dimanche 1 juillet 2012

Un duel de Champions

Salut à tous,

Nous y voilà... 30 matches, 72 buts, deux prolongations et autant de tirs aux buts, peu de surprises, hormis les trois défaites des Pays-Bas et la place de l'Italie en finale... et nous voilà au matin de la finale de l'Euro, la 14e du genre. Avec, au programme, un choc 100 % latin, le troisième en quatre Euros (après France-Italie en 2000 et Portugal-Grèce en 2004). C'est aussi un affrontement entre les deux derniers champions du monde, excusez du peu ! Le tenant espagnol est évidemment le grand favori de ce match, mais certains aspects pourraient bien arrondir les angles de cette certitude. Passons en revue les armes, les forces et les faiblesses de chaque équipe.

Une Roja solide, mais peu percutante

Honneur au tenant. Sa force, c'est d'abord son expérience. Personne ne peut se prévaloir d'un tel palmarès. Iker Casillas est le gardien qui a disputé le plus de matches en tournoi (28). A lui seul, Xavi rend jaloux tout le reste du plateau européen, avec ses 6 championnats, ses 3 Ligues de Champions, ses deux Coupes du Monde des Clubs, et bien sûr son Euro et son Mondial... La Roja qui n'a pas pris de but en match éliminatoire d'un grand tournoi depuis la Coupe du Monde... 2006, et le huitième de finale perdu contre la France (1-3). Depuis le but de Zidane dans les arrêts de jeu à Hanovre, l'Espagne vient de signer 900 minutes sans prendre de but. Dans le même temps, elle en a marqué 10, soit exactement un toutes les 90 minutes... le minimum du minimum syndical.

Et puis bien sûr, elle a son jeu, implacable. Elle n'a plus perdu la possession du ballon depuis la finale de l'Euro 2008, contre l'Allemagne (1-0). Andrea Pirlo, un des maîtres de la passe, serait sixième au nombre de passes s'il était Espagnol durant cet Euro, derrière notamment Busquets ou Ramos ! La Roja fait tourner le ballon, fait courir son adversaire pendant des palanquées de minutes, quitte à ennuyer même ses propres supporters, et aucune équipe passée à cette moulinette ne peut tenir très longtemps. Le Portugal y est parvenu mais a failli craquer en prolongation. Une défense solide, un milieu infernal... reste l'attaque.

C'est une des failles majeures de l'Espagne. Durant les tournois précédents, elle pouvait compter sur David Villa, voire Fernando Torres, pour rendre concret au tableau d'affichage l'énorme domination ibérique. Avec la blessure de l'ancien valencian, meilleur buteur des deux derniers grands tournois avec 4 puis 5 buts, et la méforme de Torres, malgré de gros progrès dernièrement, l'Espagne est comme une œuvre inachevée. Torres a signé un doublé, mais c'était "que" contre l'Irlande, contre qui la Roja a inscrit la moitié de ses buts dans ce tournoi (4 sur 8). Fabregas a marqué deux fois, lui aussi contre l'Irlande mais aussi, avant cela, contre l'Italie, un but égalisateur qui s'est avéré essentiel dans la qualification. Iniesta manquant de réussite (11 tirs cadrés, 0 but, record historique du tournoi) et Silva se contentant des passes décisives, l'Espagne a du se reposer sur un doublé improbable de Xabi Alonso contre les Bleus (2-0) et sur les tirs aux buts contre le Portugal. le dernier attaquant espagnol à avoir marqué lors d'un match éliminatoire se nomme Villa, en quart de finale du dernier Mondial, contre le Paraguay (1-0). Depuis, Puyol, Iniesta et Xabi Alonso (2) lui ont succédé, en 4 matches.

Et puis, y a cette fatigue, cette lassitude, presque. Contre la France, qui n'a malheureusement jamais cherché à la bousculer, contrairement au Portugal, elle a semblé absente, comme peu concernée. Elle a géré les timides petites flèches tricolores, et s'en est sortie au métier contre des Portugais beaucoup plus incisifs. La sortie de Xavi à la 87e minute, alors que tout restait à faire, a interloqué. Il faut dire que ce soir, le milieu de 32 ans disputera son 65e match de la saison, soit son exacte moyenne depuis six ans. Son compère Busquets, lui, le devancera de deux unités. Les Madrilènes Casillas (69), Sergio Ramos (67) et Xabi Alonso (68) font autant, voire pire. Les autres se situent entre 50 et 60 matches chacun, ce qui fait, pour tous, plus d'un match par semaine en moyenne. Normal pour des internationaux, titulaires dans des clubs qui auront brillé dans toutes les compétitions. Mais il est logique que, pour certains trentenaires n'ayant jamais pu ou voulu souffler ces dernières années, la route commence à sembler longue.

