jeudi 12 mars 2015

Un match de légende

Salut à tous,

Alors vous avez passé une bonne soirée hier ? Moi non perso. Enfin pas avant cette tête hallucinante de puissance et de précision de David Luiz en lucarne, à la 86e minute. Voire même celle toute en finesse de Thiago Silva, à la 114e. Jusque là, ce match avait été une souffrance totale, une véritable plaie ouverte. Un long médicament très amer. Mais la guérison fut euphorique.

Chelsea domine l'entame

D'abord il y a eu cet entame, où les Blues parvenaient sans trop de peine, hormis lors de cette première minute durant laquelle Verratti trouvait quasiment Cavani seul dans les six mètres avant l'intervention de Terry, à contenir une équipe parisienne étouffée par le pressing londonien. Chelsea, comme à l'aller, tripotait bien le ballon, Hazard trouvait plus d'espaces face à Marquinhos que face à Van der Wiel à l'aller, mais au final ne se créait aucune occasion. Même si tout le monde affirme que cette équipe a trouvé son avant-centre avec Diego Costa - on reviendra plus tard sur cet individu qui ferait passer Luis Suarez pour
l'Abbé Pierre - et on parle souvent de l'absence d'Ibra dans les gros matches européens - deux buts contre le Barça avec Paris - mais l'Hispano-Brésilien a été tellement maladroit qu'il a presque fait passer Cavani pour un pianiste. Il a été dévoré par ses ex compatriotes de l'axe parisien et a donc souvent du dézonner à gauche pour pouvoir respirer un peu...

Après une demi-heure de domination stérile, tandis que Paris peinait à ressortir le ballon, je me faisais beaucoup de soucis : ça ne ressemblait en rien au match homérique que le club de la Capitale était sensé lancer pour espérer réaliser l'exploit d'une victoire ou d'un nul à buts à Stamford Bridge, cette citadelle si imperméable d'ordinaire. Et c'est durant cet instant de doute que le destin allait à la fois détruire quasiment tout espoir chez les supporters parisiens et transformer cette équipe en commando insubmersible. Pourtant, ce tacle de Zlatan Ibrahimovic était certes viril - on était en Angleterre oui ou zut ? - et spectaculaire, mais aussi effectué les pieds collés au sol, retenus même par le Suédois, qui ne cherchait évidemment pas à faire mal à Oscar, qui gambadait gaiement sur la pelouse - à défaut de bien jouer au football - vingt secondes plus tard, le temps que l'inopportun M. Kuipers ne l'expulse. Difficile de ne pas imaginer que cet arbitre pourtant extrêmement expérimenté n'a pas été influencé par les propos de la veille de José Mourinho sur la pseudo violence parisienne à l'aller (20 fautes de chaque côté pourtant) ni par les cris d'horreurs des joueurs en Bleu. Bref un fait de jeu qui allait changer la phase du match. En bien pour Paris, finalement, même si c'est vraiment passé de justesse, du moins dans le scenario.

Meilleur à dix qu'à onze

A partir de l'expulsion de son leader d'attaque, qu'on ne voyait pas trop mais qui est quand même précieux pour conserver le ballon le temps que le bloc remonte, Paris allait avoir la possession, 51-49. A 10 contre 11. A Stamford Bridge. Alors oui, c'était le PSG qui devait faire le jeu pour marquer et espérer passer ce tour, mais quand même... et pourtant il allait bel et bien dominer cette équipe de Chelsea finalement consternante dans le jeu durant cette double confrontation. Combien de fois Sirigu a du s'employer en 210 minutes face au probable futur champion d'Angleterre ? Face au co meilleur buteur (Costa, 17) et au meilleur passeur (Fabregas, 15 !) de Premier League ? Quasi jamais. Hormis sur le coup-franc de Willian et un tir excentré de Ramires, le gardien italien n'a pu se mesurer au colosse belge qui opérait dans les cages adverses, et pour cause : il n'a rien eu à faire. Sur les trois buts anglais, au total, il ne pouvait rien faire.

Le paradoxe c'est que jusqu'à l'expulsion d'Ibra, Verratti et Pastore était surveillés comme le lait sur le feu par le milieu londonien. Mourinho n'est pas fou, et en maître de la destruction de jeu qu'il est, il a bien vu que le véritable maître à jouer du PSG cette saison, c'est bien Verratti. Et le préposé à la déstabilisation de défenses, surtout en l'absence de Lucas, c'était Pastore. Il lui suffisait donc de neutraliser ces deux éléments, et l'attaque parisienne serait privée de ballons, malgré les efforts isolés de Matuidi. Et ça a marché pendant 30 minutes, et il n'y avait pas de raisons que ça ne dure pas. C'est finalement durant cette demi-heure que Fabregas a vraiment été utile durant ces deux matches un tiers : à contrarier l'axe Verratti-Pastore. Ensuite, l'Espagnol a disparu de la circulation.

Cahill éteint tout espoir

Chelsea, à 11 contre 10, s'est-il relâché ? Ça ne ressemble tellement pas à une équipe anglaise, encore moins quand elle est dirigée par Mourinho. Et pourtant, Paris a su trouver des espaces qu'il ne trouvait pas vraiment jusque là. Verratti et Pastore se sont enfin réveillés, et on pu par exemple créer cette occasion incroyable pour Cavani, à l'heure de jeu. Fidèle à lui-même cette saison, l'Uruguayen a douté et mal choisi : un attaquant sur de ses pieds et de son talent aurait enroulé autour de Courtois, vu qu'il avait eu le temps de se mettre sur son pied droit. Mais il a préféré utiliser ce dernier pour crocheter le Belge et ainsi s'excentrer exagérément. Ensuite, c'est son premier pied gauche - il en a deux je crois - qui a fait le reste, avec ce tir pas assez précis détourné par le poteau et qui filait devant le but vide, où un Zlatan encore présent aurait pu terminer le boulot, peut-être. A 10 contre 11, Paris venait de se créer la plus grosse occasion du match, mais venait de la gâcher, comme souvent cette saison. Et Cavani était impliqué, comme souvent.

