dimanche 24 juin 2012

Il n'y a pas eu de match

Bonjour à tous,

Les lendemains de défaites, et plus fortement encore d'éliminations, ne sont jamais des puits de plaisirs quand vous êtes un tant soit peu impliqué émotionnellement envers l'équipe vaincue. Ce matin, pour moi en tous cas, il y a deux sentiments qui prédominent : le premier, c'est que cette jeune équipe a de l'avenir, qu'elle a remplit son objectif en se qualifiant pour les quarts, mais qu'elle n'a pas encore la maturité pour s'approcher des meilleurs du continent. De l'autre, qu'avec un peu d'ambition dans le jeu et la combativité, de la part des joueurs ET du sélectionneur, il y avait la place pour faire mieux, et peut-être aller un peu plus loin.

Manque logique de leader

Le premier point, d'abord. D'après les réactions vues ici ou là, dans les médias et surtout chez les supporters, il faut qu'ils "dégagent tous", faut faire le "grand ménage", etc. Cette équipe est en reconstruction depuis 2006. Domenech s'y est attelé, mais il a été démonté médiatiquement avant d'y parvenir. Blanc s'y est consacré, le niveau a un peu augmenté (qualification pour les quarts, quand même) mais il reste du boulot. Emmanuel Petit, hier, fustigeait une fois de plus l'absence de leaders indiscutables dans cette équipe. Parce que ce genre de joueurs se trouvent dans les cuisines de Clairefontaine ? Ça a l'air simple, comme ça, de construire une grande équipe, suffit de convoquer des grands joueurs et des leaders ! Mais pourquoi on y a pas pensé avant ! On en a tellement des leaders naturels, pourquoi on ne les appelle jamais ?

Deschamps ou Blanc, qui étaient les leaders de l’équipe de France entre 1996 et 2000, ne l'ont pas été de suite. Ils ont été des débutants, eux aussi, et n'ont pas immédiatement parlé comme des patrons dans le vestiaire. D'ailleurs, ils n'ont pas non plus connu des succès au début de leurs carrières internationales. Les deux joueurs ont débuté en Bleu la même année, en 1989, c'est-à-dire pile dans le creux générationnel entre la génération Platini et celle de Zidane. Ils ont donc connu l'élimination du Mondiale 1990, l'Euro 92 et son élimination au premier tour, ainsi que le France-Bulgarie de 1993, qui nous privait de la suivante. A l'époque aussi les commentateurs fustigeaient l'absence de leaders, de patron sur le terrain et en dehors, de fond de jeu aussi. Et tout le monde réclamaient le grand ménage, qu'ils dégagent tous. Pourtant Deschamps et Blanc étaient là tous les deux, ainsi que les futurs champions du monde et d'Europe Lama, Desailly et... Petit, et des clients comme Cantona, Sauzée et Papin. Un leader, un grand joueur, ça ne se décrète pas, ça ne s'invente pas, ça se construit, ça débute avant de se révéler puis confirmer. Il ne suffit pas d'en réclamer de nouveaux pour en trouver et résoudre tous les problèmes.

Il y a des anciens dans ce groupe, comme Malouda ou Diarra, voire Ribéry, qui ont essayé de tenir ce vestiaire, de le secouer. Mais hormis ce dernier, qui est plus un leader technique qu'un cadre de vestiaire, les deux autres sont trop en difficultés sportivement - et notamment dans leurs clubs - pour avoir une véritable influence auprès de ces jeunes qui évoluent dans des clubs huppés et qui, eux, y sont indiscutables. Si Diarra, auteur d'une saison cataclysmique à Marseille, veut dire un truc à Nasri, Benzema ou Rami, il est aussi crédible que si j'allais expliquer comment écrire à Michel Houellebecq. Non, pas Welbeck les gars, Houellebecq.

Les futurs leaders de cette équipe, si elle doit devenir grande un jour, ce seront Lloris, Debuchy, Cabaye, M'Vila, Koscielny, Clichy, Ribéry et normalement Benzema. Je ne reviendrais pas en profondeur sur le cas de ce dernier, mais que l'avant-centre du Real Madrid ne parvienne non seulement pas à marquer un but dans cet Euro où ses partenaires de club, et notamment Xabi Alonso hier, ont déjà marqué 7 fois, ce qui exclut l'excuse de la fatigue de fin de saison, mais surtout à ne pas se créer UNE SEULE véritable occasion en quatre matches, c'est complètement irrationnel. Aucune équipe au monde ne peut gagner un grand tournoi sans un attaquant dangereux, avant même d'être efficace, même un peu. Benzema a atomisé les pigeons d'Ukraine par ses frappes lointaines et stériles, c'est tout. Il est à l'heure actuelle LA grosse déception de cet Euro. On verra comment il s'en remet lorsque débutera sa quatrième saison à Madrid, alors que le Real cherche, comme d'habitude, un très grand avant-centre pour l'année prochaine. Je serais Benzema, j'aurais peur.

