vendredi 13 mai 2016

L'importance d'être constant

Salut à tous,

Ca y est, elle est tombée. Bizarrement, je n'ai pas le souvenir d'une telle attente à propos d'une liste pour un grand tournoi en France, mais ma mémoire me fait peut-être défaut. Sans doute est-ce du à l'absence de certitudes - du moins chez les observateurs, les journalistes et les 67 millions de sélectionneurs en France - dans beaucoup de secteurs, notamment en défense et en attaque. Même chez les gardiens, le nom du troisième larron différait souvent suivant qu'on était fan de Costil ou d'Areola. En fait, au vu de la liste, un des rares Français à ne pas vraiment douter sur sa liste se nommait... Didier Deschamps, qui a renouvelé son groupe déjà appelé en mars contre les Pays-Bas et la Russie, et qui lui avait donné satisfaction. Et tant pis si sa liste de réservistes fait parfois plus envie que sa vraie liste...

Chez les gardiens, la tendance est presque toujours à la stabilité. On voit rarement un sélectionneur changer ses billes au moment d'annoncer sa liste alors qu'il se tenait aux trois mêmes noms auparavant, tout simplement parce que le poste de gardien, s'il reste important, n'influence pas vraiment le jeu d'une équipe, même si les fans de Kevin Trapp pensent réellement qu'un gardien bon aux pieds y parvient, ce qui ne m'a jamais sauté aux yeux. Et surtout, il faudrait un réel cataclysme pour qu'un troisième gardien joue un match durant un tournoi... ça arrive quand même TRES rarement. Limite, on devrait arrêter d'en prendre trois pour prendre un joueur de champs supplémentaire... la preuve, en 2014
Deschamps avait pris Landreau, quasi déjà à la retraite avec Bastia, beaucoup plus pour ses aptitudes à fédérer un groupe et faire le tampon entre les deux premiers gardiens, qu'à réellement récompenser le troisième meilleur portier du pays. Alphonse Aréola, sans parler de Stéphane Ruffier, est sans doute meilleur que Benoit Costil. Mais Deschamps doit considérer que Costil est le meilleur compromis entre un bon gardien de Ligue 1 et un bon coéquipier, qui ne l'embêtera pas pour jouer.

Une défense qui boite
La défense de ce groupe, déjà poreuse en mars contre les Pays-Bas (2-3) et la Russie (4-2) me fait très peur. Entre un Varane en difficulté cette saison à Madrid, un Koscielny selon moi un peu surcoté et qui a toujours provoqué beaucoup de penalties, un Evra qui va fêter ses 35 ans dans 2 jours, et un Sagna (33 ans) titulaire à City mais un peu juste pour le haut niveau selon moi, les titulaires n'apportent aucune garanties. Mais alors derrière... déjà il manque Mamadou Sakho, indispensable leader de ce groupe et toujours solide en Bleu. Pour moi, son absence est terrible, à tous les niveaux. Malgré ses états de service en Équipe de France il n'a pas la carte dans les médias, je ne sais pas trop pourquoi, mais son absence pèse lourd, que ce soit sur le terrain ou dans le vestiaire. On se retrouve dans l'axe avec deux gauchers exclusifs, un Mangala en grande difficulté à City et un Mathieu qui revient à peine de blessure. Si Varane se blesse, il ne faudrait pas que Koscielny prenne un de ses sempiternels cartons rouges ou on se retrouvera avec deux axiaux gauches en défense... Quant à Jallet, à peine titulaire à Lyon et qui n'est pas de la première jeunesse non plus (32 ans), et Digne, dont la seule perf a été de rester titulaire à Rome, il n'y a pas de quoi sauter au plafond non plus. Pourquoi ne pas prendre Sidibé, extrêmement performant avec Lille et qui peut couvrir les deux ailes, et Umtiti, à la place d'un Mathieu convalescent ? Je ne suis pas fan du défenseur lyonnais mais au moins il ne revient pas de blessure, lui... quitte à le priver de vacances, autant le prendre dans le groupe. La logique de groupe de Deschamps, encore.

