mercredi 25 janvier 2012

Pepe le méchant

Salut à tous,

En ce moment, et notamment depuis le dernier Clasico en date - évènement qui porte de mieux en mieux son nom, vu sa fréquence depuis un peu plus d'un an... - , c'est un peu la fête à Pepe. Oui vous savez, Pepe, ce charmant samaritain qui aime taquiner les doigts de ses adversaires, surtout quand ceux ci appartiennent au meilleur joueur du monde, actuellement occupé à faire la misère à son équipe, et qu'ils trainent sur le sol. Dernier fait d'arme d'une longue série de la part d'un joueur qui par ailleurs est peut-être actuellement le meilleur défenseur du monde.

Ce phénomène pourrait s'appeler le syndrome Cyrille Rool, ou Marc van Bommel. Des joueurs souvent très talentueux, mais que les mauvais gestes et l'attitude agressive sur le terrain ont privé d'une carrière, ou d'une reconnaissance pour ce dernier, nettement plus flatteuse. Lorsqu'il est arrivé du FC Porto à Madrid, pour le montant record, pour un défenseur, de 30 millions d'euros, en 2007, il était pourtant assez peu connu du grand public, mais nul doute que pour engendrer une telle indemnité de transfert, même de la part d'un club aussi peu regardant sur le nombre de zéros que le Real Madrid, il devait déjà être reconnu par le milieu comme étant une perle à son poste. Aujourd'hui, il est en passe de voir sa réputation se résumer à un jeu primaire, voire bestial, à cause de ces matches sur-médiatisés face au Barça, dans lesquels il semble voir à chaque fois le rôle de bad guy réservé à son nom.

Mais finalement, qui est responsable de ça ? Certes, Pepe n'est pas un poète, il est grand, il est costaud, il n'est pas très beau et en plus, à chaque Clasico, c'est lui qui passe pour l'équarrisseur de service. Pourquoi ? Sans doute parce que lui, habituel et intraitable défenseur central, est à chaque fois aligné au poste de milieu défensif, de vigie devant la défense, dès qu'il s'agit de croiser Lionel Messi et consort. Et que si c'est le cas, ce n'est certainement pas pour améliorer la relance de son équipe ou de fluidifier son jeu. Non, son rôle, forcément, c'est d'apporter du muscle dans un secteur où le Barça est toujours dominateur, là où ce dernier élabore son jeu génial, fait de passes redoublées à 40 mètres du but, en attendant que l'adversaire, fatigué de courir sans espoir derrière un ballon insaisissable, oublie de fermer un espace, ce qui lui coûte en général une occasion dangereuse, et souvent un but. C'est ce qui fait que, paradoxalement, les matches du Barça peuvent parfois être ennuyeux à regarder, comme celui à Malaga ce week-end : de longues périodes de possession d'apparence stérile, et puis bing, une passe d'Iniesta, une accélération de Messi, et t'as pris quatre buts sans savoir pourquoi. C'est également ce qui est arrivé au Real durant ses derniers rendez-vous contre son ennemi intime. Et ce, malgré l'apport de Pepe au milieu.

Que l'on soit clair là-dessus : si Mourinho, puisque c'est lui le responsable de cette idée "géniale", aligne son compatriote devant la défense, c'est pour essayer de briser cela, ce jeu catalan qu'il ne parvient pas à égaler, et qu'il avait réussi à contrer il y a deux ans, avec l'Inter, en demi-finales de la Ligue des Champions (3-1, 0-1). En même temps, qui peut ? Ce n'est pas juste parce que Guardiola a décidé que le Barça devait jouer de cette manière qu'il y parvient. On disait la même chose quand Johan Cruyff occupait son poste, il y a 20 ans, et qu'il était encore sur le terrain, dans le rôle qu'occupe Xavi aujourd'hui. De même que lorsque c'était Rijkaard qui occupait le banc, il y a quelques années, toujours avec Xavi aux manettes mais avec Ronaldinho, Eto'o et un Messi encore adolescent à la conclusion. Depuis vingt ans, une seule période a vu cette philosophie de jeu a vu être mise entre parenthèses, celle de Louis van Gaal, pourtant héritier, comme Cruyff, des préceptes de jeu de l'Ajax, qui ont eux-mêmes influencés ceux du Barça.

