vendredi 25 mai 2012

La victoire des Gauchos

Bonjour à tous,

Penchons nous un peu sur un aspect du football français : son aptitude à attirer des footballeurs venus de tous les horizons, de tous les continents, et comment ces derniers se sont comportés sur les terrains de l'élite nationale. Il y en a pas mal à dire.

Depuis 1950, les joueurs étrangers ont marqué 18 499 buts, soit 31 % du total. Au vu des canons d'aujourd'hui (entre 46 et 60 % depuis 10 ans), ça paraît peu, mais il ne faut pas oublier que jusqu'en 1996 et l'arrêt Bosman, l'obligation était de ne pas posséder dans son effectif plus de trois étrangers, quelque soit leur provenance. Aujourd'hui, cette règle ne concerne plus que les joueurs non européens. Et un nombre conséquent des joueurs africains qui brillent en Ligue 1 aujourd'hui ont la double nationalité, ce qui les exclu de ce compte. Mais l'augmentation qu'on constate aujourd'hui a mis quelques années pour se mettre en place, c'était une nouvelle culture à intégrer, ainsi que des départs et des arrivées, aussi : en 1999-2000, on en était encore à 36 %. En 2006, on atteignait 60 %, un record, avant de retomber à 48 % aujourd'hui.

Autre constat, qui comptera dans l'analyse du tableau qui va suivre, on marque beaucoup moins de buts qu'avant. Jusque dans les années 70-80, on marquait allègrement 3 buts par matches, et parfois plus de 3,4. On a donc perdu quasiment un but par matches en 50 ans, ce qui influe sur les scores des différents joueurs et autres pays. Du coup, les buteurs étrangers de l'époque sont avantagés, même s'ils marquaient moins en proportion...

L'Argentine, très loin devant

A présent, regardons le classement final ci contre, qui concerne donc les saisons 1950-2012. Première surprise, la gagnant. je m'attendais à un pays européen, africain ou même au Brésil, leader incontesté des deux dernières saisons, mais pas à l'Argentine. Je me disais que, certes, les meilleurs attaquants de l'histoire du championnat de France, en tous cas les plus prolifiques, avaient été Onnis et Bianchi, qui avaient quasiment battu tous les records dans les années 70, mais qu'ils allaient être un peu seuls. Après tout, dans ce cas, pourquoi pas la Croatie de Skoblar ou le Mali de Salif Keita, auteurs de 44 et 42 buts en 1971, record de France ? Mais pour gagner ce classement, il ne fallait pas seulement avoir ponctuellement de grands buteurs, il en fallait surtout des moyens, et tout le temps. C'est ce qu'ont fait les Gauchos.

Il n'y eut donc pas que des buteurs argentins ultra réalistes, il y en a eu plein d'autres presqu'aussi réalistes mais moins connus, comme Angel Ramos par exemple. En 1976, les quatre premiers buteurs étrangers sont argentins : Bianchi, Onnis et le Messin Curioni trustent les trois premières places, un cas unique dans l'histoire, suivi à la 6e place du Marseillais Yazalde. Qui connait les deux derniers ? A eux quatre, ils ont marqué 110 buts, l'Argentine en comptabilisant 143 cette année, un record là aussi. Seule l'Argentine a d'ailleurs réussi à marquer 100 buts ou plus en une année, en 1976 donc, mais aussi en 1974 (118), 1975 (113) et 1978 (115). On le voit les années 1970 n'y ont vu que du blanc et bleu. D'ailleurs, les Argentins y ont inscrit838 buts, soit près de 38 % de leur total.

La victoire des Argentins, c'est donc avant tout celle de la régularité, puisqu'il n'existe que deux saisons où aucun joueur de ce pays n'a réussi à marquer en France, en 1971 et en 1994 et 1995. Durant les 4 années suivantes, on ne compta que 13 buts argentins, avant que les 5 dernières années ne rétablirent la tradition des bons buteurs argentins, avec notamment Lisandro (185 entre 2007 et 2012).

Le Brésil, maître depuis 20 ans

Pourtant, je l'ai dit, le Brésil domine les débats depuis 20 ans. Les Brésiliens ont dominé les années 1990 (257) et surtout les années 2000 (705) avec une facilité déconcertante. Ses dauphins, d'abord l'Algérie (147) puis le Sénégal (365) n'ont rien pu y faire. Et la jeune décennie que nous vivons semble confirmer cette tendance (115, contre 82 à l'Argentine), même s'il en faudra encore d'autre pour voir les deux géants sud-américains se retrouver à nouveau au coude à coude. Plus de 800 buts, c'est un écart énorme.

Le problème du Brésil, c'est qu'avant les années 90, il n'existe quasiment pas en France, malgré quelques piges d'inconnus dont je vous épargnerais le nom. Dans les années 80, l'Argentine était déjà devant (389) devant la Bosnie d'Halilhodzic, entre autres (303) et l'Allemagne d'Allofs (233). A noter le bon score anglais durant cette décennie (99), notamment en 1999, où elle ne trouva pas de concurrent à sa mesure (50) ! Hoddle, Waddle, Hateley ou Allen sévissaient en France à cette époque. Dans le même temps, le Brésil  n'était encore qu'un aimable pays peu connu en France, sinon pour ses exploits en Coupe du Monde, mais dont les ressortissants rechignaient manifestement à rejoindre ces pays si froids l'hiver, comme l'Angleterre ou la France. Un manque de moyen, peut-être aussi. Ainsi, durant cette décennie, seulement 34 brésiliens furent inscrits, soit  moins que la Slovénie (52) ou le Danemark (85). Un peu plus de trois buts par saison, contre plus de 25 durant la décennie suivante, ça fait un choc.