Il y a aussi d'autres joueurs sur qui compter pour l'avenir : les Parisiens Matuidi et Ménez, qui a donné satisfaction deux fois sur trois ; Martin, Valbuena, Giroud... sans parler des éventuelles futures révélations, qui sont inévitables. Yanga Mbiwa devrait vite avoir sa chance, tout comme la génération championne d'Europe des moins de 19 ans (contre l'Espagne, rappelons le !) en 2010, et demi-finaliste mondiale des moins de 20 ans en 2011. Martial, Fofana, Grenier, Griezmann, Kakuta, Lacazette... ils évoluent aujourd'hui en Espoirs, et ont gagné pour l'instant tous leurs matches de qualification pour l'Euro 2013 de la catégorie. Ça fait 10 ans qu'on n'a pas de résultats en Espoirs, ceci explique peut-être aussi cela, même si la fameuse génération 1987 a été championne d'Europe des moins de 17 en 2004. Mais ils sont un peu seuls, et ont encore du mal à prendre le pouvoir.

Il y a eu 10 ans entre le succès des espoirs en 1988 et la victoire en Coupe du Monde en 1998. Combien de futurs champions du monde dans cette jeune équipe, menée par Silvestre, Casoni, Roche, Angloma, Sauzée, Guérin, Cantona ou Paille ? Un seul : Laurent Blanc.

Blanc s'est déchiré

Le deuxième point, maintenant. Oui, il y avait moyen de faire mieux. Tout d'abord en amont de ce match contre l'Espagne, qui ressemblait un peu à un Everest pour ces Bleus dont c'était pour beaucoup la première grande compétition. On aurait pu éviter ce scenario si on avait concrétisé notre domination sur l'Angleterre, et surtout si on avait battu la Suède (0-2). Le fait de lâcher mentalement ce match, inconsciemment, a écorné l'image des Bleus auprès de leur public, déjà un peu trop sensible sur le sujet, mais a surtout très sérieusement compromis leurs chances d'aller plus loin en se réservant un quart contre l'Espagne plutôt que contre l'Italie. Aujourd'hui, ceux qui pensaient que c'était presque plus un avantage d'affronter des Espagnols joueurs que des Italiens hermétiques ont dû changer d'avis. Surtout que, hormis contre l'Espagne (1-1), l'Italie a plus attaqué que bétonné dans ce tournoi.

Maintenant, même dans ce match il y avait moyen de faire mieux. D'abord dans la tactique employée par un Blanc qui a piétiné, en une compo, tout ce qu'il avait annoncé depuis deux ans, comme quoi, c'était un entraîneur offensif, admirateur de la Roja et du Barça, qui ne renierait jamais ses principes romantiques. En alignant Debuchy au poste de milieu droit, à la place des quatre (!) joueurs qu'il avait emmené pour occuper cette position (Nasri, Ménez, Ben Arfa, Valbuena), et en faisant jouer son équipe tellement bas qu'il en a pourri le match, il a définitivement tombé le masque. Laurent Blanc, le Président, la sauveur de la nation, le candidat des médias, a eu peur. Mourinho et Di Matteo avaient demandé à des attaquants (Eto'o, Drogba...) de défendre, lui a demandé à un défenseur de... défendre, et éventuellement attaquer, s'il le pouvait. Mais Debuchy n'a plus évolué à ce poste depuis ses débuts en professionnel, et certainement pas à ce niveau. Il a été cataclysmique, mais comment aurait-il pu faire mieux ?

Le plus cruel, mais le plus logiquement du monde aussi, Blanc a été sanctionné de cette frilosité qui en dit long. Non seulement son bloc, trop bas, a laissé trop seuls devant les deux seuls joueurs offensifs qu'il avait aligné, Ribéry et Benzema, mais en plus les deux buts espagnols viennent précisément du côté que Blanc avait cherché à renforcer. Debuchy est débordé par Jordi Alba, passeur pour Xabi Alonso. Réveillère, lui, fait la faute sur Pedro pour le penalty du 2-0. Comment pouvait-on imaginer bousculer une telle équipe avec une compo pareille ?