Et enfin y a l'Histoire, implacable. Se qualifier pour trois finales consécutives de grande compétition, en en gagnant 2, a déjà été fait une fois, par la RFA entre 1972 et 1976. Conserver son titre européen et gagner trois tournois consécutivement, en revanche, ça n'a jamais été fait. L’Espagne est favorite, mais la RFA aussi l'était avant d'être piégée aux tirs aux buts par la Tchécoslovaquie de Panenka, il y a 36 ans. Toutes les séries ont une fin, et les records sont faits pour être battus. Mais quand même, quel exploit ce serait !

Mais l'Italie semble avoir les clés pour contrer cette machine de guerre implacable.

La Squadra l'a déjà fait

D'abord, c'est la seule à avoir marqué un but à cette Roja, lors du premier match (1-1). Un contre assassin façon italienne, conclu par Di Natale, qui ne reflèta pas vraiment le style de cette Squadra qui n'avait pas fait que défendre contre le tenant des titres. Elle l'avait bousculé, et lui avait infligé autant de tirs cadrés en un match (6) que les trois autres adversaires des Espagnols par la suite. Défensivement, elle n'avait cédé que sur un éclair de génie de Silva, trouvant d'une passe laser un mini espace dans le mur italien pour trouver un Fabregas terriblement habile (1-1).

Avant d'analyser son jeu, disons également que l'Italie, certes éliminée aux tirs aux buts par la Roja à l'Euro 2008, n'a jamais perdu contre cette dernière en tournoi majeur, en 7 confrontations (3 succès, 4 nuls). Sous la magistrature Prandelli, elle reste également sur deux matches sans défaites (1 succès en amical, 2-1, et le nul lors du groupe C). Elle est également la seule équipe à n'avoir jamais été menée durant la compétition.

Dans le jeu, certains disent qu'elle est la preuve qu'on peut gagner avec deux pointes, sous-entendant par là que la France aurait pu le faire en faisant jouer Giroud, la grande marotte française de ce mois de juin. Regardez les matches italiens, et revenez m'affirmer que Cassano joue en pointe. La plupart du temps il joue en soutien de Balotelli, et le plus souvent sur le côté gauche, ou De Rossi, le milieu gauche du trident du milieu italien, qui peut dépanner en défense centrale, aura toutes les peines du monde à se muer en ailier gauche. C'est de cette aile, notamment, que l'attaquant du Milan aura servi celui de City contre l'Allemagne (2-1), ne marquant qu'un seul but, sur corner contre l'Irlande (2-0). En 5 matches, il n'a frappé que 13 fois au but, cadrant 7 fois. Balotelli en est à 24, pour 14 cadrés ! Ce dernier est LA pointe de l'Italie, qu'il n'est d'ailleurs pas toujours à City. Cassano, lui, n'en a jamais été une. Il n'a marqué que 13 buts en 18 mois, en 54 matches. De bonnes stats, mais pas les stats d'un buteur.

Ce duo offensif est extrêmement intéressant, car très complémentaire. Il associe deux joueurs très techniques, un qui balaie tout le flan offensif, on l'a vu, et l'autre très puissant, rapide, qui ne doute de rien, et qui pèse terriblement sur les défenses centrales. Balotelli a passé son Euro à gâcher des occasions (seul Ronaldo et le Russe Kerzhakov ont plus frappé à côté que lui), sauf contre l'Allemagne, où il a moins frappé mais beaucoup mieux. L'attaquant formé à l'Inter est le premier italien a marquer plus de deux buts lors d'un Euro. Guère embêtée par Benzema ou Hugo Almeida, à peine plus par Ronaldo, la défense espagnole devra gérer ce phénomène, qui est capable de flamber comme personne ou complètement disparaître, c'est selon. En tous cas il avait particulièrement raté son premier match contre l'Espagne, pas dans le jeu, où il avait toujours été dangereux, ce qui lui garantie, à mon avis, sa place de titulaire, mais dans l'efficacité.