Le Brésil de Paulo Cesar ou du Nîmois Luizinho se portait un peu mieux dans les années 70 (102), mais pas de quoi concurrencer la toute puissance argentine, la Serbie (354), la Croatie (178) et le Mali et l'Algérie (156 et 155). A noter le très bon score du Luxembourg de Nico Braun (123), qui n'était déjà pas une grande équipe, mais un peu plus forte quand même qu'aujourd'hui, où elle a du mal à placer ne serait-ce qu'un joueur valable dans un championnat européen honnête...

Même chose dans les années 60, où le Brésil est encore anonyme (64). Dixième, il est devancé par l'Argentine, on l'a vu, l'Algérie (287), le Cameroun (179), la Serbie (159 et même la Suisse (75). Rebelote dans les années 50, avec 105 buts. Cette décennie est particulière, puisque c'est la seule dominée par un pays européen, et même deux : la Suède de Gunnar Andersson (408) et les Pays-Bas de Rijvers (326). L'Argentine suit quand même (285). Le fait que certaines colonies françaises ne soient pas encore indépendantes joue forcément dans les fait que les pays africains sont moins à la fête durant cette décennie, puisqu'ils sont comptés dans les buts français...

L'Europe en tête, mais...

Étudions maintenant ces chiffres par continent. Depuis 62 ans, l'Europe est en tête (7570 buts) devant l'Afrique (6623) et l'Amsud (4134), les trois autres continents se partageant 172 buts... Mais depuis 1996, soit la promulgation de l'arrêt Bosman, et hormis en 1998, les Africains dominent leurs concurrents. La courte avance du début (10 en 2001) s'est très vite transformée en écart gigantesque : 89 l'année suivante, 149 en 2005, 145 l'année dernière, 127 cette année... mais surtout, le dauphin a changé d'identité. Il était européen jusqu'en 2001, il est sud-américain depuis 2004. L'Europe, qui ne laissait que des miettes en 1951 (178 buts, contre 18 à l'Amsud et 7 à l'Afrique !) jusqu'en 1957, puis sans discontinuer de 1968 à 1995, n'est aujourd'hui que le troisième continent représenté en Ligue 1. Quelles sont les conséquences de l'arrêt Bosman ? Les championnats les plus riches, l'Angleterre, l'Italie, l'Espagne, voire l'Allemagne, rassemblent les meilleurs joueurs de la planètes, notamment les meilleurs néerlandais, Portugais, etc, et gardent leurs ressortissants. On l'a vu, les Anglais brillaient en France à la fin des années 80. L'arrivée de Joe Cole à Lille, cette année, fut présentée comme un évènement l'été dernier, alors que ça aurait été presque banal il y a 25 ans. Surtout, ses 4 buts furent les premiers buts anglais en Ligue 1 depuis... 1992.

Même chose pour les Allemands, 13e du classement général, mais qui n'ont plus marqué en France depuis les 4 buts de Bierhoff en 2002, et après la grande époque Völler-Klinsmann, au début des années 90 ; les Italiens, eux, nous ont envoyé Di Vaio et Vieri dans les années 2000, mais surtout Padovano, Simone et Ravanelli dans les années 90. Mais depuis 10 ans, les Italiens tournent à 1,5 buts par année en Ligue 1, notamment les 2 buts de Thiago Motta pour le PSG cette saison, qui faisaient suite au but de Fabio Grosso, il y a 4 ans. Enfin, l'Espagne, 24e du classement général, n'a jamais vu aucun de ses buteurs briller en Ligue 1, hormis les 10 buts de Morientes avec Monaco, en 2004. Mais on ne compte que 4 buts espagnols depuis 7 saisons en France, et 12 entre 1993 et 2003. Le Portugal, lui, a surtout bénéficié des 141 buts de Pauleta dans les années 2000, soit plus de la moitié du total lusitanien (242) !

Les Pays-Bas sont dans le même cas, même s'ils ont particulièrement brillé dans les années 50, on l'a vu. Deuxième pays européen au classement, la Hollande n'a cependant marqué que 15 buts depuis 1998, soit à peine 1 par an ! Une véritable misère. Finalement, seuls les pays provenant de l'ancienne Yougoslavie se sont montrés réguliers, et pas qu'un peu : si on additionnait tous leurs buts, il seraient deuxièmes avec 1949 buts ! Un division qui n'empêche pas la Serbie d'être le premier pays européen, même si elle ne tourne qu'à 6 buts par an depuis 11 ans. Même chose pour la Croatie, célèbre pour ses grands buteurs, qui n'a marqué que 14 fois en 8 ans... Dans les années 2000, seule la Belgique de Hazard s'en sort (29), derrière les deux Sud-Américains et 7 pays africains ! En deux ans, les anciens Yougoslaves n'ont marqué que 24 buts, soit autant que la Pologne ou le Burkina Faso. Dans les années 2000, leurs 165 buts ne les auraient porté qu'au 7e rang, derrière le Brésil, l'Argentine, le Portugal et 4 pays africains. Rassemblés dans les années 80, ils dominaient les débats (549 buts). Dans les années 70 ils auraient juste été dominé par l'Argentine (671), et par l'Argentine et l'Algérie dans les années 60.

Bref, la domination est européenne est une idée lointaine. A ce rythme, l'Afrique pourrait être devant dans 8 à 10 ans. Ce ne serait pas forcément un mal, ça montre aussi la progression du foot africain. Mais ça démontre surtout l'incapacité du football français à attirer de bons footballeurs européens, et les meilleurs sud-américains. Tant que ça durera, les succès européens de nos clubs resteront un doux rêves.

Voilà, je crois que je vous ai fait une belle tartine... je vous laisse !

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