jeudi 9 février 2012

Pointes Bleues


Salut à tous,

Longtemps, on a pu considérer que le Talon d'Achille des Bleus était le poste d'avant-centre. Et ce, contrairement à ceux de gardien, pour lequel on a très rarement été démuni en excellent éléments, ou de défenseur central, une spécialité locale. Aujourd'hui, on est à la fois loin et assez proche de ce schéma classique.

C'est vrai, on possède encore une fois un duo de gardien exceptionnel, qui nous protège de certaines mésaventures arrivées lorsque nous tâtonnions entre Barthez, Coupet et Frey, il y a quelques années, par exemple. Avec Mandanda et surtout Lloris, sans parler de Carrasso, on est paré, comme aux plus grandes heures de Barthez (première époque), Bernard Lama, Joel Bats, Jean-Paul Bertrand-Demasnes ou Alex Thépot, dans les années 30 (je vous en toucherais peut-être un bout un de ces quatre).

En revanche, au niveau défenseurs centraux, on est loin de l'époque ou des joueurs comme N'Gotty, par exemple, se voyaient privés d'une honnête carrière internationale par la présence du duo Blanc-Desailly, le meilleur du monde durant les années 90, et de loin. Aujourd'hui, on s'en sort avec un stoppeur impressionnant physiquement mais un peu limité techniquement, et assez désordonné tactiquement, du fait d'une formation primaire dans ce domaine puisqu'il n'a pas fréquenté de centre de formation (Rami) et un ancien surdoué, patron de toutes les équipes de jeune dans les années 90, très vite comparé à Blanc dès ses débuts professionnels, à Auxerre, mais qui a raté dans les grandes largeurs l'essentiel de sa carrière internationale, notamment sous Domenech, avant de trouver enfin la grâce, à 28/29 ans, sous Blanc (Mexès). Une des rares véritables réussites de ce dernier, au passage. Problème, il n'a plus joué en Bleu depuis presque un an à cause de sa blessure au genou au printemps dernier, et ses remplaçants, Abidal, plutôt destiné au couloir gauche mais qui convainc quand même dans l'axe, Kaboul et Sakho se sont montrés intéressants, sans plus. On est encore loin, pour l'instant, des critères du très haut niveau (Vidic, Thiago Silva, Terry...) dans ce domaine. Mais Sakho, notamment, est jeune, et il y a Yanga-Mbiwa qui pousse derrière.

Mais je suis là pour parler des attaquants.

La spécialité française, dans ce domaine, n'est pas le buteur ordinaire, qu'on voit partout dans le monde et notamment en Italie ou en Allemagne, l’égoïste, ultra efficace mais qui peut disparaître parfois d'un match, parfois limité techniquement... mais quand tu regardes sa carrière, il a rarement marqué moins de 20 buts par saison. On a eu Fontaine, Papin, mais aussi Trezeguet, qui a plus souvent été remplaçant que titulaire en Bleu, tout en marquant 34 buts, un toutes les 121 minutes ! Celui qui l'a relégué sur le banc alors qu'ils ont été formé ensemble à Monaco, Thierry Henry, en a planté 51, soit un toutes les 177 minutes ! Regardez Benzema, notre avant-centre titulaire en Bleu : il est également titulaire au Real, où ses stats sont honnêtes pour la pointe de cet immense club qui a possédé les plus grands attaquants de la Terre. Sauf qu'au classement des buteurs, Messi et Ronaldo sont suivis par... Higuain, son remplaçant (14 buts, contre 10 pour Benzema). Toutes compétitions confondues, l'Argentin marque toutes les 92 minutes, 113 pour Benzema. Mais ce dernier est plus présent dans le jeu, plus passeur aussi. C'est classique : en France (et chez Mourinho aussi, apparemment), on préfère avoir un avant-centre un peu moins efficace, mais plus impliqué dans le jeu, plus passeur. C'est ce qui nous a permis de passer pour des loseurs pendant des décennies, privés que nous étions de Hrubesch, de Völler, de Rossi... nous, on avait Rocheteau, on avait Lacombe (buteur en club, remiseur en sélection...), on avait Stopyra... des attaquants actifs, romantiques, mais inefficaces, du moins en sélection.