Évidemment, il y a Pirlo, sans qui la Squadra ne serait pas là, tout simplement. Un des seuls champions du monde 2006 présent (avec Buffon, Barzagli, Chiellini et De Rossi) a porté cette équipe comme peu de joueurs l'ont fait. A 33 ans, il a été impeccable défensivement, et génial dans le jeu. Il fait toujours le bon choix, ajuste parfaitement ses passes, dirige le jeu comme personne. Il a d'ors et déjà assuré sa place dans le onze type du tournoi, et sans doute dans les 5 premiers du prochain Ballon d'Or. Surtout en cas de victoire... La défense, elle, a concédé trois buts, notamment contre la Croatie, mais aussi contre l'Espagne et l'Allemagne, sur penalty, excusez du peu. D'une manière générale, Barzagli a prouvé qu'il était un des tous meilleurs défenseurs du monde, tout comme le méconnu Bonucci. Et que dire de Buffon... au-delà du grand gardien qu'il est depuis plus d'une décennie, il est peut-être le meilleur capitaine du tournoi, un meneur d'homme exceptionnel. Un de ceux qui ont manqué, par exemple, aux Pays-Bas, à l'Allemagne, et bien sûr à la France, on ne peut plus logiquement.

Une tactique incertaine, un banc peu fourni

Les défauts maintenant. Dans tous ses matches, l'Italie a gâché, et s'est compliqué la vie. Même face aux meilleurs, l'Espagne et l'Allemagne, elle a raté des occasions qui auraient pu lui assurer des succès plus larges, ou des succès tout court. Son match contre la Croatie en est l'exemple parfait (1-1). Après deux matches de poule et avec 2 points, elle était à deux doigts d'être éliminée à cause de ce manque d'efficacité. Preuve, s'il en est, qu'elle n'a plus rien à voir avec l'image d'Epinal qui la poursuivra encore longtemps, celle d'une équipe froide, calculatrice, et qui n'a pas besoin de beaucoup d'occasions pour s'imposer. C'est tout l'inverse, même, et face à des Espagnols qui concèdent vraiment très peu de tirs en temps normal, il faudra être efficace, enfin. Balotelli est l'inverse absolu de Rossi ou Inzaghi. Très présent, mais pas forcément efficace.

Lors de son match contre l'Espagne, elle avait aussi gêné le tenant grâce à une défense à 5, qui avait noyé le jeu de la Roja, tout en lui permettant d'être performante offensivement grâce à un milieu fourni et des couloirs bien animés. Mais depuis le match contre la Croatie, Prandelli a abandonné cette tactique destinée surtout à rassurer une équipe fragilisée par les affaires de corruption et des matches amicaux catastrophiques, De Rossi est revenu au milieu, ce qui lui a offert un visage encore plus séduisant. Alors, que va décider l'ancien coach de la Fiorentina ? Va-t-il utiliser le système qui avait mis en échec l'Espagne ? Ou continuer de s'appuyer sur celui qui lui a réussi depuis, quitte à moins gêner la Roja ? Pas facile, le job de sélectionneur...

En tous cas ce match sera très différent du premier. Pourtant, dans les 3 autres cas où deux équipes se retrouvent en finale après s'être affronté durant le premier tour, seul le double affrontement entre les Pays-Bas et l'URSS, en 1988, différa selon que les deux équipes s'affrontaient en phase de poule (1-0 pour les Soviétiques) ou en finale (2-0 pour les Oranges). En revanche, entre Allemands et Tchèques, en 1996, il y eut le même résultat (2-0 puis 2-1 a.p.), mais pas vraiment selon le même scenario, puisque l'Allemagne fut menée jusqu'au dernier quart d'heure... En revanche ce fut quasiment identique entre Grecs et Portugais, en 2004 (2-1 puis 1-0). La série va-t-elle se poursuivre ? A noter que dans ces cas là, il n'y eut pas de nul... jusqu'à cette année. Aucune des deux équipes n'a donc pris l'ascendant !

Dernier point faible italien, son banc. Derrière le 11 qui s'est dessiné dernièrement, seul Diamanti, habituel remplaçant, a à peu près donné satisfaction. Le Parisien Motta a perdu sa place de titulaire, tout comme le latéral droit napolitain Maggio, au profit même d'un gaucher (Balzaretti) ! Di Natale a bien remplacé Balotelli lors du premier match, avec un but à la clé, mais n'a plus brillé depuis, gâchant même une grosse occasion contre l'Allemagne. Bref, pas sûr que si l'Italie était menée pour la première fois du tournoi, elle ait les moyens de retourner la tendance, vu qu'on ne l'a pas encore vue dans cette situation.

Voilà, j'espère vous avoir donné un maximum de clés ! Bon match, on en reparlera cette semaine !

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