jeudi 14 novembre 2013

Des éliminations utiles

Salut à tous,

Dans quelques jours, à égale distance entre les deux matches de barrage entre l'Ukraine et la France, qualificatifs pour la prochaine Coupe du Monde brésilienne, on "fêtera" les 20 ans de France-Bulgarie. J'imagine déjà les petits fours, l'ovation faite au Stade de France à un Emil Kostadinov devenu chauve, une séance d'applaudissements à la 93e minute en hommage à son but... je ne plaisante qu'à moitié.

Kostadinov... pas si grave

Que ce serait-il passé si le tir fatidique du plus célèbre bulgare avec Stoïchkov et Sylvie Vartan avait ne serait-ce que percuté la barre - ce qu'il a fait d'ailleurs, avant de rentrer quand même, avec des poteaux carrés il ne serait pas rentré... on est vraiment maudit - ou raté le cadre ? Ou bien, en remontant le temps, si quelqu'un avait su l'intercepter avant, ou Penev, ou encore si Ginola avait su garder le ballon ? Et si Laurent Blanc n'avait pas été battu de la tête par Kostadinov sur l'égalisation sur corner ? Ou si Reynald Pédros, présent sur la ligne mais trop court sur ce ballon, avait fait 5 centimètres de plus ? Ou porté une crête façon Hamsik ? Ou si, simplement, on avait continué d'attaquer après la - belle - ouverture du score de Cantona, au lieu de vouloir gérer ce petit but face à une de nos bêtes noires historiques ? On n'a qu'à choisir...



On parle souvent d'un chambardement après ce qu'il faut bien appeler un naufrage, un changement total de joueurs, après celui de sélectionneur, Gérard Houiller, qui se rattrapera bien de ce ratage intégral à Liverpool et Lyon, et qui laissait sa place à son adjoint, Aimé Jacquet, qui n'était pas non plus un choix par défaut puisqu'il s'agissait quand même de l'entraîneur du grand Bordeaux des années 80. Forcément, la presse, connue pour son tempérament modéré et ses analyses pondérées, avait réclamé que tout le monde parte, etc. Faire table rase. Pourtant, ce n'était pas comme si on n'était pas habitué à ne pas disputer une Coupe du Monde... depuis la guerre, on en avait raté 6 sur 12, donc une sur deux... avec les qualifs pour l'Euro, systématiquement ratées entre 1960 et 1992 (!), le rapport est même négatif... la déception était intensifiée par la surprise de voir l'élimination d'une équipe qui maîtrisait son destin avant de recevoir deux fois, Israël puis la Bulgarie, avec pour objectif de prendre un petit point sur ces deux matches. Franchement, comment pouvait-elle se rater ? Et pourtant elle l'a fait, s'inclinant à chaque fois dans les arrêts de jeu (2-3 et 1-2), scenarii encore plus cruels. Un autre scenario, plus calme, plus clément, mais avec quand même l'élimination à la fin, n'aurait pas autant remué le monde du football : on aurait enregistré une nouvelle élimination, c'est tout. Pour la France, c'était une habitude. Depuis, on n'a plus raté un grand tournoi. Était-ce un mal pour un bien ?

Les mêmes en 98

Je le disais, on a parlé d'un chambardement mais sept joueurs présents sur la feuille de match ce 17 novembre 2013 allaient être champions du Monde quatre ans et demi plus tard, et d'Europe deux ans après (Petit, Deschamps, Desailly, Blanc, Lizarazu, Djorkaeff et Lama). Pourtant, après la Bulgarie, on ne voulait plus les voir, juré craché. Blanc était coupable sur le premier but
et sur le second en se faisant déborder par Kostadinov, sur lequel Petit était absent, Deschamps était insipide et Lama avait pris deux buts, imparables certes, mais quand même, virons le aussi. Les trois autres étaient de jeunes internationaux, laissons leur leur chance.

