

Lors du match suivant, le fameux amical à Naples contre l'Italie, les Bleus s'imposent (0-1) sur un but de Djorkaeff sur une passe de Ginola, l'honnis après son centre "assassin" contre les Bulgares. Où sont les autres ? Lama et Desailly sont là, Deschamps aussi, ainsi que Cantona ou Roche. Mais Jacquet innove, et fait appel à plusieurs jeunes inexpérimentés, qu'on croit être les successeurs de ces ratés qui ont manqué le Mondial, ceux qui parviendront à faire se relever le football français, par ailleurs empêtré dans l'affaire VA-OM. Pourtant, que sont devenus les Gnako, Cyprien ou Martins, qui ont débuté en Bleu ce jour là ? Ils ne sont pas devenus champions du Monde en tous cas, ça c'est sur, pas plus que Le Guen ou Guérin, ni Di Méco. On dit souvent que ce France-Bulgarie a permis de purger un peu cette équipe et de repartir de zéro, c'est en partie vrai. Mais au final, c'est grâce à plusieurs de ces joueurs là que la France a atteint le sommet mondial.

Pas de cassure

Tout comme maintenant, la France pourrait - je dis bien pourrait - se qualifier pour le Brésil avec Evra, Ribéry, Abidal... ces hontes de la France qui ne sont pas descendus du bus à Knysna. Comme quoi, les déclarations de mort internationales après les grands échecs des Bleus, réclamées par une presse toujours assoiffée de sang et amatrice de chutes de tête pour

avoir de quoi écrire, restent souvent lettres mortes. Sept joueurs éliminés par la Bulgarie toujours présents en Bleus quatre ans et demi plus tard ? Un taux de renouvellement somme toute assez habituel. Il n'y a pas eu de cassure nette, même si on a peu vu Deschamps (4 m.) en 94. Faute de successeurs potables, on est vite revenus aux valeurs sûres... un peu comme maintenant. Bien évidemment, si la France tombe contre l'Ukraine, comme elle en a l'habitude lors de ces matches piégeux, tout ça sera la faute de ceux qui auront permis le retour de ces fâcheux, à savoir Le Graet et ses deux sélectionneurs, Blanc et Deschamps. En revanche, si on passe... Ainsi va l'avis pusillanime des médias.

France-Bulgarie a été la première expérience de ce genre pour le football français. Et encore, ils n'ont pas eu à gérer l'effet Tweeter, qui permet à n'importe qui de déclarer n'importe quoi sur n'importe quel sujet, avis personnels se muant en opinion, ce qu'ont vécus les Bleus qui ont éliminé l'Irlande en barrage sur la main d'Henry et ceux qui sont restés dans le bus. On a l'impression qu'il n'y a pas eu d'élimination honteuse avant, ni de qualification honteuse d'ailleurs. Est-ce que la série en cours des Bleus, toujours présents en tournoi depuis 1996, est due aux conséquences de France-Bulgarie ? Pas dans le choix des joueurs en tous cas, puisque si la génération Cantona-Papin a disparu ensuite, c'est surtout à cause de l'âge, Papin résistant jusqu'en 1995 par exemple. C'était une équipe jeune, comme maintenant, ses cadres ne dépassant pas les 30 ans. Mais les tout justes trentenaires, comme Papin ou Sauzée, n'ont pas enchaîné ensuite. Que les jeunes succèdent aux vieux, c'est la logique de toutes les équipes du monde depuis le début du sport.
Mais il aurait été difficile de sélectionner Henry et Trézéguet en 1993...

Faire table rase après un échec, c'est un fantasme de journaliste : aucune équipe ne pourrait survivre à une telle saignée. La France serait-elle en barrage si elle avait continué avec l'équipe battue en amical en Norvège après le Mondial 2010 (2-1), celle qui ne comptait aucun mondialiste ? Où sont les Ruffier, Cissokho, M'Vila, N'Zogbia, Hoarau, pour les titulaires, les Lassana Diarra, Ben Arfa ou Briand chez les remplaçants ? Sans parler de Rami, Mexès, Sissoko, Rémy ou Ménez, qui sont loin d'avoir crevé l'écran en Bleu ces derniers mois. Qu'aurait-on fait sans Ribéry ? Sans Lloris ? On s'apprêterait peut-être à jouer deux matches amicaux avec un nouveau sélectionneur, qui sait. Oui, les Bleus se sont renouvelés, mais pas plus que d'habitude. Comme en 93, quoi.

Je vous laisse, à plus tard !