Si Barcelone joue de cette manière, comme à Amsterdam, et comme à Auxerre et Nantes à une époque, c'est parce que tous les équipes de jeunes jouent exactement de la même manière, depuis les gamins jusqu'à la réserve professionnelle, d'où sortent chaque année, une demi-douzaine de futurs pros talentueux. Ce qui explique aussi que, souvent, les joueurs offensifs de ces équipes ont du mal à s'adapter à d'autres formations, notamment en sélection. Les ailiers auxerrois (Cocard, Vahirua...) ou nantais (Amisse, Pédros...), par exemple, n'ont que rarement réussi à trouver les mêmes conditions tactiques ni dans d'autres clubs, ni en Équipe de France, et donc la réussite que leur talent semblait pourtant leur promettre. A un autre niveau, les difficultés que Messi rencontre en sélection, à son tour, découlent probablement du même mécanisme.

Bref, tout ça pour dire que Mourinho, malgré tout le génie qu'on lui colle - qui semble plus, à mon avis, provenir d'un remarquable sens du management et de la communication, que d'un esprit tactique révolutionnaire... - est incapable de répondre autrement au défit proposé par un club sensé, par ailleurs, être l'égal que le sien sur le plan de la renommée, de la gloire et de la puissance financière, qu'en délaissant le jeu pour privilégier celui de la destruction, du béton, comme un vulgaire 15e de Liga ou une équipe de CFA cherchant l'exploit en fermant toutes les portes pour atteindre le 0-0 salvateur ou les tirs aux buts. Pourquoi ? Parce que lorsqu'il a essayé de jouer le jeu face au Barça avec le Real, il s'est planté. Alors que quand Pepe est là, avec ses grands compas et son aptitude à éteindre - momentanément - Messi ou Xavi, il n'y arrive toujours pas, mais dans des proportions moins grandes.
Alors certes, je ne pense pas que Mourinho ait demandé à Pepe, en le plaçant devant sa défense, de marcher sur les doigts de Messi dès qu'il en aurait l'occasion, ou de balancer des coups à tout va. Simplement, il ne l'a pas placé là non plus améliorer le classement du fair-play du Real, il faut être réaliste. Il sait que Pepe, même au milieu, se comportera comme un défenseur, et que son physique de colosse le fera ressembler à un éléphant dans un magasin de porcelaine : il y aura forcément de la casse. Et puis, pour ce genre de joueur, faire peur, c'est l'essentiel. Aussi costaud peut-on être, si on est considéré comme gentil dans ce genre de sports de contacts, on est aussi utile qu'un cinquième arbitre. Le fait qu'il passe pour un méchant au matraquage facile l'aide dans sa tâche, il n'a rien inventé et est loin d'être le premier à utiliser cette technique pour se faire respecter sur un terrain. Quitte à voir ses véritables talents de défenseur éclipsés.

Je crois que ce genre de réputations, à 28 ans, est rarement rattrapable, et il aura du mal à s'en débarrasser, mais ça ne l'empêche pas d'essayer quand même, sans pour autant devenir un agneau. Mais il est aussi une sorte de victime des choix d'un Mourinho qui a déposé les armes après la "manita" de novembre 2010, lors de laquelle il avait cru pouvoir contrecarrer le Barça par le jeu, offrant par la même des espaces dont les Catalans n'auraient même pas eu besoin pour de toutes façons l'emporter. C'est un peu le principe des chiens méchants : il le sont rarement sans l'encouragement de leur maître.

A plus tard !

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