En la voyant avant le match, j'ai eu l'impression que Blanc - et tous ceux qui, dans les médias, affirmaient que c'était une bonne idée - n'avait jamais vu évoluer l'Espagne avant ce match. La Roja qui ne construit JAMAIS ses succès dans les couloirs, tout comme le Barça d'ailleurs, malgré l'apport de Jordi Alba, une révélation au poste de latéral. L'autre latéral, Arbeloa, est un central contrarié, et ne centre que très peu, se contentant d'apporter un soutien numérique. Et les trois joueurs offensifs de l'Espagne, Iniesta, Silva et Fabregas, sont des centraux. Je pense que Blanc a voulu autant bloquer Iniesta que Jordi Alba. Mais en jouant bas à gauche, il a surtout permis au rapide latéral valencian de jouer plus haut, et donc de faire plus mal dans ce couloir. Avec un véritable joueur offensif, Alba aurait eu du travail et donc moins l'opportunité de monter. D'ailleurs, à partir de l'entrée de Ménez, on l'a moins vu offensivement, et la France a pu jouer un peu plus haut. Bref, une erreur tactique majeure pour un entraîneur de ce calibre. Calibre présumé, d'ailleurs.

Mais les joueurs aussi n'ont pas réussi à se transcender. Durant ce match que l'Espagne a mené au petit trot, sans forcer, se contentant de gérer sans puiser dans ses réserves, un peu comme l'Allemagne vendredi, les Bleus avaient les moyens d'embêter ce bloc, même dans ce système tactique boiteux. Il suffisait de presser plus, d'être plus agressifs, de les bousculer, comme l'ont fait les Italiens et les Croates. Facile à dire ? C'était notre seule chance, et on ne l'a pas utilisée. Il fallait jouer sur les côtés - Ribéry est quand même souvent passé à gauche - , contourner ce bloc, presser Xabi Alonso dans l'axe comme on l'a fait sur Xavi, etc. Il aurait aussi fallu un peu plus soutenir les deux de devant, par exemple avec des initiatives de Cabaye ou Malouda, qu'on attend toujours. Il aurait fallu un peu de réussite aussi, parce jusqu'au but espagnol, la France bousculait cette équipe. Ce but l'a assommée.

La tactique était mauvaise, mais les joueurs français ont trop respecté leurs homologues espagnols. Il faut dire que durant 3 jours, leur entraîneur avait bien répété à tout le monde à quelle point cette équipe était imbattable, parfaite, exceptionnelle... il y a mieux pour mobiliser une équipe. Blanc a eu peur à tous les niveaux, dans la tactique et dans le management.

Nasri, l'adieu aux Bleus ?

Enfin, il y a le cas Nasri. Comme je l'ai dit hier, les attitudes médiatiques des joueurs ne m'intéressent pas, ça n'a rien à voir avec le terrain. Mais il serait quand même étonnant de revoir le Citizen sous le maillot de l’Équipe de France avant un moment, après sa sortie d'hier. Si encore il s'était rendu indispensable sur le terrain, on lui pardonnerait... mais il est inutile, perdu, sans idée, lui qui est pourtant si créatif en temps normal. Là, il fut surtout imaginatif dans les insultes, et à mon avis il a signé la mort de sa carrière internationale. A 25 ans et avec ce talent, c'est ballot. C'est surtout dommage pour la France, qui n'avait pas besoin de perdre un des rares joueurs techniques de son équipe.

Ce sera au nouveau sélectionneur de décider. Parce qu'à mon avis, Blanc va partir. On prends les paris ?

En attendant, les demi-finales s'annoncent somptueuses. Un duel ibérique entre l'Espagne et le Portugal, certes faussé par les deux jours de repos supplémentaires en faveur des Lusitaniens... et un choc entre l'Allemagne et le vainqueur de ce soir entre l'Angleterre et l'Italie, soit d'ors et déjà un classique du football... On a hâte d'y être, vraiment. Quand on y pense, on se demande ce que cette France là, en reconstruction et donc pas finie, serait bien venue faire parmi ces monstres actuels du football. Mais elle est toujours présente dans les tournois depuis 1996, et ça c'est quand même pas mal comme crise. Moi perso, je prends. En espérant que les quelques progrès entrevus depuis 10 ans se confirmeront jusqu'en 2014.

A plus tard !

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