Paris dominait par séquences, subissait par d'autres mais se montrait toujours plus menaçant que son adversaire, qui allait pourtant, comme à l'aller faire la différence sur quasiment sa seule occasion - si on peut appeler ça une occasion. Passeur décisif à l'aller d'une talonnade aérienne improbable, Gary Cahill profitait cette fois d'une volée complètement foirée de Diego Costa suite au corner obtenu suite à l'occasion de Ramires pour fusiller Sirigu d'une volée sublime et surpuissante. On est alors à la 81e minute, l'espoir, déjà mince, est désormais plus qu'infime, et on se dit alors que dix minutes plus tôt, le même Costa aurait du être expulsé par l'arbitre pour un attentat de boucher sur Thiago Silva, par derrière. Mais il n'avait obtenu qu'un jaune surréaliste. Alors oui y avait sûrement une faute de Cavani sur Costa en première mi-temps dans la surface, après le rouge de Zlatan, mais là on pouvait vraiment se dire que rien, mais vraiment rien, n'allait être épargné à cette courageuse équipe parisienne...

David Luiz, le surhomme

Et pourtant. Chelsea, qui avait bénéficié d'un but inscrit par un joueur né en région parisienne et supporter déclaré du PSG, Demba Ba, pour passer l'année dernière, allait cette fois se faire crucifier par... un de ses ex joueurs. Combien de fois est-ce arrivé à Mourinho ? Et combien de fois Chelsea s'est-il fait surprendre en C1 cette saison sur coup de pied arrêté ? Jamais jusqu'à hier soir. Mais là, sur cet amour de corner délivré par un Lavezzi qui venait de remplacer un Verratti déjà averti et nerveux, David Luiz, à la lutte avec Ivanovic, un des
meilleurs joueurs de tête de la planète et buteur à l'aller de cette façon, allait placer un des plus puissants coup de tête que j'ai jamais vu, en pleine lucarne d'un Courtois enfin humain, puisque impuissant sur ce coup de fusil. On jouait la 86e minute et une prolongation inespérée, presqu'une victoire compte-tenu du contexte, se présentait à l'horizon.

Encore une fois, à 10 contre 11, une prolongation est tout sauf un cadeau, surtout quand vous venez de jouer une heure en infériorité numérique et que votre entraîneur, Laurent Blanc, tarde à effectuer son troisième changement, qui surviendra à la... 118e minute (Pastore/Van der Wiel), lorsqu'il fallut conserver la qualification. Parce que oui, malgré le contexte négatif, l'extrême fatigue et ce penalty encore une fois généreux, puisque Thiago Silva, dans ce duel avec Zouma, ne touche quasiment pas le ballon, même s'il tend bizarrement le bras vers ce dernier, et transformé tranquillement par Hazard alors que beaucoup, dans sa situation, auraient allumé pour assurer le coup, Paris a encore su changer son destin, littéralement.

Prolongation dantesque

Pourtant, ils étaient cuits, durant la première prolongation du moins. Les Parisiens n'arrivaient plus à toucher le ballon, les Anglais le faisaient tourner et se créaient des situations, à défaut d'occasions. Ils reprenaient l'avantage, et ne semblaient cette fois plus capables de le perdre. Un deuxième but du PSG alors que ce dernier cherchait son souffle, subissant l'absence de Verratti pour ressortir proprement le ballon et les approximations de Lavezzi et Cavani devant, pour le conserver quand ils y parvenaient. Bref, comme dans un mauvais film, tout était contre le héros. Mais il allait s'en sortir quand même, miraculeusement, incroyablement.

Qui n'a pas réveillé son voisin hier soir, si celui-ci ne regardait pas le match évidemment, au moment où la parabole créée par cette tête somptueuse, sereine, chirurgicale, de Thiago Silva, lobait l'immense Thibault Courtois et qualifiait ces 10 incroyables bonshommes ? Qui n'est pas devenu fou à ce moment là ? Est-ce qu'un autre sport peut générer chez nous de telles émotions, un tel scenario ? Un match comme ça, c'est comme une pièce de Shakespeare, un épisode de Breaking Bad, une chanson de Gainsbourg. Un être tortueux, indécis, sublime de qualité et d'intelligence, et un dénouement souvent indétectable jusque là. Un match qu'on enregistrait du temps des magnétoscopes et qu'on gardait quelque part dans un carton ou sur étagère, pour le regarder les soirs pluvieux de ruptures. Une cassette vite usée jusqu'à la corde, mais qu'on chérissait quand même.

Ce n'était qu'un huitième de finale, on aurait aimé qu'ils fassent la même chose l'an passé à l'étage supérieur, histoire de voir les demi-finales. Mais il fallait peut-être cette élimination en 2014 pour générer cet esprit de revanche et ce refus de mourir chez ces mêmes joueurs, un an plus tard.

Un seul joueur a été heureux les deux fois, c'est David Luiz, qualifié l'an passé avec les Blues et cette année avec Paris. Même s'il a des manques tactiques, même si ce n'est pas le marqueur individuel le plus rigoureux qui soit, on l'a vu le week-end dernier contre Lens et lors du dernier Mondial, c'est ce qu'on appelle un gagneur. Un joueur dont l'âme de battant participe à compenser tout ces défauts qui font qu'au fond ce n'est pas vraiment un défenseur. Mais quel battant ! Quel joueur !

A plus tard !