Malgré tout, on a connu deux de nos trois grandes époques sans attaquant de très haut niveau : si on avait Fontaine en 58, on n'avait personne dans les années 80 (Platini se chargeait de tout, et Papin débutait à peine) et des phénomènes encore tendres dans les années 90 (Trezeguet, Henry), un buteur éteint (Guivarc'h), un avant-centre qui n'en était pas un, sauf pour Jacquet (Dugarry), et un Papin trop vieux. Comme quoi, on peut tout de même gagner de grandes compétitions sans buteur véritable, regardez l'Italie en 2006. Mais l'Espagne, qui a souvent eu un peu le même problème que nous (elle a quand même eu Raul ou Butragueno, qui n'étaient cependant pas des pointes classiques), s'est mise à gagner des titres à partir du moment où elle a possédé des avant-centres efficaces (Villa, Torres), qui concrétisaient enfin son jeu qui a toujours été limpide et technique.

Qu'est-ce qu'on a, aujourd'hui ? On a donc Benzema, enfin titulaire au Real mais qui, en 2011, n'a marqué que deux fois en Bleu, soit un but tous les quatre matches... le meilleur buteur en sélection a été Rémy (3), pas encore vraiment titulaire, mais pas loin quand même. Ce qui a motivé ce post, c'est que hormis le Madrilène, nos trois candidats au poste d'avant-centre (un devrait rester sur le carreau pour l'Euro) évoluent en France, et possède des caractéristiques complètement différentes.

Loïc Rémy, donc, ressemble beaucoup à un autre attaquant antillais, qui possède un double prénom, qui est habilité à jouer sur un côté (le gauche, pour sa part) et qui lui ressemble physiquement, Thierry Henry. Très rapide, il diffère de "Titi" sur un point, le jeu de tête, qu'il a excellent : cette saison, il a marqué 9 de ses 20 buts de la sorte, dont les six premiers ! Étonnant pour une flèche, évoluant souvent côté droit... Pour moi il serait parfait sur cette aile, en concurrence avec Jérémy Ménez (qui peu jouer à gauche), dans un système en 4-2-3-1.

Passons à Kevin Gameiro, qui réalise son meilleur début de saison (11 buts en championnat), mais qui est moins efficace depuis trois mois. Le Parisien semblait avoir plusieurs longueurs d'avance sur la concurrence, derrière Benzema, mais ses difficultés à marquer au Parc des Princes (3 buts) et en Coupe d'Europe (1 but en 232 minutes, à Differdange...) font douter de ses capacités à passer le cap du niveau international. Comme on pouvait le craindre, ses aptitudes, notamment la vitesse, sont plus adaptées à des équipes évoluant en bloc et en contre, comme l'était Lorient la saison dernière, qu'à celles ayant la possession de balle, comme Paris ou l’Équipe de France. Malgré tout, ses stats parlent pour lui (deux fois meilleur buteur français ces deux dernières saisons, 17 et 22 buts...).

Même chose pour Olivier Giroud, qui lui fait plus penser à Guillaume Hoarau, qui lui a laissé passer sa chance en Bleu, malheureusement. Le Montpelliérain est grand, puissant, efficace (15 buts), mais à l'inverse de Rémy, il marque peu de la tête (1 seul but) et pas mal du droit pour un gaucher (4). Mais, selon moi, il y a encore un doute à son propos. On disait la même chose d'Hoarau durant sa première saison, qui avait été très efficace (17 buts) : on l'avait comparé à Crouch, à Ibrahimovic... des avant-centres grands, mais pas dégueux avec leurs pieds. Puis il a été blessé, a baissé de rythme, et ne joue plus aujourd'hui à Paris. Ce qui est étonnant, c'est le crédit que l'on donne à Giroud depuis un an et demi, crédit qu'on n'a pas donné à un attaquant comme Moussa Sow, par exemple. Mais s'il semble plus fort techniquement que Hoarau, lors de ses deux bouts de sélection, Giroud a surtout montré qu'il pouvait être aussi pataud et lent que l'avait été le Parisien. A voir, donc !

Bref, on a le choix. Benzema, par son statut au Real plus que par ses stats en Bleu, 13 buts en 42 sélections, un but toutes les 183 minutes, reste intouchable. Derrière, on peut considérer que Rémy l'est aussi, et Giroud a pris de l'avance sur Gameiro, notamment par son profil de buteur/remiseur. Mais ça reste friable et inexpérimenté, puisque seul le Marseillais connaît la Ligue des Champions, et aucun des trois n'a encore évolué à l'étranger. Hors, depuis l'arrêt Bosman, plus l'Equipe de France est riche en joueurs à l'étranger, plus elle est forte, et inversement. Ça risque donc d'être un peu juste pour l'Euro, surtout qu'on ne semble pas avoir de Platini au milieu pour compenser... souhaitons que je me trompe !

A plus tard !

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