Au milieu, même chose, pas la moindre surprise. Et là encore, les réservistes semblent plus solides que certains titulaires, comme Rabiot vis à vis de Sissoko ou Cabaye. Sissoko, l'éternel couteau suisse de Deschamps et avant lui, de Blanc... mais qui sort d'une saison cataclysmique avec Newcastle, relégué en Championship... Un but et six passes au compteur. Piouf ! La logique de groupe a du bon, mais y a des limites quand même. Sérieusement, avec tous les ailiers qu'il a pris, Sissoko ne sert plus à rien pour couvrir le côté droit, puisque trois joueurs offensifs peuvent y jouer (Payet, Martial, Coman). Et dans l'axe, il y a une demi douzaine de joueurs meilleurs que lui. Ce garçon doit vraiment être un formidable camarade dans ce groupe pour pouvoir perpétuellement compter sur sa place en Équipe de France, quelque soit ses performances. Les autres joueurs, en revanche, étaient incontournables. Pogba, Diarra, Matuidi : il s'agit selon moi du seul endroit sur le terrain où Deschamps possède de solides certitudes. Surtout avec Kanté pour faire le nombre au cas où.

Une attaque sans buteurs
Et l'attaque... ça ne sert à rien de revenir sur l'absence de Benzema, dramatique selon moi. Un buteur d'une telle classe, doublé d'un passeur remarquable... ses (nombreux) détracteurs affirmeront que l'Equipe de France joue mieux sans lui, ça reste à prouver puisqu'il n'était pas là en mars, mais ils ne peuvent sérieusement pas affirmer que s'il n'y avait pas eu l'affaire avec Valbuena, personne n'aurait trouvé scandaleux que Deschamps le prenne dans sa liste... soyons sérieux. Donc il avait sa place, 100 fois à la place de Gignac et Giroud, en échec cette année à Arsenal. Mais, non content de ne pas pouvoir prendre Benzema, Deschamps se prive en plus du deuxième meilleur attaquant français du meilleur championnat du monde, la Liga : Kevin Gameiro. Pas d'automatisme avec les autres joueurs : pourquoi, Gignac en avait avant de revenir à l'automne dernier ? Pas de passé réel en Bleu ? Et Coman, il en avait ? Il compte 8 sélections et un but, elles datent mais elles existent. Sérieusement, est-ce que ses performances en Liga (16 buts) ou en Ligue Europa (9), dont il disputera la finale prochainement, ne valent pas largement plus celles de Gignac au Mexique (24 dont 13 en 2016), championnat que je connais un peu, qui n'est pas mauvais mais est très loin de valoir la Liga ? Si vous me dites oui, alors d'accord, difficile de discuter dans ces conditions.

Les autres membres de la ligne d'attaque sont difficilement discutables, notamment Griezmann ou Martial, qui représentent beaucoup plus l'avenir que Payet, dont l'épanouissement très tardif m'interroge. Ce garçon a toujours eu du mal à s'imposer dans la difficulté, à Lille, dans l'ombre de Hazard, et à Marseille, dans celle de Valbuena. A chaque fois il s'y est imposé quand le titulaire qui le génait est parti, pas avant. Il lui a fallu aller à West Ham, club très moyen où il n'est pas gêné par la concurrence, pour se révéler. Reste à voir ce que ça donnera à un niveau supérieur... et on en vient à Ben Arfa. Je suis partagé, pour les mêmes raisons que Payet, à la différence que lui possède vraiment un bagage technique très au dessus du lot, et qu'à 17 ans on lui promettait déjà presque le Ballon d'Or, dont il ne s'est finalement jamais approché. Il réalise une immense saison avec Nice, mais ça reste Nice, où sa seule concurrence se nomme... Mathieu Bodmer, où il n'a pas joué de Coupe d'Europe et où on lui a donné des responsabilités qu'il n'avait jamais connu ailleurs. Qu'aurait-il apporté à ce groupe en tant que 6e ou 7e attaquant ? 10 minutes par ci par là ? Si Benzema et Gameiro avaient été là, on n'aurait peut-être jamais évoqué son nom. Ce n'est pas son absence qui affaiblit ce groupe, même si j'aurais aussi été favorable à sa présence, à la place d'un Coman encore très jeune et qui n'a du son temps de jeu exceptionnel au Bayern qu'aux blessures de Ribéry et Robben. Coman ne jouera sans doute pas non plus beaucoup, et il avait le temps d'être rappelé. Ben Arfa, plus tellement...