Lors du match suivant, le fameux amical à Naples contre l'Italie, les Bleus s'imposent (0-1) sur un but de Djorkaeff sur une passe de Ginola, l'honnis après son centre "assassin" contre les Bulgares. Où sont les autres ? Lama et Desailly sont là, Deschamps aussi, ainsi que Cantona ou Roche. Mais Jacquet innove, et fait appel à plusieurs jeunes inexpérimentés, qu'on croit être les successeurs de ces ratés qui ont manqué le Mondial, ceux qui parviendront à faire se relever le football français, par ailleurs empêtré dans l'affaire VA-OM. Pourtant, que sont devenus les Gnako, Cyprien ou Martins, qui ont débuté en Bleu ce jour là ? Ils ne sont pas devenus champions du Monde en tous cas, ça c'est sur, pas plus que Le Guen ou Guérin, ni Di Méco. On dit souvent que ce France-Bulgarie a permis de purger un peu cette équipe et de repartir de zéro, c'est en partie vrai. Mais au final, c'est grâce à plusieurs de ces joueurs là que la France a atteint le sommet mondial.

Pas de cassure

Tout comme maintenant, la France pourrait - je dis bien pourrait - se qualifier pour le Brésil avec Evra, Ribéry, Abidal... ces hontes de la France qui ne sont pas descendus du bus à Knysna. Comme quoi, les déclarations de mort internationales après les grands échecs des Bleus, réclamées par une presse toujours assoiffée de sang et amatrice de chutes de tête pour

avoir de quoi écrire, restent souvent lettres mortes. Sept joueurs éliminés par la Bulgarie toujours présents en Bleus quatre ans et demi plus tard ? Un taux de renouvellement somme toute assez habituel. Il n'y a pas eu de cassure nette, même si on a peu vu Deschamps (4 m.) en 94. Faute de successeurs potables, on est vite revenus aux valeurs sûres... un peu comme maintenant. Bien évidemment, si la France tombe contre l'Ukraine, comme elle en a l'habitude lors de ces matches piégeux, tout ça sera la faute de ceux qui auront permis le retour de ces fâcheux, à savoir Le Graet et ses deux sélectionneurs, Blanc et Deschamps. En revanche, si on passe... Ainsi va l'avis pusillanime des médias.

France-Bulgarie a été la première expérience de ce genre pour le football français. Et encore, ils n'ont pas eu à gérer l'effet Tweeter, qui permet à n'importe qui de déclarer n'importe quoi sur n'importe quel sujet, avis personnels se muant en opinion, ce qu'ont vécus les Bleus qui ont éliminé l'Irlande en barrage sur la main d'Henry et ceux qui sont restés dans le bus. On a l'impression qu'il n'y a pas eu d'élimination honteuse avant, ni de qualification honteuse d'ailleurs. Est-ce que la série en cours des Bleus, toujours présents en tournoi depuis 1996, est due aux conséquences de France-Bulgarie ? Pas dans le choix des joueurs en tous cas, puisque si la génération Cantona-Papin a disparu ensuite, c'est surtout à cause de l'âge, Papin résistant jusqu'en 1995 par exemple. C'était une équipe jeune, comme maintenant, ses cadres ne dépassant pas les 30 ans. Mais les tout justes trentenaires, comme Papin ou Sauzée, n'ont pas enchaîné ensuite. Que les jeunes succèdent aux vieux, c'est la logique de toutes les équipes du monde depuis le début du sport.
Mais il aurait été difficile de sélectionner Henry et Trézéguet en 1993...

Faire table rase après un échec, c'est un fantasme de journaliste : aucune équipe ne pourrait survivre à une telle saignée. La France serait-elle en barrage si elle avait continué avec l'équipe battue en amical en Norvège après le Mondial 2010 (2-1), celle qui ne comptait aucun mondialiste ? Où sont les Ruffier, Cissokho, M'Vila, N'Zogbia, Hoarau, pour les titulaires, les Lassana Diarra, Ben Arfa ou Briand chez les remplaçants ? Sans parler de Rami, Mexès, Sissoko, Rémy ou Ménez, qui sont loin d'avoir crevé l'écran en Bleu ces derniers mois. Qu'aurait-on fait sans Ribéry ? Sans Lloris ? On s'apprêterait peut-être à jouer deux matches amicaux avec un nouveau sélectionneur, qui sait. Oui, les Bleus se sont renouvelés, mais pas plus que d'habitude. Comme en 93, quoi.

Je vous laisse, à plus tard !

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