La Ligue 1 au piquet
Enfin, analysons un peu cette liste. Elle compte le plus grand nombre de joueurs évoluant à l'étranger (18 sur 23, soit 78,3 %) depuis 2002 (idem), un record pour une liste française pour un grand tournoi. Inutile de dire qu'on est loin des 50 % de joueurs de Ligue 1 souhaités par Frédéric Thiriez il y a quelques années, même si on y était dans les années 2000 (52,2 d'étrangers en 2006, 56,5 en 2008, 52,2 en 2010, 47,8 en 2012). Pour le Mondial 2014 déjà, le taux d'"étrangers" augmentait sérieusement (65,2). La Premier league compte 10 joueurs, comme en 2014, son meilleur total. Historiquement, l'Angleterre est largement au dessus des autres pays avec 74 représentants, soit presque la moitié du total des clubs étrangers (48,5 %). La Serie A, deuxième, est très loin (37), et ne compte que 3 joueurs cette année, un chiffre malgré tout en progrès puisqu'elle n'en comptait qu'un en 2014 et en 2012, et aucun en 2010. La Liga, elle, reste stable avec ses trois joueurs, un dans chacun de ses géants, comme en 2014, 2010 et 2008, et 2 en 2012.

Pas moins de 19 clubs sont représentés dans cette liste, contre 16 en 2014 et 17 en 2012. On est loin de l'hégémonie marseillaise de 92 (8 phocéens et seulement 9 clubs représentés) ou des 9 clubs représentés en 2010... un éparpillement qui s'explique notamment par la présence de 5 clubs qui n'avaient jamais figuré dans une liste jusque là : trois Anglais (Crystal Palace, Leicester, West Ham) plus l'Atletico Madrid et évidemment les Tigres de Gignac, premier club non européen jamais représenté en Bleu dans leur histoire. Par ailleurs, sur ces 19 clubs, 4 seulement comptent deux joueurs : Marseille, Arsenal, la Juve et Manchester City. Dans l'histoire de ces listes, depuis 1954, Bordeaux reste en tête avec 34 joueurs, devant un trio composé de Lyon, Marseille et Monaco (30). L'ASM qui n'a désormais plus été représentée dans une liste pour un grand tournoi depuis... 2006 ! Suivent ensuite Arsenal, premier club étranger, à égalité avec le PSG, qui ne compte qu'un représentant cette année, contre trois l'an passé. Mais les départs de Digne, Coman ou Cabaye font baisser ses chiffres. A moins que Rabiot...

Cette liste pourrait en effet changer, comme en 2014 puisque trois réservistes avaient été rappelés suite à des blessures. En tous cas vivement le 10 juin !

A plus tard !

2 commentaires:

  1. Gameiro c'est un joueur de contre dont le principal atout est la vitesse, alors qu'on va jouer en attaque placée contre des Bus. Giroud et Gignac sont plus utiles dans cette perspective.

    Deschamps prend les joueurs dont il a besoin, pas ceux qui le méritent, et selon des paramètres que nous ne connaissons que partiellement.

    Je suis bien d'accord avec toi pour dire que cette équipe manque de plein de choses (Sagna qui compte 55 sélections, comment mieux définir le concept de "creux générationnel" !), qu'il y a certainement quelques injustices (Sissoko et Cabaye ont fait une saison de m...., on est d'accord !), mais c'est à la fin de la compétition qu'on juge la valeur de la liste, pas avant. En 98, j'avais hurlé quand Dugarry avait été sélectionné... et après le premier match, j'ai fermé ma gueule !

    Arthur

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  2. Pourtant Seville ne joue pas vraiment en contre, notamment en c3, et Gameiro n'arrete pas de marquer. C'est un peu une image datée, il est plus complet que ça.
    Et par ailleurs Dugarry a pas servi à grand chose dans ce mondial, à part son but sur corner...

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